Un film de Tetsuya Nakashima, avec Kyoko Fukada, Anna Tsuchiya.

Momoko aurait voulu vivre au XVIII ème siècle en France, passionnée qu'elle est par la mode Rococo. Elle ne porte que des fringues de la marque « Baby », avec des coeurs partout, de la dentelle, et des robes à froufrous. En pétant, son père dégage des nuages cartoon. Ichigo, elle, appartient à un gang de motardes, crache pour un oui ou pour un non, et à un tempérament orageux. Lorsque la première passe une annonce pour vendre les imitations « Versace » de son père, la seconde rapplique.

Ce film haut en couleurs nous conte le parcours de deux jeunes filles rebelles, profitant à fond des années de liberté qui leur restent (avant d'être intégrées par la société japonaises), en quête de l'indépendance la plus totale, chacune à sa manière. Indépendance vestimentaire (Momoko fascinée par les robes « Baby », Ichigo arborant l'uniforme du gang bardé de signes de soumission à son chef), choix des fréquentations (la solitaire et la membre du clan), comportement rock'n roll (la nunuche kawaï et le garçon manqué vulgaire), tout est prétexte à une opposition flagrante entre univers visuels affirmés. Le réalisateur s'en donne à coeur joie, tant dans la composition de couleurs baroques que dans la narration joueuse, faite de flashbacks et distorsions du temps vus à travers les yeux d'une jeune délurée, rappelant celle du « Fabuleux destin d'Amélie Poulain ».

Une fois le décor planté, l'histoire d'amitié prend le pas sur les scènettes surréalistes d'exposition. Mais là où le film aurait pu basculer dans le neuneu moralisateur et attendu, le rythme ne fléchit pas et la complicité des deux actrices fait mouche. Drôle, émouvant, « Kamikaze girls », sous une apparence de joyeux bordel, prouve tout le talent de conteur de Nakashima qui, sans révolutionner le genre (une histoire d'amitié classique), parvient à rendre crédible un univers barré et des personnages qui avaient tout pour être énervants.

Jouant constamment sur le registre d'un Miike (les exagérations puissance mille et gratuites) mais en plus mignon, et exploitant les codes japanimes (passages en dessin animé, onomatopées, cadrages, utilisation des courtes focales pour des perspectives démesurées), « Kamikaze girls » constitue au final une excellente surprise. Déjanté mais pas tant que ça, frais, et finalement tout sauf gratuit, c'est une perle à découvrir sans pour autant susciter un engouement suffisant pour accéder au rang d'un film culte, opaque et élitiste.

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