Un film de Hayao Miyazaki.

Après que la civilisation des hommes ait été détruite par des guerriers géants, des forêts toxiques se sont développées, rendant certaines parties du territoire irrespirables. A la périphérie de cette zone, vit un village paisible dans la Vallée du vent. Cependant, les deux royaumes voisins se livrent une guerre sans merci, l'un tentant de ressusciter un guerrier géant, l'autre utilisant la colère des animaux pour neutraliser leur ennemi.

Sorti en 1984, le film le plus ancré SF de Hayao Miyazaki a un petit peu vieilli aujourd'hui. Même si les compositions lentes au piano de Joe Hisaishi n'aient pas pris une ride, et notamment son superbe thème principal, ce sont surtout ses musiques rythmées qui fleurent bon les années 80. Mais hormis cette broutille, un certain charme se dégage du côté vieillot du film ; les dessins épurés donnent en effet un rendu saisissant lors des scènes se passant dans le désert, dans une ambiance très « Dernier combat / Tatooine », et les homus (créatures massives vivant dans la forêt toxique) n'ont pas besoin d'être plus élaborées tant leur animation minimaliste (ils se déplacent comme des vers) et leurs yeux, changeant de couleur selon leur humeur, leur confèrent un minimum de présence charismatique.

Mais l'aspect daté du film ne doit pas occulter ses qualités : les séquences en planeur sont littéralement magiques, et la peinture de l'univers désertique, absent des autres films du maître (plutôt à base de verdures, intérieurs en bois, ou cités grouillantes), contraste bien avec les passages féériques se déroulant au coeur d'une forêt cousine de celle de « Princesse Mononoke ». Les plans précédent le raid nocturne des homus sur le village sont tout à fait saisissants, car seuls les yeux des créatures sont visible de loin. Leur changement de couleur (bleus ou rouges, selon que les homus sont énervés ou apaisés) constituent d'ailleurs le gimmick visuel le plus emblématique de « Nausicaä ». Bien sûr, la violence est également présente, car le film dépeint encore une guerre. Le réalisateur n'hésite pas parfois à verser dans le cru (bras transpercé), mais utilise aussi le hors-champs et la sobriété pour montrer les conséquences physiques de la guerre, sur les civilisations ou les personnes.

Les personnages du film évoquent de manière flagrante ceux créés 13 ans plus tard pour le film « Princesse Mononoke », et débutent une grande lignée de personnages et entités Miyazakiens que l'on croirait tous parents : la princesse-adolescente communiquant facilement avec les animaux et la nature, la grand-mère héritière des coutumes ancestrales, la chef de guerre mutilée, le jeune héros sans pouvoir particulier, le géant destructeur/défenseur, la présence paternelle protectrice, mais aussi la cité à défendre, les machines volantes, les animaux en colère, le poison/virus (bon ou mauvais). A part quelques films très singuliers comme « Mon voisin Totoro » ou « Porco Rosso », il est évident que le réalisateur nous conte à chaque fois la même histoire, au sein d'une thématique invariable : l'épanouissement de la civilisation humaine ne doit pas aller à l'encontre du bien-être de la Nature, sans quoi les représailles de celle-ci seraient d'une ampleur comparable aux méfaits des premiers.

« Nausicaä de la vallée du vent » est donc un très bon film de SF, dont la pauvreté des moyens visuels comparés à ce qui se fait aujourd'hui ne masque aucunement les grandes qualités de sa mise en scène, et dont le look daté lui confère un charme indéniable.. Un film intéressant à replacer dans la filmographie d'Hayao Miyazaki et du studio Ghibli (même si le film est antérieur à la création du studio), à ranger aux côtés d'une autre oeuvre fondatrice de la future carrière du studio, « Horus, prince du soleil » (Isao Takahata, 1968).

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