Un film de Zack Snyder, avec Gerard Butler, Lena Headey, David Wenham. D'après le graphic novel de Frank Miller et Lynn Varley.

En refusant de soumettre Sparte au perse Xerxès, le roi Leonidas sait qu'il va précipiter son peuple vers la guerre. Désapprouvé par les anciens, il part seul avec sa garde personnelle, 300 spartiates sur-entrainés, affronter les milliers de soldats perses dans le défilé des Thermopyles. Sélectionnés, préparés au combat depuis qu'ils savent marcher, les spartiates sont de véritables machines de guerre. Ca va charcler sévère !

A l'origine, la BD « 300 » fut créée en 1998 par Frank Miller entre deux épisodes de sa série « Sin City ». Colorisée par sa femme Lynn Varley, « 300 » offre un traitement graphique orchestré autour d'un dessin en noir et blanc proche de « Sin City », mais rehaussé par des tons crépusculaires à base de taches d'encre. L'harmonie générale, faite de teintes ocres et brunes étalées à la brosse, permet de mettre en valeur le rouge pétard des capes spartiates.

La BD, véritable exercice de style, s'articule autour d'une volonté de Frank Miller d'évoquer l'idée du soldat parfait. Défendant le monde grec contre une invasion barbare, une poignée d'hommes vont vivre leur rêve ultime : l'honneur suprême de toute leur vie était de mourir sur le champ de bataille ; leur existence de soldat spartiate les y ayant naturellement menés, c'est la notion même de super guerrier s'éclatant dans la boucherie et la souffrance qui définit le mieux ces protagonistes. Prenant même plaisir à souffrir (lors de certaines scènes au campement, des soldats spartiates éprouvent la résistance de leurs compagnons en leur marchant dessus), on assiste devant l'univers de « 300 » à une représentation homérique du héros, croisée avec l'incarnation des super-saiyens de Toriyama.

Personnellement, je n'ai pas trouvé la BD très prenante : certes, le visuel est fort, mais comme dans « Sin city », Miller joue avant tout sur les clichés : les guerriers et leurs pectoraux, les lances, les méchants faisant penser à des ninjas, des géants monstrueux, des femmes sublimes... J'ai plus l'impression de regarder un créateur qui joue qu'une véritable histoire, par opposition à « Sin City », où des personnages comme Marv ou Hartigan continuaient de hanter le lecteur une fois les tomes refermés, compressés par le verre de whisky.

Le film est très proche de la BD. C'est une claque. Snyder prouve qu'il vaut bien mieux que l'autre crétin de « Troie », Wolfgang Petersen, parti ensuite noyer le projet « Poséidon ». Oubliez en effet « Troie », longue pub pour des shampooings tonifiants, adaptation asceptisée de la monumentale « Iliade », dont le véritable alter ego cinéma est bel et bien ce « 300 ». En tant que fan absolu de la fresque barbare d'Homère, je reconnais les combats du film de Snyder comme incarnations parfaites des aristies (séries d'exploits individuels accomplis par un héros en transe) de « L'iliade ». Ca charcle, ça empale, ça gicle, ça dérape, ça vise juste et ça fait mal. Cinématographiquement, les bastons font aussi preuve d'inventivité : les accélérations et variations de vitesse dans les plans ne sont pas gratuits, et donnent enfin sens au mot "chorégraphie", en jouant non seulement avec l'espace mais aussi avec le temps. Les ralentis sont placés judicieusement, pour souligner encore plus que l'adversaire a mal. Les passages accélérés accompagnent les déplacements et les vitesse d'exécution. Ces variations de vitesse se placent dans la droite lignée des autres grands chorégraphies d'action filmées par Sam Peckinpah et John Woo. Ces figures de style servent enfin à quelque chose : souligner la beauté des gestes et amplifier la violence des affrontements, pas masquer des chorégraphies insipides. Mais l'autre effet "kiss cool", c'est surtout que l'on comprend qui est où, qui empale qui, comment, et comment il enchaîne. Malgré son caractère définitif, c'est ce qui manquait à la trilogie « Le seigneur des anneaux » de Peter Jackson. Les batailles frappaient parce que le surnombre des guerriers faisaient mouche, reconnaissons que les chorégraphies étaient loin d'être limpides, si bien qu'on avait parfois l'impression que les héros combattaient des grabataires manchots.

« 300 » ne s'adresse pas qu'au mâle avide de baston ; il se structure comme un jeu vidéo à la « Double Dragon ». Les spartiates avancent, affrontent des petites castes, puis les mêmes en plus nombreux, puis des plus entraînés, des gros vilains (demi-boss), et enfin le boss. Ils ignorent la fatigue, comme l'avatar contrôlé par le joueur. Certaines scènes sont structurées comme des niveaux de jeu (la pyramide de cadavres qui s'écroule, simplement poussée par les spartiates, Leonidas escaladant la montagne dans un niveau à "plate-formes", les assauts ressemblant à des shoot'them up) faisant furieusement penser à des basiques espaces en 2D. Nous nous situons dans une expérience jouissive et régressive, limite old school.

Crom !

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