Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 26 Juin 2010.

Vous connaissez forcément son nom. Vous avez forcément vu au moins une fois son travail : Des « Cent vues du Mont Fuji », vous avez au moins une fois vue une de ses vagues. Quand vous regardez un nanar des années 1970s, vous savez ce que veut dire l'expression « Eh fillette, viens admirer ma collection d'estampes japonaises ».

Hokusai est un peintre qui a eu une énorme influence sur les artistes Japonais à une époque où l'archipel était replié sur lui-même, mais aussi internationale. Lui même s'était intéressé aux techniques des gaïjin, comme la perspective, le papier aquarelle, le Bleu de Russe. Et en même temps, il était éternellement insatisfait de son travail.

Mais commençons par le présenter : Hokusai est en fait un pseudonyme, qu'on pourrait traduire par « le vieux fou de dessin ». Dans tous les sens du terme, car à une époque où l'espérance de vie dépassait difficilement les 50 ans, il a vécu 90 ans, ce qui est encore à notre époque un âge vénérable. Mais surtout, il n'a jamais arrêté de dessiner quand il a commencé.
Hokusai a changé maintes fois de noms. Au gré de son humeur, quand il changeait de technique de dessin, voire parfois pour échapper à un mari jaloux. Il a déménagé plus de 90 fois, son atelier a pris feu, certains de ses travaux ont été détruits par rage ou dans une bagarre, bref, sur les 30 000 dessins que nous connaissons de lui, on est sûrs d'en avoir qu'une infime partie !

Oui, parce que ce vieux fou était un queutard. C'est en assoiffé de sexe et en vieil obsédé que le décrit Ishinomori. Une biographie iconoclaste, avec des moments de comédie. Mais en fait, assez proche du bonhomme, quand on se souvient de ses œuvres très suggestives, comme le très troublant « songe de la femme du pêcheur » : une femme, un poulpe, non seulement il a écrit un recueil qu'il a intitulé « Manga », mais il a aussi popularisé le hentaï !
Et il était aussi bien poursuivi par les maris dupés, par les modèles qu'il a délaissé, que par les mécréants qui voyaient en lui une machine à dessiner des billets de banques par sa simple signature. S'il n'avait eu cette manie de changer de noms quand ça lui chantait, peut-être aurait-il mieux vécu ? Ou peut-être qu'il n'aurait pas été affamé de dessiner. Tous les jours.

Toute sa vie, il a vécu pauvre, ruiné. Il a été un bourreau de cœurs. N'a cessé de changer de nom. Eu la célébrité de son vivant, mais jamais la richesse. Il a été infernal au point de faire craquer les auteurs de livres qu'il était censé illustrer. Quand il s'éteint en 1849, le manga rapporte qu'il n'a jamais dit quel serait son nouveau nom, mais il meurt avec de rares fidèles, dont sa fille qui a subi ses sautes d'humeurs, a tenté d'éloigner les parasites et de le calmer sur la bagatelle.

L'auteur de « Cyborg 009 » nous offre la vie hallucinante d'un peintre majeur qui a aussi bien influencé les artistes européens du XIXème siècle que les auteurs de BD. L'histoire est découpée en chapitres, selon différents époques de sa vie et les différents noms qu'il a porté, de Tokitanō à Manji. Entre les scènes de comédie, on a droit à de superbes moments de mises-en-scène, des leçons graphiques impressionnantes... mêlant adaptations des dessins du maître et ré-interprétations des paysages originels. L'histoire est passionnante, la bd bluffante.

Gros regret sur l'édition Francophone : celle-ci est d'un format légèrement plus petit que la trilogie « Folles passions » de Kazuo Kamimura, alors qu'ils sont dans la même collection et que cela semble évident de mettre ces bouquins ensemble sur la même étagère (l'autre série romance la vie d'un étudiant de Hokusaï).