Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 8 Mars 2014.

Le terme Black Ops, qu'on peut traduire en opérations noires désigne les opérations les moins avouables des services secrets. Ces casseroles de la CIA, par exemple, qui empoisonnent les relations internationales. Cet album entame une nouvelle histoire en deux tomes sur les très riches heures des grandioses fiascos des services secrets Américains.

Soyons honnêtes, cette série n'est nullement anti-américaine primaire. D'abord Stephen Desberg est de nationalité américaine, c'est un excellent scénariste de polar qui se documente à fond pour parler des rouages administratifs de sa patrie. Il explique très bien le mode de pensée du fisc américain dans la série « I.R.$ », même si elle est totalement romancée. Quant à Hughes Labianio, c'est un fan de musique populaire du début du XXème siècle, et il a dessiné « Dixie Road », une excellente série sur la Grande Dépression et les années 1930s.

Cette fois-ci, cette super-production à très gros budget nous emmène en 1973. Dans une Amérique en pleine crise des valeurs, entre le bourbier du Vietnam et le mouvement Flower Power dans ses campus. Deux images totalement contradictoires, deux agents de terrains de la CIA, Janine et Sol, aux visions diamétralement opposées. Ils sont envoyés par leur hiérarchie en Iran, afin de se renseigner sur certains proches du Shah. Sous couverture d'un couple, ce qui va se montrer difficile vue leur différences d'opinions et de manières.

Mais l'enquête ne sera pas de tout repos, car si l'Iran est un allié très fidèle des États-Unis, la question du pétrole reste un immense tabou. Même dans la hiérarchie de la Compagnie ou des Sept Sœurs, il est strictement impossible d'évoquer le simple fait que les États-Unis ne sont plus auto-suffisants en pétrole. Notre couple de barbouzes passe autant de temps à se déchirer pour des raisons idéologiques qu'à se faire rembarrer par ses officiers traitants. De vrais Pieds Nickelés.
Du côté de l'allié Israélien, le Mossad aussi a ses œillères et refuse de croire à l'éventualité d'une guerre avec l'Égypte. Si Anouar El-Sadate tente de mobiliser son armée, il ne serait pas à l'abri d'un coup d'état qui le renverserait. Pourtant un agent placardisé en a la preuve mais n'arrive pas à se faire écouter.

Les pièces s'emboîtent au fur et à mesure, et on devine très vite que les brillants analystes et agents de terrain vont totalement passer à côté du premier coup d'éclat de l'OPEP, à savoir la crise pétrolière. Leurs homologues du Mossad ne seront pas à la fête puisqu'on approche justement du Yom Kippour d'octobre 1973, qui promettra d'être particulièrement “festive”.

« Black Ops » est un vrai régal, j'en ai plusieurs fois dit du bien. Il y a un vrai travail d'enquête avant l'écriture de la fiction. Stephen Desberg est un scénariste très précis, et parfaitement servi par Hughes Labiano qui est un dessinateur réaliste au dessin très lisible et admirable metteur en scène.

NOTE : Après la diffusion de cette chronique, Dusport a fait remarquer des incohérences dans les premières pages du récit, ne remettant pas en cause l'intrigue mais des éléments historiques d'“ambiance”.