DaScritch Networks
To build the future of portnawak (ripolinize da ouaib twoupoïntziwoo staïle)

Archives web In-Digest

Cette page (émulée) fait partie d'un site archivé. Plus d'infos ici.

Entretien IN'DIGEST: Berbérian

entretien IN`DIGESTe
Charles BERÉRIAN

Enregistrée à Toulouse, le Mercredi 11 Mars 1998, librairie Bédéciné.
Entretien, prise de son, transcription web : Xavier MOUTON-DUBOSC.

Première diffusion radio : IN`DIGEST #109, Dimanche 15 Mars 1998.

Charles BERBÉRIAN est un personnage sympatique, ouvert et marié. Pourtant, il a toujours ce côté Monsieur Jean.
Il est vrai que nous avons tous dans notre entourage quelqu'un du même genre: rêveur, la trentaine, vampirisé par son copain Félix, sa concierge et sa mère... Mais un jour, il écrira peut-être la fin de son nouveau livre. Mine de rien, le célibataire endurci adopte le petit Eugène, mais il cherche sa Sirène : l'amour de Cathy.
En attendant, si vous avez des problèmes avec votre décodeur Canal+, il se fera un plaisir de vous aider...
« Monsieur Jean #4: Vivons heureux sans en avoir l'air», chez les Humanoïdes Associés. Alph'Art du meilleur album 1999.



IN'Digest -BERBÉRIAN, bonjour!

Charles BERBÉRIAN - Bonjour.

IN'Digest -Les deux font la paire, mais je suis désolé de ne pas avoir le DUPUY sous la main. Ce que j'aimerais savoir, c'est lequel de DUPUY ou de vous fait le plus « Monsieur Jean » dans la réalité ?

C.B. - Précisez votre question, jeune homme, je ne comprends pas très bien...

IN'Digest -Lequel donne le plus au personnage ? Qui vit le plus Monsieur Jean dans sa vie ?

C.B. - C'est à la fois le mélange de nous deux et à la fois ... Enfin, le modèle de départ de Monsieur Jean, c'est ni Philippe [DUPUY] ni moi, c'est un ami qui s'appelle Jean-Claude ; c'est pourquoi dans le premier album de la série « Monsieur Jean » on dédie « l'amour, la concierge et Monsieur Jean » à Monsieur Jean-Claude.
Et puis petit à petit, en étoffant le personnage, en y apportant un petit peu plus de nos personnalités respectives, ben Monsieur Jean a pris sa forme propre. On y met autant l'un que l'autre nos petites contrariétés ou nos petites angoisses, ou même les grandes d'ailleurs ; et c'est ceci qui donne envie de continuer à raconter les histoires de Monsieur Jean.
Je pense que si l'un de nous se retrouve moins impliqué dans le personnage, automatiquement il aurait moins envie de raconter les histoires de ce personnage.

IN'Digest -Est-ce que vous avez dans votre vie proche un Félix et un Eugène ?

C.B. - Le Félix, c'est un peu l'image du copain de galère. Effectivement, je pense qu'on en connaît tous. On en a pas d'aussi grâve que Félix! Eugène... Oui, je m'inspire vaguement des rapports que je peux avoir avec ma fille. Y'a plein de choses dans Eugène que j'ai pu piqué à ma fille, et Philippe [DUPUY] à son propre gosse Valentin.

IN'Digest -La surexploitation de votre entourage ? Vous aussi, vous avez une concierge qui vous retient votre courrier ?

C.B. - On a eu... Enfin, Philippe [DUPUY] a eu une concierge qui lui faisait des petites misères. On essaie justement de... Le fait que « Monsieur Jean » ne soit pas directement autobiographique mais plutôt un décalage de nos vies et de ce que l'on... de notre entourage, cela nous permet de préserver en fait notre entourage. De leur piller des choses effectivement, mais de pas les exposer, de pas les vendre comme ça.

IN'Digest -La concierge, j'imagine qu'elle a eu de belles étrennes ! Cela fait un peu « Deconstructing Harry », d'ailleurs [le film de Woody Allen, « Harry dans tous ses états »]?

C.B. - Oui, oui. Non mais... en tout cas, j'ai beaucoup aimé le film.

IN'Digest -D'accord... c'est un autre sujet. Ce qui est assez amusant, c'est l'expérience « Journal d'un album » qui est sorti chez l'Association [1993], dans lequel vous racontez l'histoire du troisième tome de « Monsieur Jean »: « les femmes et les enfants d'abord » [Humanoïdes Associés, 1993]. Et on retrouve pas mal finallement là-dedans tout ce que vous racontez, sauf qu'évidemment bon, vous vous en sortez bien mieux que Monsieur Jean. Du moins j'espère: vous arrivez à sortir vos bouquins. Comment vous est venue l'idée ? C'est une manière d'attirer la compassion de l'éditeur ?

C.B. - Ah non, pas du tout. Ce qui c'est passé au moment où quand on a commencé à travailler sur le troisième « Monsieur Jean », on s'est rendu compte qu'il y avait des tas de sujets que l'on ne pouvait intégrer à « Monsieur Jean ». C'est-à-dire quand tu parlais de faire passer nos petites angoisses, nos petites contrariétés et de les raconter au travers du personnage de Monsieur Jean, il se trouve qu'il y avait un certain nombre de petits points qu'on avait envie de développer et qu'on ne pouvait pas faire dans l'univers de « Monsieur Jean ».
Et là, on a eu recours à l'auto-biographie parce qu'il fallait se mettre en avant directement.
C'est-à-dire que moi, j'avais envie de parler un peu d'où est-ce que j'en étais par rapport à la bande-dessinée : est-ce que je faisais ça par nostalgie ou si c'est vraiment mon moyen d'expression que j'avais envie de garder, même ayant largement dépasser la trentaine. Et puis Philippe [DUPUY] avait d'autres questions aussi comme ça en suspens, et Monsieur Jean ne pouvait pas nous servir de masque pour y répondre. Donc c'est uniquement pour cette raison là... Enfin, il y a une autre raison aussi qui nous a fait faire le « journal d'un album », c'est qu'au boût de dix ans de collaboration, Philippe [DUPUY] et moi, on avait envie de savoir un peu où est-ce qu'on en était l'un par rapport à l'autre, et si notre collaboration était toujours pertinente. Est-ce que ça vallait le coup de continuer.
Et le seul moyen de tester ça, c'était de travailler chacun sur nos pages, séparément, et de voir si au boût du compte cela faisait un livre, s'il y avait toujours une complémentarité. Ou si nos chemins étaient appelés à s'écarter. Donc l'expérience nous a montré qu'en fait, il y avait toujours cette complémentarité et que on a même retravaillé plus étroitement que l'on avait fait sur le 4º « Monsieur Jean ».
Cela a été finallement un livre régénérant, le « journal d'un album ». Même au niveau du style, parce qu'il y a un tas de choses qu'on a trouvé en travaillant sur les pages du « journal d'un album » et qu'on a réutilisé quand il s'est agit de dessiner le 4º « Monsieur Jean ».

IN'Digest -D'ailleurs vous avez eu un Alph'Art si je me trompe, là-dessus?

Berbérian - Non! non! non! non!

IN'Digest -Je me trompe! Ok... [cela arrive!]. C'est vrai qu'avec Philippe DUPUY, cher Monsieur BERBÉRIAN, vous avez toujours travaillé ensemble, quasiment. Vous faîtes à la fois les scénarii et à la fois les dessins. Qu'est-ce qui vous a amené à passer pour le 4º tome à une histoire longue ?

C.B. - C'est dans l'évolution du personnage, d'abord. On a toujours eu en tête de faire vieillir le personnage en même temps que nous. Et donc fatalement le ton des histoires change un petit peu.
C'est à dire que dans le premier épisode, dans le premier album, on est plus dans le contexte de l'anecdote: Monsieur Jean subit des petites contrariétés, il oublie ses clés, il perd sa carte bleue, enfin, ou il oublie sa carte bleue. Et puis bon, c'est des petites histoires, et voilà. Et petit-à-petit le personnage vieillit, les questions qu'il se pose se font plus profondes... Donc les histoires draînent un certain nombre de choses, disons, qui méritent plus de développement.
Ce qu'on veut toujours garder en tête c'est l'humour de la chose. C'est pas parce qu'on traîte de matières graves qu'ils ne faut pas en parler légèrement ou avec le sourire... Mais comme le personnage vieillit, comme le sujet du coup en arrive à une espèce de maturité ; eh ben les histoires, elles prennent plus d'ampleur, plus de place.

IN'Digest -On a aussi l'impression que c'est plus de l'ajoût de petites histoires avec un lien autour qu'autre chose. Il y a des tas d'embeddings, il y a une espèce de fil conducteur qu'y est la sirène, aussi bien à gauche qu'à droite,... Moi, surtout, ce que j'aime bien, c'est l'histoire de Zdanovieff. Est-ce que vraiment vous vous êtes inspirés d'un bouquin ?

C.B. - Non, non. Enfin, disons que j'ai, on a lu beaucoup de bouquins sur les années `20 et tout ça, mais c'est une histoire qui est inventée. Et moi, mon goût pour les petites histoires comme ça qui viennent nourrir une grande histoire en fait, c'est vraiment... euh...
D'abord la vie est comme ça, c'est vraiment une cascade de petits évènements, de petites anecdotes qui mises boût-à-boût donne une espèce de direction comme ça. Et puis surtout, je trouve que y'a ça dans l'écriture de certains des films de TRUFFAUT et ça rend le film encore plus vivant. J'ai revu « Baisers volés » il n'y a pas très longtemps, il y a une espèce d'histoire dans l'histoire, y'a énormément de seconds rôles qui chacun ont leur petit...
Je m'inspire énormément, on s'inspire énormément en fait de cette manière-là de travailler. Je crois que comme on a envie de porter un regard comme ça sur le quotidien, sur les gens qui nous entourent, c'est le meilleur moyen en fait d'arriver à élaborer un récit sans qu'il y aie une intrigue... en restant dans le domaine de l'anecdote, mais sans verser dans l'anecdotique forcément, en tout cas de manière trop systématique.

IN'Digest -On a l'impression quand même que dans l'histoire de Monsieur Jean, à regarder un peu en arrière, le mariage... enfin le divorce est devenu beaucoup plus banal que le mariage. C'est l'impression que j'ai eu ce 4º album, après coup. Les enfants trinquent... alors, on est en droit de se poser une question : vous avez eu une enfance malheureuse ?

C.B. - Mais non! mais c'est un fait: je veux dire, je vois ma fille à l'école, elle a énormément de copains dont les parents ont divorcés. C'est un sujet dont les gamins de cette génération-là parlent de manière plus naturelle que l'on le faisait nous à notre époque [NDLR: Ah bon? Quelle d'époque ? Ah! tu voulais peut-être dire à leur âge?]. J'ai l'impression que les gamins sont beaucoup plus effectivement exposés à une vie comme ça, mouvante, pas du tout figée. C'est pas forcément un mal, je ne sais pas...
Moi, je n'ai pas eu une enfance malheureuse, pas du tout, non! Mais c'est juste que... Moi, ce qui m'amusait en fait dans cet album (ce qui nous amusait Philippe [DUPUY] et moi), c'est de montrer d'abord Jean hésiter à s'engager avec Cathy pour vivre à deux évidemment dans un premier temps, et pour avoir des enfants derrière, et puis (par la force des choses, enfin, par le hasard de la vie) il se retrouve en même temps responsable d'un gamin pratiquement tout le temps. Donc c'est comme s'il en avait un. Lui ne se croit pas capable de pouvoir s'occuper d'un enfant et en même temps il se retrouve dans l'obligation de le faire et cela se passe relativement bien. Même le gamin s'attache à lui, il dit que si on lui laissait le choix, il choisirait Jean comme père.
Moi, c'est plus cette situation-là qui nous amusait de développer quoi! et puis surtout la position d'Eugène qui n'a pas de parents, finalement : Félix est son père adoptif, le vrai père d'Eugène, on ne sait pas qui c'est, la mère ne s'en occupe pas. C'est parce qu'on est en train de raconter une histoire et qu'en même temps, on aime bien comme ça ces petits détails idiots qui nous amusent et qui font que le récit... Enfin, ça énerve un peu le récit, quoi! Voilà...

IN'Digest -Des projets pour l'avenir ?

C.B. - Oui, ben... On en a toujours, oui! Ben on a envie évidemment de continuer à raconter les histoires de Monsieur Jean. Donc à le faire vieillir.

IN'Digest -Vous aviez arrêté pendant 4 ans...

C.B. - On a arrêté parce qu'il y avait eu des problèmes avec notre éditeur [Les Humanoïdes Associés ont eu une mauvaise passe en 1994 et 1997] et pas parce qu'on le voulait ; et c'est vrai que comme on a par ailleurs une activité d'illustrateurs et que l'on avait pas vraiment arrêté la bande-dessinée puisqu'on a continué à faire le « journal d'Henriette » [Bayard Jeunesse] pour la revue Je Bouquine. Là, il y a des bouquins qui vont sortir assez prochaînement du « journal d'Henriette ». Mais « Monsieur Jean », on avait arrêté...
De toutes façons, ce n'est pas dans notre optique non plus de sortir des albums trop souvent, puisque comme on raconte nos vies, il faut le temps de vivre [!!!] et il faut le temps de digérer un peu ce qu'il s'est passé. Il y a en gros 3 ou 4 ans de décalage entre la vie de Monsieur Jean et la nôtre. Euh, mais bon, il ne faut pas que cet écart se creuse là. On prépare un album de « Monsieur Jean » qui devrait sortir d'ici un an maximum, quoi. Et... voilà!

IN'Digest -Monsieur BERBÉRIAN, merci. Et bon voyage au pays du cassoulet!

C.B. - Ouais. Merci à vous.

Le saviez-vous ?
Philippe DUPUY & Charles BERBÉRIAN, les deux auteurs de « Monsieur Jean » sont parfois tellement inséparables (sur le plan travail, s'entend) qu'il y a parfois confusion de personnalité. L'avantage de travailler à deux sur le scénario ET le dessin, c'est de pouvoir dédicacer par procuration! Quand DUPUY n'est pas là, BERBÉRIAN signe au nom de son camarade et vice-versa. Pratique en festival si l'autre va aux toilettes···



© Xionnbarg <FMR> 1998. All rights reserved universewide
Retours index, IN'DIGEST, <FMR>