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Entretien IN`DIGEST: Lewis Trondheim

entretien IN`DIGESTe
Lewis TRONDHEIM

Enregistrée à Angoulême, le Vendredi 23 Janvier 1998, sur le stand Dargaud.
Entretien, prise de son, transcription web : Xavier MOUTON-DUBOSC.

Première diffusion radio : IN`DIGEST #107, Dimanche 1er Mars 1998.
Lewis TRONDHEIM n'est pas son vrai nom, on sait juste qu'il habite du côté de Montpellier. À en croire les b.d. où il se représente (en canard), il serait marié et aurait des enfants. Co-fondateur de l'Association, le plus gros éditeur indépendant en France. Il est heureux papa de Lapinot, dont au moment de l'interview, durant ses dernières péripéties (5º album chez Dargaud), il trouve une malette perdue avec... 1 million de Francs. Honnête jusqu'au boût des pattes, il sera engagé comme directeur d'une entreprise de Videurs De Sacs et de Donneurs De Leçons. Pas moi.


IN'Digest -Lewis Trondheim, bonjour.

Lewis Trondheim - Ouais, ouais, salut!

IN'Digest -Alors, ça y est, tu es pratiquement définitivement passé chez Dargaud®, des grands qui gagnent plein de fric. L'Association, qu'est-ce que ça devient ? Tu laisses un peu tomber ?

L.T. - ... Attends, tu es journaliste et tu me demandes si je laisse tomber l'Association alors que j'ai fais un album il y a un mois chez eux, que je travaille tous les trois mois dans Lapin et que je continue à avoir un regard sur ce qui paraît? Qu'est-ce que c'est que ce travail ?

IN'Digest -Bon d'accord, {on y va moins provoc' et [bruit de haut-parleur] on recommence rriffluifluiflui [rembobinage rapide]}
Depuis que tu as publié chez Dargaud, tu as plus de notoriété auprès des gens qu'il y a deux ans, quand tu venais d'arriver dans cette maison. Tu fais aussi une planche hebdomadaire dans les Inrockuptibles, « Les aventures de l'Univers ». Comment cela fait de passer comme ça d'un univers à un autre, comme ça ?

L.T. - ... Alors ... Euh, tu coupes normalement ? tu fais des petites césures, pour enlever des blancs et des petits machins comme ça ? Ou non, il faut que je réponde presto rapido, ouais ok, d'accord.
Alors passer de l'Association à Dargaud, c'est très facile. C'est tellement facile qu'il y a un album que j'ai fait à l'Association, qui a été refait pour Dargaud. C'est à dire que je fais le même travail pour l'un ou pour l'autre.

IN'Digest -Dans ton dossier de presse [ et sur les catalogues Dargaud ], on te traite de... Je ne sais pas si c'est à ton initiative, mais on te dit que tu n'es pas un travailleur, alors que justement tu as fait un travail énorme pour adapter « Slaloms » [Lapinot nº0, Dargaud], où il part à la neige. Tu as racourci, tu as refait pas mal de cases que tu as dû retracer à la règle proprement. C'est vrai que finalement tu es bosseur sans le dire ?

L.T. - Je suis paresseux, moi. Mais comme tous les paresseux, je travaille beaucoup. En plus, comme j'ai une espèce de névrose pour les travaux que j'ai fait antérieurs à maintenant, c'est à dire que je n'aime plus les dessins que j'ai fait à l'époque, j'ai tendance à redessiner tout. À les faire tels que j'aurais aimé les faire si j'en avais les capacités. C'est la névrose, c'est pas parce que je travaille. Mais bon, le fait que je fais peu d'albums, c'est aussi parce que j'ai commencé tard, aussi, c'est parce pour autre chose. J'ai du retard à combler dans ce que je veux exprimer. Extirper dans ma noire conscience.

IN'Digest -Dans le 4º album des aventures de Lapinot, il tombe sur un million de Francs, et il ne sait qu'en faire. C'est le début. Si toi tu tombes sur un million de Francs, dans un sac, tu en fais quoi?

L.T. - Ben, c'te question, je le garde! Qu'est-ce que tu veux que je fasse! Je ne suis pas comme cet idiot de Lapinot... À moins que je voie qu'il y ait des mecs qui me suivent, ou des trucs louches comme ça ; que les billets sont faux... Si je trouve un million, je le garde, faux pas déconner.

IN'Digest -Tu penses que tu arriverais à gagner un million par tes b.d. ?

L.T. - Un million de lecteurs ? Un million de francs ?
Je ne fais pas de b.d. pour gagner quoique ce soit, je fais des b.d. parce que ça me fait plaisir, que c'est des b.d. que j'aimerais lire et que je ne vois pas forcément autour de moi. Je ne fais pas ça pour le pognon, pour le lecteur. C'est un travail totalement égoïste. Je ... euh ... suis... ...totalement ... désole, excusez-moi!

IN'Digest -Ce qui est aussi assez surprenant pour un auteur qui vient du milieu indépendant, c'est que c'est un humour qui s'adresse à tout le monde. Aussi bien aux petits qu'aux grands... même quand tu fais du pipi-caca.

L.T. - Hein? Quoi? Je fais du pipi-caca ?
[Oui, oui, dans le Libé spécial b.d. du Jeudi 22 Janvier 1998, I have proofs!]
Du pipi-caca dans cet album-là ? Non, non, il ne faut pas délirer. Au contraire, j'ai une éducation catholique assez - pas serrée mais bon - suffisante pour ne pas tomber dans le piège de la scatologie ou de l'excès ordurier. Enfin j'espère. C'est pour ça que je fais des albums plus lisibles par tout le monde, donc des p'tit qui ont dix ans et des adultes. Donc si ça marche, tant mieux. C'est aussi parce que je vois qu'autour de moi on ne fait pas ça. Les éditeurs, comme Dupuis soit font des albums pour enfants strictu sensu, soit ils font des albums pour adultes qui ne sont pas lisibles pour les enfants. Moi j'aimerais retrouver un état d'esprit qu'il y avait dans les années 60 auprès de nombreux dessinateurs, où on avait des séries lisibles par tout le monde, chacun avec son degré de lecture.

IN'Digest -Je me souviens, dans le tome 2 des « aventures de Lapinot » [ « Walter » ], cela se passait dans un tout autre cadre: cela ne se passait pas maintenant mais beaucoup plus tôt. Ce genre d'uchronies, tu aimes le faire, tu aimerais l'approfondir à l'avenir ?

L.T. - J'aime bien utiliser Lapinot dans un contexte contemporain parce que j'ai envie de dire des choses sur le monde qui m'entoure ; sur les années `90, plus tard sur les années 2000. Là, d'un autre côté, il faut aussi voir que je n'ai pas envie de me faire chier à faire que ça, à tomber dans une systématique. J'ai envie aussi de m'amuser sur des thèmes moins classiques comme le western ou la science-fiction ou le péplum, pourquoi pas ? Donc je fais ce que je veux.

IN'Digest -Ben justement, puisse que l'on parle des autres thèmes, ton prochain bouquin qui sort [en Mars 1998], c'est chez Delcourt, avec Joann Sfar ; cela s'appelle « Donjon », ce sera de l'heroic-fantasy. Qu'est-ce qui t'as fait bosser comme ça avec Sfar?

L.T. - C'est Joann Sfar qui m'a appelé un jour et qui m'a dit « Tiens! on pourrait peut-être faire un projet ensemble. ». Cela faisait 20 fois qu'il me téléphonait depuis deux semaines pour faire un projet. Il m'a proposé ça. Je lui ai dit « Ben écoute, pourquoi pas! On va essayer, hein? C'est vrai que cela pourrait être rigolo ».

IN'Digest -Tu as fait du jeu de rôle, toi-même ?

L.T. - Non, j'ai jamais fait de jeu de rôle.
On va faire un truc heroic-fantasy, mais heroic-fantasy fantaisiste [?]. C'est juste pour rigoler. Et puis justement, le faire chez Delcourt qui est un éditeur pas assez spécialisé heroic-fantasy [???] en se moquant du genre, sans en faire une parodie [?????] c'était rigolo, quoi.

IN'Digest -«Les aventures de l'Univers» [Lapinot nºØ, Dargaud], est-ce que tu as envie de continuer encore plus ou tu penses que tu en as fait le tour ?

L.T. - « Les aventures de l'Univers », c'est un peu la suite de ce que je faisais avec «Approximativement» [L'Association], c'est à dire que je racontais ma vie à Paris ; et là, j'avais des planches à faire avec mon regard sur l'actualité,... je ne sais pas ce que je ferais par la suite. Peut-être que je raconterais ce qui m'arrive, mais pas dans la même optique. Avec toujours le même souci de renouvellement, de me surprendre, de pas tomber dans le piège de ficelles un peu trop grosses.

IN'Digest -Est-ce que sur la fin, tu arriverais à te passer de l'Association, de sortir de cette structure ?

L.T. - Et pourquoi je me passerais de l'Association ? Moi, j'ai envie de faire toutes sortes de bandes-dessinées. Celles que je fais à l'Association, j'crois pas pouvoir les faire ailleurs. Donc, j'ai pas envie de me priver d'une partie de moi-même, qui peut travailler un peu sous forme de laboratoire... parce que sinon je risque de m'asphyxier à faire toujours la même chose chez Dargaud. Même si j'essaie d'alterner un petit peu, ce sera toujours de l'album cartonné couleur. Ce qui est intéressant, c'est d'expérimenter à côté pour se renouveler et avoir une nouvelle richesse. Donc si je coupe les ponts avec l'Association, je vais devenir un vieil auteur ringard assez rapidement comme d'autres que je ne nommerais pas mais qu'ils se reconnaissent. [Autour de nous papotent Fred, Mézières, Moebius, Juillard... lui, pas discret!]

IN'Digest -Est-ce que tu pourrais donner une définition d'éditeur, de label indépendant ?

L.T. - Les labels indépendants sont les seuls qui ont - en tout cas pour l'Association - une vraie politique éditoriale, avec un sens, un but ; alors que les autres maisons d'édition font un peu de tout et un peu n'importe quoi. C'est impossible qu'ils fassent une politique éditoriale, parce que il faut gagner de l'argent, et en même temps avoir une image, donc forcément il y a plein d'antagonismes et une dichotomie notoire que l'on peut repérer. Alors que les petits labels ont une petite structure, et leur seule force possible, c'est de ... comment dire ... d'être très ciblés. Donc la politique éditoriale, il faut qu'elles la tiennent.

IN'Digest -Lewis TRONDHEIM, merci et désolé pour le bordel, ça a été un peu diffice pour faire cette interview. Je te remercie, à plus tard et ... bonne carotte!

L.T. - Qu'est-ce qu'il me dit, l'aut', là? [Rires]

Voyez aussi son site:
www.kkn.com/lewis
{frç}

Le saviez-vous ?
Son « Lapinot et les carottes de Patagonie » (l'Association) a d'abord été cuisiné par plaisir, comme ça (comme il dit) ; puis quand il a décidé de l'imprimer, il a dû dessiner à toute vitesse les planches pendant que l'imprimeur éditait le premier cahier. Mais ce que l'on sait moins c'est que sa « Mouche » (le Seuil jeunesse) a connu une version japonaise, chez Kodanshã. Blanche et sans les petites dents pointues. Le premier essai fut plutôt bien accueilli par le public, mais le deuxième fut un flop.
Après tout, la vision de notre Trondheim national bossant à une allure de mangaka toute l'année avec un chef de studio le fouettant dans son dos est un peu inimaginable. Quoique le rythme···


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