25 ans fmr

Notes de direct pour l'émission « 5 à 7 Placide Nelly » du Jeudi 5 Octobre 2006. Pour les 25 ans de <FMR>, Raskal demande à un animateur de choisir un album et de le commenter.
Durée : 18 minutes. Extrait écoutable ici
Format Ogg Vorbis, 9 Mo.

Format mp3 pour podcast

C'est ma première découverte dans la sonothèque en tant qu'animateur de <FMR>. Un souvenir que je ne peux écarter de mes premières émissions, “Eorn”. Le premier thème était justement le voyage spatial.

Le premier souvenir que j'ai de cet album, c'était mon premier passage dans le bunker de <FMR>. Pour nos amis auditeurs qui ne le savent pas, entre 1989 et 1993, les disques de la radio étaient alors conservés dans une pièce aveugle armée de béton et serti d'une lourde porte ; sous l'éclairage d'un néon verdâtre ployaient des étagères métalliques sous le poids les vinyls, les cd et les cassettes de démos. Vous imaginez la petite oie blanche entrer dans la caverne d'Ali Baba, et en sortant un trésor auditif.

La première fois que j'en étais ressorti, j'avais cet album à la main, pris comme ça au hasard, et aussi pour sa couverture très sobre. Alex Masson (dura lex sed ralex) m'apostropha en ces termes : « Ah ! Très bon choix ! Tu vas en découvrir là dedans. »
Venant du Ralex, un tel compliment... J'aurais dû me méfier.
Ce disque m'a faillit faire renier Ministry, Joy Division et Talking Heads (sans oublier bien sûr Jean-Michel Jarre et Plastic Bertrand).

The Orb naît en 1989 de la collaboration de Jimmy Cauty et Alex Paterson. Le premier quitta le groupe dès 1990 pour reformer Justified Ancient of Mu-Mu, aka KLF. Alex Paterson, lui, est le pivot central du groupe autour duquel orbite Thrash, Youth (co-fondateur de Killing Joke), Thomas Felhmann,... Principalement des musiciens issus du mouvement punk eurent l'illumination lors du Summer of Love. Pour Paterson, le déclic serait venu de la radio New-Yorkaise Kiss FM, spécialisée dans une musique des ghettos noirs de Chicago : La house-music.

1991

...année charnière pour la musique électronique : Coldcut et Matt Black fondent le label Ninja Tune, Warp records édite son premier album qui côtoie dans les bacs « Blue Lines » (Massive Attack), « The White Room » (KLF), « Loveless » (My Bloody Valentine), « De La Soul is dead », « Ex:El » (808 State), « Screamadelica » (Primal Scream) et le premier single de The Prodigy...
Comme tous ces groupes, The Orb sort un album fondateur, créant le genre ambiant techno et le mouvement downtempo, une musique électronique décontractée, pas forcément dancefloor, et plutôt prévue pour être jouée dans les champs que dans les clubs. Paul Oakenfold invite le groupe à mixer en résidence dans ses soirées londoniennes ; sur leur dancefloor nommée “Chill Out”, ils y mixeront progressive rock, reggae, dub, world music et house.

« The orb's adventures beyond the ultraworld » (fiche wikipedia) fut un premier album fondateur et atypique. Un premier album double avec des titres dépassant allègrement les durées standards de 3 minutes 30 secondes, en totale contradiction avec « The Manual », co-écrit par... Jimmy Cauty ! Trop déstabilisant pour l'industrie du disque, l'album sorti aux USA fut raccourci snip... snip.

Son impact fut assez important sur les DJ : Ils furent mixés, samplés, remixés, resamplés, imités, pillés... mais inégalés. Tous les vinyls house, trance et ambiant pendant trois ans ne purent s'empêcher d'en utiliser un sample, ou de piocher dans les mêmes sources (l'album de The Orb est connu pour son nombre de procès d'ayants-droits). De toute leur discographie (« U.F.Orb », « Orbus Terrarum », « Orblivion »...), c'est àmha le plus intéressant, suivi de près par le double album remix « U.F.Off, The rest of the orb ».

Revenons à « [...] beyond the ultraworld ». Ben tiens, commençons par la couverture. Noire avec ce trait stylisé. On est en 1991, leur nom n'est pas encore connu, ils n'avaient pas encore créé le logo de Björk, le design du jeu WipeOut ou relooké Aphex Twin en taspé blondasse. Mais c'était déjà le collectif Designers Republic. Respect.

CD1 : Earth orbit, Lunar orbit

Le premier disque est un voyage vers le cosmos de vos rêves. Il s'ouvre par le brillant « Little fluffy clouds » (#1 cd1, 4:27, fiche wikipedia). Un chant de coq, un de ces « sons traditionnels de la nature ». Le morceau n'est qu'une boucle déconstruite d'une femme qui parle de petits nuages colorés d'une aube. Les boucles ne sont pas calées, c'est pas synchro, sur la même rythmique. Et pourtant, on ne remarque même pas, on est porté par l'ensemble.

Dans « Earth (Gaia) » (#2 cd1, 9:48), l'ignoble Empereur Ming convoite la Terre, dans l'idée de la détruire pour son plaisir. Une voix inquiétante (du film de 1980) sur des boucles latentes et vicieuses. La sub particulièrement flipante s'éclipse une fois la rythmique lancée.

Le décompte au décollage de « Supernova at the end of the universe » (#3 cd1, 11:55) vous libère de la pesanteur terrestre. L'usage de samples de communications radios (à la fois soviétiques et de la NASA), d'échos, de modulations d'amplitudes... l'univers est aussi bien aquatique qu'orbital.

« Back side of the moon » (#4 cd1, 14:15), une référence à Pink Floyd. Suite logique du morceau précédent, dont il reprend exactement les mêmes samples, le tempo, mais sans la rythmique et construit différemment. Variation en batterie mineure.

La fin du disque, « Spanish castles in space » (#5 cd1, 15:07) est une berceuse idéale. Treize minutes d'une lenteur incroyable, à la basse, au piano, la cymbale et aux grillons. Une voix russe vous parle, mais impossible de comprendre... vos paupières se font lourdes... lourdes... lourdes...

Fin du premier CD.
Si vous êtes encore éveillé, on passe au deuxième.

CD2 : Ultraworld probe

Ouverture sur le dub électronique purifié de « Perpetual dawn » (#1 cd2, 9:32) qui décolle avec un break incroyable, non pas nerveux, mais entraînant, soutenu de rires étranges et une envolée à la flûte.

« Into the fourth dimension » (#2 cd2 8:52) Retour dans l'espace angoissant et infini dans l'ambiance. Une panique vous prend, mystique, à en invoquer n'importe quelle religion. Un mix étonnant entre un cantique et une boucle purement techno assez prenante. Recette piquée plus tard par Enigma. Pour dire que les samples viennent vraiment de n'importe où, on entend un cours technique expliquant le réglage une console de studio d'enregistrement.

« Outlands » (#3 cd2 8:23) Un orage, une aurore boréale, des jets supersoniques... mais vers quelle destination va-t-on encore se retrouver ? Le morceau met bien 1'50" pour démarrer, la voix samplée de Lee “Scratch” Perry vous met en garde... signe d'une autre révolution. Le titre est incroyablement entraînant, une structure très particulière qui, à part le rythme encore trop lent, pose les bases avant-gardiste d'un genre qui éclatera deux ans plus tard : la Jungle.

« Star 6 & 7 8 9  » (#4 cd2 8:11) Petite balade en moto dans la campagne, scène bucolique, rappelant le premier titre. Le paysage sonore est intégralement recréé, assez complet. Jusqu'au tonnerre très lointain qui fait office de pied.

Le final « An ever growning brain that rules from the center of the ultraworld » (#5 cd2 16:35) était assez souvent entendu à l'époque sur <FMR>, puisque DJ Sacha le mettait systématiquement dans son mythique « Plug In ». C'est le premier vrai single de The Orb, celui qui les a lancés en 1989. Là aussi, c'est du collage pur, mélangeant reggae, boucles électroniques et rythmiques fortes. Une boucle, une rythmique très filtrée et des samples piqué à gauche à droite.


Le double album vient d'être ré-édité en édition spéciale 15 ans avec un disque supplémentaire. La Peel Session (émission de live sur BBC Radio 1) en bonus vaut l'écoute. 20 minutes qui changèrent bien des choses à la conquête de l'Espace Techno.


Hasard étonnant. Tout à l'heure, juste avant ma chronique dans l'émission de Raskal étaient interviewés les Punish Yourself (article wikipédia). En croisant le chanteur, il se trouve que nous nous connaissons très bien, mais perdu de vue depuis que je suis rentré à la radio en 1993. C'était VVx, un des fondateurs du cultissime Petit Nihiliste non-illustré. Comme quoi, on peut s'en sortir socialement après une prépa à Fermat en devenant un chanteur de Rock. Tout espoir n'est pas perdu.