Avant-propos
Ce texte est issu d'une réflexion personnelle, celle de l'évolution du web entre Mozilla M14 (une des premières versions issu du code source libéré par Netscape) et Firefox 2.0.
Ceci n'est que pure spéculation, écrit par une personne totalement partisane. Il est très probable que les choses auraient évolué d'un tout autre côté, que la seconde guerre aie finalement eu lieue ou que votre avis soit violemment contraire au mien. C'est pour ça que les commentaires sont ouverts.
Cet article sera relu et modifié pour sa republication sur un site en cours de création.

Janvier 1998. En mauvaise posture, et malgré ses difficultés sur le développement de sa suite Communicator, Netscape n'ouvre pas son code source à la communauté libre. Malgré les licenciements, et l'engouement de la Bourse pour Internet, Netscape ne se fait pas racheter par AOL. L'annonce des reports successifs de Netscape Navigator 5 refroidit les investisseurs, en plus de ses pertes de marché (moins de 10%), alors que Microsoft sort IE6. Sans n'avoir rien sorti de neuf depuis Navigator 4.7, Netscape meurt par crise de liquidités en 2002. Point.

Les seuls navigateurs disponibles dans l'environnement Linux sont Lynx (très incomplet même dans sa version graphique), Opera (payant, optionnel dans les distributions), Konqueror (toujours très buggé dans les CSS et l'interprétation Javascript), Amaya (navigateur officiel du W3C, inutilisable), NetFront (payant et très limité), Dillo et quelques dérivés de Mosaic.

Les seuls navigateurs disponibles dans l'environnement Macintosh sont IE 5.1, Opera, iCab et OmniWeb.

À l'exception de tous les faux navigateurs recarrossant le moteur de IE, l'unique concurrent sur les terres de Windows en plus d'Opera est celui d'AOL, livré uniquement à ses abonnés et reposant lui aussi sur une interprétation propriétaire.

Opera est le seul moteur disponible sur plusieurs systèmes d'exploitations. Mais il est considéré comme peu pratique, lourd, lent, plantant régulièrement et cher : C'est le seul navigateur web payant.

Étendre et refermer

Microsoft étend le langage HTML par des balises propriétaires, et commence à en déprécier certaines autres. Les balises amènent des bases manquantes au langage HTML (gestion d'écriture de certaines langues, d'expressions mathématiques, interactivité, mise en page) sont protégées intellectuellement. Le langage VBScript™ est fortement conseillé face au JScript, étant largement plus puissant et profitant des éléments du système d'exploitation. Le nom de certaines fonctions sont déposées à l'OMPI comme marques commerciales et ne peuvent être reprises par les concurrents.

3 ans plus tard. IE représente 97% des navigateurs web. À chaque mise à jour d'un Windows familial, la page de garde retourne automatiquement sur MSN search™. Les protestations de Yahoo et Google mettent fin à cette pratique lancée depuis trois ans. Mais l'interface de recherche de fichier du nouveau Windows ressemble à MSN search™ et propose des réponses équivalentes sur le web. MSN Search™ commence à amplifier son audience.

Macromedia subit de plein fouet une contestation accrue de ses utilisateurs de Dreamweaver. Le moteur utilisé pour l'aperçu WYSIWYG (celui d'Opera) n'est pas conforme au standard du marché, IE. Macromedia entre en négociations avec Microsoft pour intégrer le moteur de rendu de IE et avoir le droit d'utiliser le nom des fonctions VBScript™. Opera perd son principal client et est annoncé comme mort.
Lors d'un dîner, Steve Ballmer demande à un serveur quel est le meilleur vin pour manger un Opéra. Le serveur recommande un champagne pour aller avec le gâteau. La salle explose de rire.
Trois mois plus tard, Microsoft annonce Word for Internet™, une suite de publication/développement basé sur Word, VBScript™ et introduisant PowerPoint for Internet™, concurrent évident à Macromedia Flash. Les négociations avec Macromedia sont rompues.

Dans le secteur de la téléphone, suite à l'échec du WAP 1.1, chaque opérateur se tourne vers une extension propriétaire du WML ou du HTML. Ainsi le marché se partage entre flotilles bloqués d'opérateurs, utilisant exclusivement i-Mode (norme créée par DoCoMo, sur base cHTML, navigateur obligé NetFront), le J-Sky (créé par J-Phone, sur la base MML), le EZweb (créée par KDDi, basé sur le WML, navigateur obligé OpenWave). Ces normes commerciales imposés par les opérateurs sur leurs réseaux sont en concurrence avec Opera (considéré comme très lourd), IE for mobile™ (basé sur IE4, et finalement sans CSS), Nokia navigator (qui annonce un support limité du xHTML) et eLinks, version graphique de Lynx.
Ce qui permet aux opérateurs de ne plus être accusés de wap-locking, et de ne proposer qie des portables ne fonctionnant que sur leurs réseaux datas, à l'images de leurs homologues japonais et sud-coréens.

Dans tous les cas de figure, l'adoption des normes édictées par le W3 Consortium est secondaire, seul compte la compatibilité avec les normes imposées par Microsoft.

Fautes oubliées, fautes expiées

le Black Day Web est un jour funeste pour internet. Tout le réseau est paralysé par un DDoS général, due à la combinaison mortelle de ZDE jamais reconnus par Microsoft dans IE (tel Download.ject) et dans IIS (qui reste activé par défaut à chaque installation de Windows). Services d'urgences (hôpitaux, police), stratégiques, grandes entreprises, et marchés financiers sont immobilisés. L'impact est plus fort que le 9/11 car le monde entier est touché par la crise.

Selon Microsoft, le Black Day Web serait dû à une exploitation maligne du mécanisme de plug-in et du vol de code source de JScript par rétro-engineering. Le mécanisme de plug-in dans IE est modifié par un patch distribué en urgence. Adobe Reader, Macromedia Flash et Apple Quicktime en sont les victimes collatérales et doivent ré-écrire leurs lecteurs respectifs pour continuer à exister. Sont aussi impactés les mécanismes XMLHttp dont le seul développement public connu, chez Google, est abandonné. Néanmoins, l'Ajax est toujours envisageable, mais via VBScript™. Les rares projets de navigateurs open-source ne peuvent suivre, par crainte de poursuite pour violation du droit des marques. Les spécialistes de la sécurité recommandent de se tourner vers Opera, mais il est trop limité. Microsoft propose de surfer en mode protégé et “accorde” des certificats de “salubrité” permettant aux scripts de certains gros sites de tourner même en mode protégé.

Suite au Black Day Web, le législatif Américain constitue une commission d'enquête. Les principaux ex-concurrents de Microsoft, dont leurs navigateurs furent aussi problématiques sur la sécurité, n'arrivent pas à convaincre sur la nécessité de respecter des règles de développement et des normes industrielles édictées en dehors des États-Unis. Pour sa défense, Microsoft fait le parallèle avec le développement de la norme NTSC par mise en concurrence des industriels et le choix du public, le succès du moteur de IE qui est repris par MyIE (devenu Maxthon), NeoPlanet et CrazyBrowser, et la fatalité technique sur les trous. Bill Gates certifie devant la commission dans une émotion palpable que Microsoft a toujours tout fait pour la sécurité. Les commentaires sur MSNBC sont dithyrambiques.
Une subvention fédérale est votée et les agences de sécurité comme la NSA doivent mettre des développeurs à la disposition de Microsoft. Une loi exclue du Premier amendement (au même titre que les œuvres cinématographiques) les discussions sur les failles de sécurité et la publication de code source pouvant amener au sabotage de logiciels copyrighté. La MPAA et la RIAA applaudissent, leurs intérêts sont consolidés dans les MTP. La DMCA est renforcée, passée par les accords inter-étatiques.

Un an plus tard, une version spécifique dite “endurcie” de IE version 6 est fourni au gouvernement américain. La communauté Européenne envisage de créer un fond de recherche spécifique au développement d'un logiciel de navigation web sécurisé. La Chine sort son propre navigateur qui a sa propre interprétation du web, et des “filtres parentaux” incorporés.
Six mois plus tard, IE+™ est mis en vente. Les paranoïaques parlent de différences substantielles entre les deux versions, ce qui n'a jamais été prouvé. Window Snyder est poursuivie par le FBI pour publications sur les failles de sécurité. “DVD Jon” est arrêté dans son pays suite à un mandat d'arrêt international. Profitant d'une « fonctionnalité non documentée », Marc Olanié s'évade de la prison de la Santé, et prend le maquis du côté d'Annecy. Une brigade spéciale LEN est chargé d'arrêter celui qui taggue des citations de Audiard sur les affiches des Micro Discount.

IE+™ sort sur une campagne originale dans la presse spécialisée, issue d'une scène du film « Jurassic Park » : Le dinosaure de Netscape fossilisé, avec un bandeau « When dinosaurs ruled the world ». La tag-line : « Microsoft, the reference ». Prix public : 150$.
Un mois avant sa sortie officielle, une autre attaque DDoS fait trembler le net. La queue devant les magasins est immense.

La pomme se fait croquer

La version de IE sur Mac est coincée à la version 5.2. Steve Jobs rencontre en particulier Bill Gates et annonce son intention de financer le développement d'un moteur de navigation concurrent, probablement basé sur iCab ou OmniWeb. La légende veut que Bill Gates lui aie fait le pari d'un appel d'offre. Celui-ci est remporté par... Microsoft. IE6 for Mac est annoncé avec un moteur CSS révisé et au comportement plus proche de la version PC, le support du VBScript™ et d'autres technologies indispensables au web moderne.

Deux ans après, Apple a de sérieux soucis : son OS est qualifié de très lent. À chaque lancement, IE for Mac™ effectue une « optimisation des polices du Système ». L'ordinateur étant prisé par les graphistes qui en ont une grosse collection, Apple se tourne vers la MacBU de Microsoft pour résoudre le problème. L'évidence s'impose : Le logiciel de Microsoft n'est pas assez intégré dans le système d'Apple.

Un an plus tard, Apple et Microsoft annonce un partenariat sans précédent : Microsoft Windows™ est porté sur l'architecture Power, et Apple l'installera désormais sur ses nouveaux ordinateurs avec un shell graphique spécifique, basé sur les technologies DirectX™. Les machines Apple s'installent désormais harmonieusement dans les réseaux Microsoft, profitant totalement des possibilités d'authentification, de partage, d'impression et de scripting. Quicktime est annoncé comme voué à disparaître face à Windows Media Player™, l'iPod supporte le WMA™ mais avec un système DRM propre à Apple et à son iTunes Music Store.
Malgré les souvenirs amers de SGI adoptant NT dix ans plus tôt, l'action Apple fait un bond en Bourse.

Newsweek et Le Point font leur une sur Bill Gates, l'innovateur du siècle.

Bilan

L'unique concurrent doit payer pour sa présence, un marché informatique basé sur la monoculture qui subit les mêmes inconvénients que sa contrepartie agricole, un marché de la mobilité complètement divisé, un organisme chargé d'édicter les standards et les normes complètement oublié, faute d'un navigateur “compatible” l'open-source est vu comme un hobby et n'est pas prêt pour le desktop, le web qui n'évolue techniquement que par la volonté d'un seul acteur et à sa discrétion, une seule mise à jour du navigateur en dix ans.

Microsoft devenu unique acteur dans l'informatique, commence à avaler les majors les unes après les autres.


Ce texte volontairement polémiste est dédié à tous les bénévoles des logiciels open-source, à ceux qui militent pour l'excellence du code, à ceux qui se battent pour que les standards ne soient pas pollués par les brevets logiciels, et à ceux qui refusent que les droits individuels disparaissent devant les intérêts industriels.