Pour ceux qui ont manqué le début, la loi DADVSI, c'est la transposition tout répressif de la directive Européenne EUCD, qui elle-même n'est pas franchement jouasse pour les consommateurs et déjà considérée comme obsolète. Excédés devant des tentatives de manipulation plus que flagrantes, une majorité de députés décida de saboter en Décembre dernier, donnant des cheveux blancs à un Ministre de la Culture obligé de défendre cette loi.
Pour ne pas être perdus dans ses mélandres [PS], démontons chaque point du-dit texte :
D'abord, le refus de la Licence Globale.
L'article 1, tel qu'il fut modifié pour faire passer la Licence Globale a été supprimé et remplacé par un plus... neutre.
Bon, je vais être parfaitement honnête : au départ, je trouvais cette idée totalement démago et complètement illusoire. Les députés (socialistes et une partie de l'UMP) y ont vu un délire de communiste libertaire. Quand on connaît les frais de fonctionnement princiers de la SACEM, son opacité, son monopole et ses assiettes de reversement absolument scandaleuses, pour moi, ça faisait qu'une pompe à phynances supplémentaires.
Sauf que... Sauf que cela aurait très bien pu devenir un mode de financement original, une prime à la créativité.
D'un coup, grâce à ce régime déclaratif, nous aurions pu savoir si les œuvres qui circulent illégalement sur les réseaux peer to peer correspondent à leur volume de vente en CD.
Le montant dérisoire de l'amende.
La Licence Globale avait au moins le mérite d'être basé sur une logique volontaire et de redistribuer la somme ainsi perçue. L'amende de 38 €, encore plus dérisoire car plus aléatoire, n'ira jamais aux artistes lésés, mais à l'État et aux frais ayant entraîné la perception de cette amende. Ah ben oui, un agent assermenté, un recommandé, etc... c'est pas négligeable sur 38 €. Heureusement que notre vaillante Administration s'est informatisée, sinon je devrais paraphraser Desproges en comptant 55 personnes pour gommer l'affront [PS]... Ce qui me mettrait hors-la-loi.
Mais finalement, ça tombe bien. Qu'on ose l'appliquer, cette loi. L'amende dérisoire ira pour l'industrieuse fourmi de l'État, plutôt qu'à cette bécasse de cigale qui n'avait qu'à ouvrir sa gueule pour gagner son blé qu'elle oublie distraitement de déclarer. Tant pis pour la fable de La Fontaine, mais que veux-tu, les temps sont durs, et les frais de la fourmilière valent bien tes chansons...
La suppression de l'exception à la copie privée
Fini le droit à la copie privée. D'ailleurs, celle-ci n'était une tolérance, une “exception”. Désormais, puisqu'on est dans un cadre tout-répressif, elle peut devenir strictement interdite. Elle est d'ailleurs définitivement supprimée pour les films. Donc si vous faisiez des copies de DVD pour que vos enfants n'abîment pas les originaux (j'en connais plein, en fait tous ceux qui ont des enfants en bas âge et un magnétoscope), c'est fini. Plus le droit. Définitivement. Vous devrez racheter une dizaine d'intégrale Disney dans l'année. Impact non négligeable sur les portefeuilles, la diversité et surtout les possibilités d'ouverture d'esprit des petits. Pour le disque, un “collège de médiateurs” sera chargé de définir le nombre de copies possible, qui, dans la loi pourra être un minimum de... zéro. Magnifique.
Pendant ce temps-là, la perception d'une taxe sur les supports vierges (K7, CD, MD, DVD, disques durs, disquettes 3½, cartes mémoires,...) continue. Je me demande si on a pas un peu exagéré les capacités des codecs de compression pour taxer des supports de 1,44Mo, mais il est vrai que la SDRM a pendant 2 ans taxé des CD vierges sans légalité juridique, alors on est pas à ça près.
Ensuite la légitimation des MTP.
Les MTP... Mesures Techniques de Protections... Cette abréviation est extrêmement importante, et sa signification a visiblement échappé à tous.
Au départ, je pensais que c'était encore un terme issu du délire bien Gaulo-Français de vouloir absolument tout traduire. Vous savez, les francisations approximatives dignes de l'Engrish comme logiciel ≃ software, lutin ≃ sprite,... Un truc d'immortel sous coupole qui fait son intéressant, comme un vieux camembert coulant, laissant une trace grasse dans le vénérable Dico.
Et en fait, non, MTP n'est pas la traduction de DRM, mais parle bien de l'ensemble des mesures techniques destinées à “protéger” : cela va du DRM signant un fichier musical bien sûr, au rootkit de BMG Sony et la protection Macrovision de la VHS [PS].
L'instauration d'un monopole Anti-Français
Et quand bien même qu'on causerait que des DRM !
Des boîtes qui proposent des DRM, il n'y en a que trois qui tirent leur épingle du jeu. Aucune n'est Française, aucune n'est Européenne, mais les trois sont Américaines : Microsoft, Macrovision et Apple. On vient de livrer tout crû le contrôle technique de notre patrimoine national à des multinationales qui n'ont rien à voir avec, et qui ne sont même pas basées chez nous. Bref, on vient de définitivement donner les clés du coffre à des lascars qui ne demandaient qu'à le piller.
Mais encore... Comment être sûr que le téléchargement légal, payant et verrouillé s'implante durablement [PS] ?
Le moyen le plus évident serait d'obliger juridiquement et douanièrement que tout lecteur de fichier musical ne fonctionne que par un système DRM. Donc soit Fair-Play, soit WMA-DRM. Ça fera plaisir à EDF vu comment ça use les piles. Pourtant, Apple hurlera “niet” pour concéder toute licence de sa technologie de “protection”, reste Microsoft, donc établissement d'un monopole de facto. Comme s'ils n'en avaient pas déjà un. Or d'un autre côté, il est impossible d'interdire l'importation des lecteurs MP3 fabriqués en Asie, grâce à l'OMC (j'adore l'ultralibéralisme... quant je vous avais dit que je ne suis absolument pas communiste).
Vous savez comment Baudecroux a monté l'empire radiophonique NRJ ? Il proposa à de petites radios locales privées de devenir leur prestataire (via Sogetec devenu TowerCast) pour leur émetteur FM. Séduites par le prix et n'ayant plus à se soucier de ce nid d'em£%#des, elles signaient les yeux fermées. Puis il leur proposait de se rallier à sa régie publicitaire (NRJ Régies). Rentrées d'argent faciles. Sauf que notre French Citizen Kane fit en sorte de les asphyxier financièrement, étrangler sous le charges, les laisser pourrir avant de racheter à vil prix pour y installer à la place ses programmes NRJ, Rire et Chansons ou Chérie FM. C'est la Stratégie du Coucou que le CSA mit dix années pour freiner les dégâts. Trop tard.
Interdit d'interdire
Devant une occasion pareille, vous pensez bien que du Nord au Sud de la West Coast, on a dû sabrer le champagne (Californien, bien sûr) devant une stupidité pareille. Et ben non, même pas, pour compenser la lutte contre le piratage et balancer le cloisonnement des vendeurs DRMisés, le législateur impose l'obligation d'interopérabilité. Ce qui fait que certains distributeurs (comme Apple) réfléchissent fortement à faire une croix sur la France, certains hurlant à l'incitation au piratage par l'État. Or cette loi censure le logiciel libre, étant donné qu'il n'y est possible d'y sécuriser une gestion de DRM... On croit rêver.
Car n'importe qui aura le droit de faire sauter les MTP pour transcoder un fichier en un autre format... droit qu'on interdit plus loin ! Mais si du coup, on permet de détourner une protection pour des raisons personnelles (ce qui requiert de sérieuses compétences techniques), on interdit la mise à disponibilité de « tout logiciel manifestement prévu pour détourner les MTP ». Pardon ?
Faut-il poursuivre Dell ? Ben oui, à quoi peut bien servir un graveur de CD ou de DVD sinon pour manifestement dupliquer illégalement, surtout quand il permet de ripper un CD là où les autres lecteurs échouent ?
Vous êtes paumés ? Moi non. Probablement mon côté schizo...
Pouf ! pouf ! Ce se-ra-toi-la-mé-chant'-sor-cière...
Witch ? Witch ! Witch ! Burn her !
Revenons à la parabole de la radio, mais remontons après-guerre. Dans les années 1940s à 1960s, les radios à travers le Monde Libre étaient bien souvent interdites de diffuser des disques. À la place, elles passaient des covers, des reprises par des orchestres maisons des tubes du moment. Ce que l'on appellera plus tard l'easy-listening n'était qu'une soupe immonde du hit-parade du moment. Pourquoi ? Parce que les éditeurs phonographiques étaient à l'époque persuadés que si le public écoutait le disque à la radio, ça lui suffirait, et qu'aucun auditeur n'en verrait l'intérêt d'acheter le vinyle, il s'en lasserait... voire pire... il l'enregistrerait !
Cette bêtise incroyable dura jusqu'à la fin des années 1950s aux États-Unis, et fin 1960s pour la plupart des radios publiques Européennes [PS]. Dans les années 1970s, les mêmes labels se battaient pour que leurs tubes soient bien placés dans la programmation des mêmes radios, organisant même un financement occulte digne de la protection maffieuse, le payola, reconnu juridiquement comme corruption caractérisée, tout se perd, ma brave dame.
Quand on voyait les ventes de CD et de DVD décliner, alors que les accès internet se vendaient à coup de « télécharge plus vite ta musique », tout le monde pensa au piratage via le net. Étonnement, très peu de ces analystes hautement informées firent fonctionner leurs méninges, calculant que la culture, c'est bien, mais ça pompe dans le même budget familial que l'abonnement à la télé par câble, au téléphone portable (ses SMS+ et surtout ses sonneries... eh oui !), à la console de jeu, à l'ordinateur familial, à l'ADSL, bref à de nouvelles façons de consommer. Forcément, devant autant d'abonnement, ce budget n'étant pas élastique, les achats de CD et de DVD se réduisent et on a d'autant plus vite accusé le piratage que les ventes de livres ne diminuent pas.
Laaaaa muuuusiiiiiquuueeeeeuuuh ! oui... la muuuuusiquuueuh !
Mais la faute n'importe-t-elle pas à des artistes de plus en plus jetables ? Des coups commerciaux, montés en épingles par télé-réalité interposée, le formatage imposé par les équipes commerciales et la grande distribution, les rotations effrénées de certains réseaux (radios et tv) musicaux ou la mise en avant de genres musicaux nécessitant moins de musiciens car exclusivement basés sur un usage minimaliste du sample (dont les droits échoient à la maison de disque, ou “insignifiants”).[PS].
Puis un jour tombèrent sans crier “gare” deux études coup sur coup : L'une, que les pirates intenses sont ceux qui achètent le plus de disques, donc pan! dans la gueule de ceux qui disent qu'ils ne consomment pas, et que deux les concerts n'ont jamais été aussi plébiscités. En fait, l'économie du CD part dans le ticket de concert.
Alain Chamfort, toi qui t'es fait virer de ta maison de disque alors que tu remplissais l'Olympia, la prochaine fois que tu montes sur scène, n'oublie pas de traiter ton public de délinquants, qu'ils sont des Jean-Foutre qui t'affame toi, tes musiciens et les roadies de ta tournée.
T'éviteras un rappel.
Plus c'est gros, mieux ça passe
Y'a-t-il pas eu exagération des dégâts ? Un fantasme inconscient ou volontaire ?
Quant au début des premiers procès lancés par la RIAA, les internautes convaincus de piratage étaient menacés d'amendes aux montants astronomiques, de peine de prison plus terribles que l'homicide par excès de vitesse, on s'est dit « Bien fait, ça va tuer le piratage dans l'œuf ». Sauf que le jour où Napster a proposé un système d'abonnement (pour 15 $ par mois, tu prends ce que tu veux, c'est “buffet libre”... un principe finalement pas si éloigné de la Licence Globale, non ?), l'argumentation conduisant à ces demandes de rançon astronomiques ne tenait absolument plus. Comment croire qu'en téléchargeant, on lèse une industrie de plusieurs centaines de milliers de dollars, quand elle ne demande que 15 $ par mois ? Sur, disons, sept ans d'infractions reprochées, on arrive à un total effectif que de 15 × 12 × 7 = 1260 $.
Les milieux financiers y ont vu qu'une correction sévère du prix en fonction de la demande du marché. Il faut dire que depuis l'introduction du CD Audio, le prix de vente moyen d'un album n'a pas baissé, contrairement aux promesses des éditeurs phonographiques.
Pire que tout dans cette chasse aux sorcières, l'interdiction des logiciels servant « manifestement » à mettre à disposition des fichiers... STOP ! On a atteint le ridicule absolu (tel certaine directrice du Ministère de la Culture et sa notion des MP3) ! Ce qui veut dire que le principe même d'internet est illégal.
Ce n'est pas que le législateur qui vient de perdre sa crédibilité, mais surtout tout une industrie sclérosée qui préfère déclarer une hostilité violente et juridique envers les nouvelles technologies comme la radio, le walkman, le magnétoscope, le baladeur à disque dur... Tout ça parce qu'elle préfère enterrer sa tête dans un trou plutôt que d'humer les changements, et évoluer en conséquence. Or, on se demande bien ce que serait devenue l'industrie du disque et du cinéma sans ces technologies. Là où de vrais artistes tentent leur chance par ces technos émergentes que les pontes de l'Industrie taxaient d'infamie. Ce qui prouve bien que l'industrie “artistique” est très puissante, qu'elle pèse brutalement contre ses consommateurs, qu'elle instrumentalise ses employés, mais qu'elle a invariablement eu tort.
Alors cette loi, elle a tout faux ?
Eh ben non ! La loi DADVSI s'est mise tout le monde à dos, mais vise très juste en tirant un constat très amer : La culture n'existe plus ; la musique, le cinéma,... ce n'est que du divertissement, du show business. Où de très grandes entreprises raisonnent en ratio sur investissement, en journées de personnel, en taux de retour magasin et surtout... en durée limitée. La loi DADVSI entérine le statut précaire de l'“artiste” qui crée sur commande, tout comme la loi sur le CPE entérine le statut précaire des jeunes qui arrivent sur le marché du travail avec une formation inadaptée. Et une loi, c'est fait pour durer... largement plus longtemps qu'un Système d'Exploitation, qu'un concept logiciel de verrouillage ou même que n'importe quel support électronique [PS]. En clair, en nous refusant le droit d'être lues, les œuvres ne veulent plus vivre, mais font acte de suicide. En liant intimement une protection dont tout le monde aura perdu la recette dans 50 ans, les musiques et les films qui sortent “protégés” connaîtront l'oubli à cause de l'obsolescence de leur support, y restant éternellement cadenassés, mourant d'une belle mort, mais parfaitement inviolable.
Mais bon, « Brazil » en France, ça reste encore soft... y'a qu'à comparer aux USA. Défendre la Culture par la Terreur, tu parles d'une évasion spirituelle !
NB
- ⇪ ZDnet propose un résumé des points importants sur la musique et le cinéma (01net a un résumé qui est pour une fois pas trop erroné). Ouvrez ces articles dans des onglets, ça peut vous aider.
- ⇪ in « La gomme », « Chronique de la Haine ordinaire » du 15 Avril 1986
- ⇪ Une vraie horreur, cette “protection”. Immanquablement, une fois sur deux, quand je louais une VHS à mon vidéoclub, et que je voulais la regarder sur mon magnétoscope Akaï 2 têtes, au boût de 15 minutes, la partie supérieure de l'image se mettait à sauter, rendant souvent le visionnage insupportable. Un parfait exemple de protection contre le consommateur.
- ⇪ Le piratage d'œuvres musicales, revendues dans le commerce, ça existe. Et par un des plus violents partisans de la loi DADVSI, en plus !
- ⇪ Ainsi la BBC se fit tailler des croupières par des radios pirates off-shores qui elles programmaient du disque... avec la bénédiction des labels !
- ⇪ Écoutez un disque de rap... très peu ont une instrumentation réellement originale. Et même dans mon genre musical favori. À ce sujet, écoutez l'excellente installation/documentaire « Can I Get An Amen » de Nate Harrison sur l'exploitation d'un sample. 18 minutes très utiles sur la musique et la notion de copyright.
- ⇪ Je citerais cet excellent article de La Libre Belgique : « on voit bien l'inanité de raisonner en termes légaux sur la base de la situation pré-Internet. À cet égard, l'arrière-gardisme n'est pas nouveau : on sait qu'après l'invention de Gutenberg, la République de Venise tenta par décret d'attribuer le monopole de l'impression des livres à l'imprimeur allemand Johannes von Speyer. Autre ironie, Gutenberg mourut ruiné à la suite d'un procès fait par les fabricants de presse à raisin pour le vol de l'idée de vis sans fin. ».
Contrairement à ce que pourraient croire des Sudistes du Quiévrain allergiques à Linux, la Libre Belgique est un quotidien papier de qualité.
Le logo DRM/DADVSI vient de “Just Say No”. Les avatars de “Spécial dédicace à DADVSI”.
12 réactions
1 De VRic - 13/04/2006, 15:58
Mais dis donc, c'est un excellent article, ça, je ne t'en veux plus du tout de me l'avoir signalé :-)
Pour l'émission sans DRM, serons-nous obligés de porter des cagoules ou suffira-t-il de barricader ton jardin? Dans le génie, j'ai appris à miner. Je dis ça à tout hasard.
Sera-t-il illégal de notre part de ne pas dénoncer les voisins qui omettraient de porter des boules Quies pendant les sessions? Au fait, tu ne trouves pas étrange que le site www.quies.com/ soit aussi sonore?
Serons-nous tenus d'abattre les utilisateurs de fenêtres et balustrades "manifestement prévues pour le piratage de ce qui se trouve de notre côté"? Au besoin, je ne suis pas trop mauvais jusqu'à 200 m si tu fournis un Famas, mais est-il judicieux d'attaquer nos propres auditeurs?
Un peu d'eau à ton moulin par un cukiste:
cuk.ch/commentaires/?id_a...
Test : Arte, la VOD et les DRM
2 De le blog de groupe Reflect - 21/04/2006, 12:19
DADVSI : prêts pour la deuxième couche ?
Juste le temps de reprendre son souffle et ça repart. La Société de l'Information s'est bien battue, mais elle en a pris plein la gueule au premier round. Le second se présente le mois prochain. Ça recommence fort entre les...
3 De Le blog de Jean-Luc Grellier - 21/04/2006, 19:13
DADvSI 2 le retour !
Une tribune intitulée «DADVSI : les internautes attendent des sénateurs leur Beaumarchais» signée par Jean de Chambure, en charge de la cellule de veille technologique à l'Atelier BNP Paribas, a été publiée le 21 avril dans le quotidien La
4 De Raphaël Zacharie de Izarra - 18/05/2006, 19:22
LETTRE AU MINISTRE DE LA CULTURE
Raphaël Zacharie de Izarra jeudi 18 mai 2006
2, Escalier de la Grande Poterne
72000 Le Mans
Tél : 02 43 80 42 98
ou : 08 70 35 86 22
raphael.de-izarra@wanadoo.fr
à « Les Inrockuptibles »
144, rue de Rivoli
75001 PARIS
Messieurs,
Je vous propose de rendre publique ma démarche personnelle, susceptible d’intéresser les lecteurs des « Inrockuptibles » à propos du problème du COPYRIGHT, sujet de plus en plus brûlant en cette époque de bouleversements engendrés par l’omniprésence d’INTERNET dans notre société.
Conscient que ma démarche va à contre-courant de la pensée ambiante, je crois qu’il n’est pas impertinent cependant de vouloir donner un écho de qualité à ce problème à travers les pages des « Inrockuptibles », revue de haute volée, sensible aux problèmes de société et ouverte aux dialogues les plus divers.
Animé par un esprit progressiste, soucieux d’équité et sensibilisé depuis toujours aux questions des rapports entre l’art et l’argent, j’ose remettre en question les acquis relatifs au COPYRIGHT.
En dépit des résistances qu’une telle position ne manquera pas de déclencher, je m’engage (de façon très modestement individuelle il est vrai) à défendre résolument ma cause, symbolique aujourd’hui mais qui sait, peut-être manifeste demain.
Je vous propose de prendre connaissance de ma lettre envoyée au Ministère de la Culture et de la Communication ainsi qu’à la Sacem, et de la relayer à une plus grande échelle si vous estimez dignes d’intérêt mes arguments.
Vous pouvez prendre contact avec moi à tout moment. Je vous prie de croire, Messieurs, à toute ma considération.
Raphaël Zacharie de Izarra
=======
Monsieur le Ministre,
Dans le cadre d’une démarche résolument citoyenne en cette époque de progrès de la pensée politique, une remise en cause de quelques monopoles bien ancrés dans notre société démocratique s’impose.
Etant personnellement fermement opposé au principe de rémunération des auteurs sur la base aléatoire, arbitraire et profondément injuste du volume de vente ainsi qu’à la notion aberrante de « propriété intellectuelle », je vous propose de prendre connaissance des trois textes ci-joints dénonçant les acquis iniques relatifs aux droits d’auteurs, que je transmets également à la SACEM et à la presse nationale afin d’initier en haut lieu et dans l’esprit du public une réflexion visant à reconsidérer ces questions essentielles.
En souhaitant engager avec les divers interlocuteurs et acteurs du monde artistique et culturel un dialogue constructif, courtois et serein sur ce sujet délicat, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à ma parfaite considération.
1 - L'INIQUITE DU COPYRIGHT
L'argent a engendré bien des phénomènes iniques, pervers, infâmes parmi lesquels le COPYRIGHT, véritable religion d'État de notre société matérialiste obsédée par le droit jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne, et qui a fini par sacraliser au plus haut point les rapports économiques entre les hommes.
Afin de "protéger" les auteurs contre l'exploitation de leurs textes, Beaumarchais qui fut à l'origine de cette aberration morale aux allures faussement philanthropiques a initié une révolution intellectuelle qui s'est érigée de plus en plus comme une tyrannie, soutenue par des textes de loi intransigeants. Le mensonge est devenu norme, à tel point que nul ne conteste aujourd'hui la folie intrinsèque du COPYRIGHT.
Précisément, le rôle de l'écrivain n'est-il pas d'émettre ses textes afin qu'ils soient "exploités", autrement dit lus, joués, pensés, appréciés ou détestés sans aucune restriction par ses frères humains et indépendamment des contingences matérielles réglant sa vie personnelle ? De quel droit l'auteur imposerait-il au monde ses oeuvres telles qu'ils les a conçues ? Chacun a la liberté inaliénable d'interpréter, d'auto censurer partiellement ou entièrement, de réécrire mentalement, de reformuler, de corriger, de lire en diagonale et même de lire une ligne sur deux si cela lui chante les écrits d'un auteur. La loi sur les droits d'auteur n'est ni plus ni moins qu'un chantage exercé sur le lectorat par l'auteur, chantage dans lequel il fait intervenir des considérations financières indignes des hauteurs où en général il prétend élever son lectorat à travers sa plume...
Le rapport entre la protection des écrits d'un auteur et les nécessités domestiques ou même vitales comme le droit de manger à sa faim ne devrait jamais être fait. Cela peut certes sembler cruel et injuste mais la maladie qui frappe n'importe qui sur terre, n'est-elle pas injuste, cruelle ? Pour soigner un seul individu, a-t-on le droit de refuser les soins à des milliers d'autres ? De même un seul individu a-t-il le droit de céder son oeuvre à des milliers de gens socialement privilégiés sous la stricte condition qu'ils le payent pour les idées, les réflexions ou les charmes littéraires contenus dans cette oeuvre, et de la refuser catégoriquement à ceux qui n'ont pas les moyens de l'acheter ? Les droits d'auteur sont une atteinte profonde aux droits du lecteur.
Que l'auteur exige de pouvoir vivre de sa plume est son choix et sa stricte liberté, mais en aucun il ne devrait pour cela interdire aux plus pauvres de ne pas accéder à ses oeuvres.
"Propriété intellectuelle" : termes parfaitement antinomiques, inconciliables par définition, exprimant des principes complètement opposés... Tout ce qui appartient au domaine intellectuel bien au contraire est entièrement, définitivement, infiniment libre. Libre comme le sont la pensée, l'émotion, l'imaginaire, la poésie, l'amour et le vent. Par quelle incroyable corruption mentale l'esprit humain a-t-il pu se résoudre à mettre la pensée, l'imagination, l'Art, les battements du cœur en cage ?
L'homme s'est mis dans la tête des barreaux mentaux. La cause ? L'argent. Tout n'est qu'affaire d'argent, rien que d'argent. Où est l'équité dans le fait qu'un auteur soit rétribué selon la quantité d'ouvrages vendus et non pas, plus justement, selon la qualité de ses écrits ? Le critère même de rétribution de l'écrivain porte atteinte à l'esprit de justice. Pour une somme de travail équivalente, tel auteur sera payé cent fois plus qu'un autre. Son mérite ? Il aura su flatter les vils instincts d'un certain lectorat en lui proposant des histoires de fesses, tandis que tel autre auteur inspiré mais plus naïf aura chanté chastement les étoiles. Nulle part ailleurs que dans le domaine des droits d'auteur règne l'arbitraire.
Prendre en otage l'humanité entière juste pour protéger un auteur sous prétexte de défendre ses "droits" égoïstes est un authentique viol moral contre l'Homme. Ainsi seuls les lecteurs socialement privilégiés auraient le droit moral et légal de jouir des trésors culturels ? L'argent ne devrait jamais intervenir dans ces affaires-là. Au lieu de cela il est le principal facteur autour duquel toutes ces choses sordides et mesquines s'élaborent ! Il est même très souvent la seule justification, l'unique motivation, la première raison... La preuve : des auteurs n'écrivent que pour faire fonctionner le moulin à bénéfices, sans aucune exigence artistique. En admettant que la loi sur les droits d'auteur eût un fondement moral réel, qu'elle fût recevable que le plan intellectuel, alors elle perdrait dans ce contexte-ci tout son sens. Ces droits sont utilisés en ce cas comme un filon à exploiter, non comme une "protection" réelle de l'auteur.
Autoriser l'accès à l’œuvre en échange d'argent (correspondant aux droits d'auteur) est une injustice fondamentale qui lèse d'abord et surtout l'humanité avant l'auteur lui-même. L'auteur, lien entre le ciel et la terre, entre les muses et les hommes, entre le sacré et le profane, et parfois plus simplement entre les communautés, devrait s'effacer avec une naturelle humilité qui le grandirait, au lieu de vendre son âme au prix du marché de l'édition. L'écrivain n'a aucun droit sur ses écrits à partir du moment où il accepte de les diffuser. Il ne pourra jamais interdire au lecteur d'interpréter ses écrits comme il l'entend. Le lecteur peut à sa guise déformer dans sa tête, son cœur et son âme les écrits d'un auteur sans que ce dernier ne puisse le lui interdire. Alors de quel droit l'auteur exigerait-il de n'être pas plagié, déformé, copié matériellement puisqu'il est possible de le faire mentalement ?
Attendons-nous à voir un jour une loi interdisant au lecteur de répéter oralement des phrases lues dans un livre... Aujourd'hui perspective aussi aberrante que de faire payer un droit de respirer l'air qui nous entoure, demain cette absurdité sera peut-être universellement admise au même titre que de nos jours est admise sans contestation la loi sur la "propriété intellectuelle".
Rappelons-nous toujours que l'esprit est d'essence divine, que la pensée comme l'air n'est la propriété de personne, pas plus que la Lune n'appartient aux astronautes ou que le pape n'a le monopole du soleil qui brille pour tous.
2 - LA VANITE DU COPYRIGHT
La folie du COPYRIGHT qui se développe sur le NET est révélatrice de l'état d'esprit mercantile régnant dans le monde des amateurs de lettres.
Une pléthore de mauvais textes sont jalousement mis sous COPYRYGHT par leurs auteurs soucieux d'exclusivité. Ces auteurs-là se ridiculisent à jouer les écrivains protecteurs de leurs oeuvrettes maladroites... Qui songerait à piller ces montagnes de déjections encombrant le NET ? Mes textes à moi, qui sont bons dans leur majorité, excellents pour quelques-uns d'entre eux, mauvais dans la même proportion, sont totalement libres.
Le fait de COPYRIGHTER ses textes avec l'excuse que cela ne coûte que quelques euros ne signifie pas pour autant que ce sont de bons textes... Avant de mettre sous COPYRIGHT un texte, encore faut-il qu'il soit digne de cette "distinction"... Ces auteurs ont l'illusion d'être des plumes dignes de ce nom sous prétexte que leurs productions sont sous COPYRIGHT, comme les grands. Ils se donnent l'impression flatteuse que leurs textes sont nécessairement bons, puisque COPYRIGHTéS... Ou pire, ils s'imaginent même que leurs textes deviennent bons comme par magie, par la simple intercession du COPYRIGHT.
Ce filon exploité par des notaires avisés est d'autant plus prometteur qu'il est basé sur une source intarissable : la vanité humaine.
3 - VIVE LE PIRATAGE DES OEUVRES !
Inique, le projet de loi visant à interdire le téléchargement des oeuvres musicales sur le NET ! Dévoyés, prostitués, sans hauteur sont les artistes qui n'acceptent de diffuser leurs productions à destination des hommes de la terre, leurs semblables, qu'à la condition d'être payés avec de l'argent ! L'art, la musique, la poésie sont une nourriture universelle par excellence. Aucune considération d'ordre pécuniaire ne devrait limiter leur diffusion. Le simple fait de consacrer son temps libre ou sa vie entière à l'art et de le diffuser sans aucune restriction, de faire profiter à qui veut les savourer les fruits de son travail, devrait suffire au bonheur de l'artiste.
Ce qui tue la créativité, ça n'est pas le manque d'entrée d'argent. Au contraire, c'est avec le ventre vide que le poète chante le mieux. Le confort que permettent des revenus assurés et réguliers peut même être un frein à la création. Honte aux artistes qui exigent de l'argent en échange de l'étincelle divine ! On ne devrait pas commercialiser le souffle de l'esprit. Les artistes qui soutiennent ce projet de loi se mettent sur le même plan que les marchands de lessive.
Ces ingrats qui des muses ont reçu un cadeau merveilleux sans que rien ne leur soit demandé en contrepartie, ces simples mortels sur lesquels à la naissance se sont penchés les dieux avec une générosité, un désintéressement sublimes afin de les combler de dons sans rien leur réclamer en échange, ces petits hommes imbus de leur céleste élection osent exiger de leurs frères humains, pourtant égaux, hommes au même titre qu'eux, qu'il les payent pour la grâce tombée du Ciel ! Ils estiment que la manifestation de l'infini vaut tant d'argent, ils considèrent que leur don octroyé gratuitement par les anges présidant à l'Art se pèse sur la balance des lois du marché...
Notre société matérialiste, alimentaire, mercantile qui a commercialisé, mis en rayons, "code-barré" la pensée, le Beau, les plus hauts sentiments ne peut concevoir qu'un artiste compose, écrive, imagine pour l'amour de l'art, pour la gloire des étoiles, pour la beauté du geste... Nul besoin d'argent pour créer. Les artistes qui prétendent le contraire ne sont que des vendus, des menteurs, des traîtres, des bandits qui ont fricoté avec le "diable marketing". On peut, on doit chanter sans être payé en retour. L'inspiration ne devrait pas être conditionnée par des exigences d'ordre économique.
Les fruits de l'esprit appartiennent à tous, pauvres et fortunés. Les richesses de l'âme ne devraient pas être soumises aux lois du marché. L'universel, ce qui est issu des profondeurs de l'homme devrait voler de tête en tête, de cœur en cœur, et non passer de porte-monnaie en tiroir-caisse.
Seuls les supports devraient être soumis aux méandres du commerce, pas les oeuvres.
Le reste, ce sont de sordides affaires de comptables ayant perdu leur âme dans de vils calculs. Si les artistes veulent se payer une plume en or, une lyre sertie de diamants, une guitare étincelante de pierres précieuses, s'ils veulent manger à leur faim, qu'ils se soumettent aux mêmes rigueurs que les autres mortels : qu'ils aillent travailler à l'usine. Le talent ne confère aucun privilège à ces humains infatués de leur héritage divin. A ceux qui ici-bas veulent monnayer le legs olympien, je réponds que leur venue au monde n'a été soumise à aucun marché. Et que si les entités célestes ne demandent rien pour tous ces trésors offerts à leurs créatures humaines, les artistes devraient remercier le sort au lieu de se plaindre, et à plus forte raison ne pas faire commerce de ces présents. Il n'en sont que les dépositaires.
Je vous engage donc à piller mes oeuvres à cette adresse espritlibre.foxoo.net/plu... à télécharger de la musique sur des sites gratuits, à répandre la pensée des philosophes sans faire acheter leurs livres à votre auditoire, à chanter dans la rue les chansons que vous aurez entendues dans les écouteurs d'essai à la FNAC sans débourser un centime, et ce afin de faire partager gratuitement à un maximum de gens autour de vous les oeuvres de l'esprit que des pirates de l'âme, des vrais pirates ceux-là, veulent vous faire payer.
Raphaël Zacharie de Izarra
5 De Da Scritch - 18/05/2006, 20:08
Raphaël
Sache que je ne suis pas à 100% d'accord avec toi.
Notamment, malgré le fait que j'utilise linux depuis 7 ans, je ne suis pas aussi "libriste" que toi, certains diront "intégriste", et très probablement à raison. En tant qu'auteur, je suis bien satisfait que les textes que j'écris pour mon employeur ne soient pas pillé par un concurrent qui pique à gauche à droite. Dans mon secteur (la sonnerie pour téléphonie), c'est ce qu'il s'est très longtemps fait.
J'estime qu'un auteur a le droit de signer son œuvre. Ou non
J'estime qu'il est normal de rétribuer un auteur dans le cadre d'un usage commercial
J'estime qu'il est dans le droit d'un auteur de restreindre les droits. C'est pour ça qu'existent des licences tels que la GPL, la LGPL, la MPL, la BSD, la X11, la Copyleft, la CC et celle qui régit les textes publiés sur mon site : la CC-BY-NC , compléments indespensables entre le domaine public et le copyright verrouillé. D'ailleurs, peut-être qu'une de celles-ci te conviendraient.
Mais de là à imposer une mort de la culture par obsolescence programmée des supports, en interdisant le legs, l'usage privé, la copie à usage personnel et la simple lecture sur la technologie de mon choix discrétionnaire (DVD sur Linux, ou CD audio sur un lecteur de salon ou baladeur ogg vorbis)...
Ce que je n'accepte pas, c'est un verrouillage à postériori de mes (cd déjà) acquis, un bloquage de la liberté de parole, un verrouillage de la technologie dressée à nous fliquer sans droit de possession du simple appareil lecteur ou du pc.
Et que la politique n'a pas à cautionner exclusivement des très grosses multinationales au détriment des citoyens.
Ceci dit, bravo.
6 De Da Scritch - 14/06/2006, 10:01
à propos de "Can I Get an amen", l'installation de la note 6 en sous titrée : www.contenus.org/article....
7 De da scritch net works - 11/12/2008, 16:55
Microsoft Internet Explorer ou l'inflation dans la
Je ne sais pas comment ils font. Malgré tous leurs efforts pour rendre leur navigateur acceptable, ils arrivent à faire en sorte de devoir reprendre tous les anciens sites pour qu'ils fonctionnent comme avant....
8 De da scritch net works - 10/02/2009, 16:12
Creative commons par l'exemple
ou le futur de la musique après la fin du modèle des majors : remixez ce qui tombe sous votre main, l'intelligence est collective. Tout récemment, Pascal Nègre, le patron d'Universal Music France, expliquait dans un reportage comment il comptait...
9 De da scritch net works - 23/02/2009, 22:31
Hadopi soit qui y pense
Lettre ouverte au député de ma circonscription pour lui demander de ne pas soutenir le projet de loi HADOPI. Il y a urgence car cela vire à n'importe quoi. À l'appel de l'April, et vu le nombre de bêtises hallucinantes que j'entends depuis 6 mois...
10 De da scritch net works - 26/02/2009, 16:43
Quis custodiet ipsos custodes
Qui surveille nos gardiens ? Ceux qui font les lois, ceux qui les font appliquer, ceux qui sanctionnent en fonction de ces lois. Qui, surtout pour leur dire qu'ils sont totalement en dehors de la plaque pour ce qui est de la loi Hadopi ?...
11 De da scritch net works - 21/06/2012, 22:01
Fête de la Musique Illégale
J'emmerde les ayants-droits : je respecte les artistes, sauf les fascistes. Qu'ACTA disparaisse et ses séides. « Lead Breakfast ('Pulp Fiction' Remix) » par Fagottron « Bloom (Disney Remix) » par Fagottron « The Apocamix » par...
12 De da scritch net works - 30/11/2012, 10:07
2012, fin d'un monde du web ?
Netscape l'avait dit à la fin des années 1990s : « Le navigateur va devenir le nouveau système d'exploitation ». Microsoft l'avait interprété à sa manière, mais maintenant la prophétie est en train de se réaliser... dans le bon sens....