DRM is killing music, and it's a rip off Pour ceux qui ont manqué le début, la loi DADVSI, c'est la transposition tout répressif de la directive Européenne EUCD, qui elle-même n'est pas franchement jouasse pour les consommateurs et déjà considérée comme obsolète. Excédés devant des tentatives de manipulation plus que flagrantes, une majorité de députés décida de saboter en Décembre dernier, donnant des cheveux blancs à un Ministre de la Culture obligé de défendre cette loi.
Pour ne pas être perdus dans ses mélandres [PS], démontons chaque point du-dit texte :

D'abord, le refus de la Licence Globale.

L'article 1, tel qu'il fut modifié pour faire passer la Licence Globale a été supprimé et remplacé par un plus... neutre.

Bon, je vais être parfaitement honnête : au départ, je trouvais cette idée totalement démago et complètement illusoire. Les députés (socialistes et une partie de l'UMP) y ont vu un délire de communiste libertaire. Quand on connaît les frais de fonctionnement princiers de la SACEM, son opacité, son monopole et ses assiettes de reversement absolument scandaleuses, pour moi, ça faisait qu'une pompe à phynances supplémentaires.

Sauf que... Sauf que cela aurait très bien pu devenir un mode de financement original, une prime à la créativité.
D'un coup, grâce à ce régime déclaratif, nous aurions pu savoir si les œuvres qui circulent illégalement sur les réseaux peer to peer correspondent à leur volume de vente en CD.

Le montant dérisoire de l'amende.

La Licence Globale avait au moins le mérite d'être basé sur une logique volontaire et de redistribuer la somme ainsi perçue. L'amende de 38 €, encore plus dérisoire car plus aléatoire, n'ira jamais aux artistes lésés, mais à l'État et aux frais ayant entraîné la perception de cette amende. Ah ben oui, un agent assermenté, un recommandé, etc... c'est pas négligeable sur 38 €. Heureusement que notre vaillante Administration s'est informatisée, sinon je devrais paraphraser Desproges en comptant 55 personnes pour gommer l'affront [PS]... Ce qui me mettrait hors-la-loi.
Mais finalement, ça tombe bien. Qu'on ose l'appliquer, cette loi. L'amende dérisoire ira pour l'industrieuse fourmi de l'État, plutôt qu'à cette bécasse de cigale qui n'avait qu'à ouvrir sa gueule pour gagner son blé qu'elle oublie distraitement de déclarer. Tant pis pour la fable de La Fontaine, mais que veux-tu, les temps sont durs, et les frais de la fourmilière valent bien tes chansons...

La suppression de l'exception à la copie privée

Fini le droit à la copie privée. D'ailleurs, celle-ci n'était une tolérance, une “exception”. Désormais, puisqu'on est dans un cadre tout-répressif, elle peut devenir strictement interdite. Elle est d'ailleurs définitivement supprimée pour les films. Donc si vous faisiez des copies de DVD pour que vos enfants n'abîment pas les originaux (j'en connais plein, en fait tous ceux qui ont des enfants en bas âge et un magnétoscope), c'est fini. Plus le droit. Définitivement. Vous devrez racheter une dizaine d'intégrale Disney dans l'année. Impact non négligeable sur les portefeuilles, la diversité et surtout les possibilités d'ouverture d'esprit des petits. Pour le disque, un “collège de médiateurs” sera chargé de définir le nombre de copies possible, qui, dans la loi pourra être un minimum de... zéro. Magnifique.
Pendant ce temps-là, la perception d'une taxe sur les supports vierges (K7, CD, MD, DVD, disques durs, disquettes 3½, cartes mémoires,...) continue. Je me demande si on a pas un peu exagéré les capacités des codecs de compression pour taxer des supports de 1,44Mo, mais il est vrai que la SDRM a pendant 2 ans taxé des CD vierges sans légalité juridique, alors on est pas à ça près.

Ensuite la légitimation des MTP.

Les MTP... Mesures Techniques de Protections... Cette abréviation est extrêmement importante, et sa signification a visiblement échappé à tous.
Au départ, je pensais que c'était encore un terme issu du délire bien Gaulo-Français de vouloir absolument tout traduire. Vous savez, les francisations approximatives dignes de l'Engrish comme logiciel ≃ software, lutin ≃ sprite,... Un truc d'immortel sous coupole qui fait son intéressant, comme un vieux camembert coulant, laissant une trace grasse dans le vénérable Dico.
Et en fait, non, MTP n'est pas la traduction de DRM, mais parle bien de l'ensemble des mesures techniques destinées à “protéger” : cela va du DRM signant un fichier musical bien sûr, au rootkit de BMG Sony et la protection Macrovision de la VHS [PS].

L'instauration d'un monopole Anti-Français

Et quand bien même qu'on causerait que des DRM !
Des boîtes qui proposent des DRM, il n'y en a que trois qui tirent leur épingle du jeu. Aucune n'est Française, aucune n'est Européenne, mais les trois sont Américaines : Microsoft, Macrovision et Apple. On vient de livrer tout crû le contrôle technique de notre patrimoine national à des multinationales qui n'ont rien à voir avec, et qui ne sont même pas basées chez nous. Bref, on vient de définitivement donner les clés du coffre à des lascars qui ne demandaient qu'à le piller.

Mais encore... Comment être sûr que le téléchargement légal, payant et verrouillé s'implante durablement [PS] ?
Le moyen le plus évident serait d'obliger juridiquement et douanièrement que tout lecteur de fichier musical ne fonctionne que par un système DRM. Donc soit Fair-Play, soit WMA-DRM. Ça fera plaisir à EDF vu comment ça use les piles. Pourtant, Apple hurlera “niet” pour concéder toute licence de sa technologie de “protection”, reste Microsoft, donc établissement d'un monopole de facto. Comme s'ils n'en avaient pas déjà un. Or d'un autre côté, il est impossible d'interdire l'importation des lecteurs MP3 fabriqués en Asie, grâce à l'OMC (j'adore l'ultralibéralisme... quant je vous avais dit que je ne suis absolument pas communiste).

Vous savez comment Baudecroux a monté l'empire radiophonique NRJ ? Il proposa à de petites radios locales privées de devenir leur prestataire (via Sogetec devenu TowerCast) pour leur émetteur FM. Séduites par le prix et n'ayant plus à se soucier de ce nid d'em£%#des, elles signaient les yeux fermées. Puis il leur proposait de se rallier à sa régie publicitaire (NRJ Régies). Rentrées d'argent faciles. Sauf que notre French Citizen Kane fit en sorte de les asphyxier financièrement, étrangler sous le charges, les laisser pourrir avant de racheter à vil prix pour y installer à la place ses programmes NRJ, Rire et Chansons ou Chérie FM. C'est la Stratégie du Coucou que le CSA mit dix années pour freiner les dégâts. Trop tard.

Interdit d'interdire

Devant une occasion pareille, vous pensez bien que du Nord au Sud de la West Coast, on a dû sabrer le champagne (Californien, bien sûr) devant une stupidité pareille. Et ben non, même pas, pour compenser la lutte contre le piratage et balancer le cloisonnement des vendeurs DRMisés, le législateur impose l'obligation d'interopérabilité. Ce qui fait que certains distributeurs (comme Apple) réfléchissent fortement à faire une croix sur la France, certains hurlant à l'incitation au piratage par l'État. Or cette loi censure le logiciel libre, étant donné qu'il n'y est possible d'y sécuriser une gestion de DRM... On croit rêver.
Car n'importe qui aura le droit de faire sauter les MTP pour transcoder un fichier en un autre format... droit qu'on interdit plus loin  ! Mais si du coup, on permet de détourner une protection pour des raisons personnelles (ce qui requiert de sérieuses compétences techniques), on interdit la mise à disponibilité de « tout logiciel manifestement prévu pour détourner les MTP ». Pardon ?
Faut-il poursuivre Dell ? Ben oui, à quoi peut bien servir un graveur de CD ou de DVD sinon pour manifestement dupliquer illégalement, surtout quand il permet de ripper un CD là où les autres lecteurs échouent ?
Vous êtes paumés ? Moi non. Probablement mon côté schizo...

Pouf ! pouf ! Ce se-ra-toi-la-mé-chant'-sor-cière...

Witch ? Witch ! Witch ! Burn her !

Revenons à la parabole de la radio, mais remontons après-guerre. Dans les années 1940s à 1960s, les radios à travers le Monde Libre étaient bien souvent interdites de diffuser des disques. À la place, elles passaient des covers, des reprises par des orchestres maisons des tubes du moment. Ce que l'on appellera plus tard l'easy-listening n'était qu'une soupe immonde du hit-parade du moment. Pourquoi ? Parce que les éditeurs phonographiques étaient à l'époque persuadés que si le public écoutait le disque à la radio, ça lui suffirait, et qu'aucun auditeur n'en verrait l'intérêt d'acheter le vinyle, il s'en lasserait... voire pire... il l'enregistrerait !
Cette bêtise incroyable dura jusqu'à la fin des années 1950s aux États-Unis, et fin 1960s pour la plupart des radios publiques Européennes [PS]. Dans les années 1970s, les mêmes labels se battaient pour que leurs tubes soient bien placés dans la programmation des mêmes radios, organisant même un financement occulte digne de la protection maffieuse, le payola, reconnu juridiquement comme corruption caractérisée, tout se perd, ma brave dame.

Quand on voyait les ventes de CD et de DVD décliner, alors que les accès internet se vendaient à coup de « télécharge plus vite ta musique », tout le monde pensa au piratage via le net. Étonnement, très peu de ces analystes hautement informées firent fonctionner leurs méninges, calculant que la culture, c'est bien, mais ça pompe dans le même budget familial que l'abonnement à la télé par câble, au téléphone portable (ses SMS+ et surtout ses sonneries... eh oui !), à la console de jeu, à l'ordinateur familial, à l'ADSL, bref à de nouvelles façons de consommer. Forcément, devant autant d'abonnement, ce budget n'étant pas élastique, les achats de CD et de DVD se réduisent et on a d'autant plus vite accusé le piratage que les ventes de livres ne diminuent pas.

Laaaaa muuuusiiiiiquuueeeeeuuuh ! oui... la muuuuusiquuueuh !

Mais la faute n'importe-t-elle pas à des artistes de plus en plus jetables ? Des coups commerciaux, montés en épingles par télé-réalité interposée, le formatage imposé par les équipes commerciales et la grande distribution, les rotations effrénées de certains réseaux (radios et tv) musicaux ou la mise en avant de genres musicaux nécessitant moins de musiciens car exclusivement basés sur un usage minimaliste du sample (dont les droits échoient à la maison de disque, ou “insignifiants”).[PS].

Puis un jour tombèrent sans crier “gare” deux études coup sur coup : L'une, que les pirates intenses sont ceux qui achètent le plus de disques, donc pan! dans la gueule de ceux qui disent qu'ils ne consomment pas, et que deux les concerts n'ont jamais été aussi plébiscités. En fait, l'économie du CD part dans le ticket de concert.

Alain Chamfort, toi qui t'es fait virer de ta maison de disque alors que tu remplissais l'Olympia, la prochaine fois que tu montes sur scène, n'oublie pas de traiter ton public de délinquants, qu'ils sont des Jean-Foutre qui t'affame toi, tes musiciens et les roadies de ta tournée.
T'éviteras un rappel.

Plus c'est gros, mieux ça passe

Y'a-t-il pas eu exagération des dégâts ? Un fantasme inconscient ou volontaire ?

Quant au début des premiers procès lancés par la RIAA, les internautes convaincus de piratage étaient menacés d'amendes aux montants astronomiques, de peine de prison plus terribles que l'homicide par excès de vitesse, on s'est dit « Bien fait, ça va tuer le piratage dans l'œuf ». Sauf que le jour où Napster a proposé un système d'abonnement (pour 15 $ par mois, tu prends ce que tu veux, c'est “buffet libre”... un principe finalement pas si éloigné de la Licence Globale, non ?), l'argumentation conduisant à ces demandes de rançon astronomiques ne tenait absolument plus. Comment croire qu'en téléchargeant, on lèse une industrie de plusieurs centaines de milliers de dollars, quand elle ne demande que 15 $ par mois ? Sur, disons, sept ans d'infractions reprochées, on arrive à un total effectif que de 15 × 12 × 7 = 1260 $.
Les milieux financiers y ont vu qu'une correction sévère du prix en fonction de la demande du marché. Il faut dire que depuis l'introduction du CD Audio, le prix de vente moyen d'un album n'a pas baissé, contrairement aux promesses des éditeurs phonographiques.

Pire que tout dans cette chasse aux sorcières, l'interdiction des logiciels servant « manifestement » à mettre à disposition des fichiers... STOP ! On a atteint le ridicule absolu (tel certaine directrice du Ministère de la Culture et sa notion des MP3) ! Ce qui veut dire que le principe même d'internet est illégal.
Ce n'est pas que le législateur qui vient de perdre sa crédibilité, mais surtout tout une industrie sclérosée qui préfère déclarer une hostilité violente et juridique envers les nouvelles technologies comme la radio, le walkman, le magnétoscope, le baladeur à disque dur... Tout ça parce qu'elle préfère enterrer sa tête dans un trou plutôt que d'humer les changements, et évoluer en conséquence. Or, on se demande bien ce que serait devenue l'industrie du disque et du cinéma sans ces technologies. Là où de vrais artistes tentent leur chance par ces technos émergentes que les pontes de l'Industrie taxaient d'infamie. Ce qui prouve bien que l'industrie “artistique” est très puissante, qu'elle pèse brutalement contre ses consommateurs, qu'elle instrumentalise ses employés, mais qu'elle a invariablement eu tort.

Alors cette loi, elle a tout faux ?

Eh ben non ! La loi DADVSI s'est mise tout le monde à dos, mais vise très juste en tirant un constat très amer : La culture n'existe plus ; la musique, le cinéma,... ce n'est que du divertissement, du show business. Où de très grandes entreprises raisonnent en ratio sur investissement, en journées de personnel, en taux de retour magasin et surtout... en durée limitée. La loi DADVSI entérine le statut précaire de l'“artiste” qui crée sur commande, tout comme la loi sur le CPE entérine le statut précaire des jeunes qui arrivent sur le marché du travail avec une formation inadaptée. Et une loi, c'est fait pour durer... largement plus longtemps qu'un Système d'Exploitation, qu'un concept logiciel de verrouillage ou même que n'importe quel support électronique [PS]. En clair, en nous refusant le droit d'être lues, les œuvres ne veulent plus vivre, mais font acte de suicide. En liant intimement une protection dont tout le monde aura perdu la recette dans 50 ans, les musiques et les films qui sortent “protégés” connaîtront l'oubli à cause de l'obsolescence de leur support, y restant éternellement cadenassés, mourant d'une belle mort, mais parfaitement inviolable.

Mais bon, « Brazil » en France, ça reste encore soft... y'a qu'à comparer aux USA. Défendre la Culture par la Terreur, tu parles d'une évasion spirituelle !


NB
  1. ZDnet propose un résumé des points importants sur la musique et le cinéma (01net a un résumé qui est pour une fois pas trop erroné). Ouvrez ces articles dans des onglets, ça peut vous aider.
  2. in « La gomme », « Chronique de la Haine ordinaire » du 15 Avril 1986
  3. Une vraie horreur, cette “protection”. Immanquablement, une fois sur deux, quand je louais une VHS à mon vidéoclub, et que je voulais la regarder sur mon magnétoscope Akaï 2 têtes, au boût de 15 minutes, la partie supérieure de l'image se mettait à sauter, rendant souvent le visionnage insupportable. Un parfait exemple de protection contre le consommateur.
  4. Le piratage d'œuvres musicales, revendues dans le commerce, ça existe. Et par un des plus violents partisans de la loi DADVSI, en plus !
  5. Ainsi la BBC se fit tailler des croupières par des radios pirates off-shores qui elles programmaient du disque... avec la bénédiction des labels !
  6. Écoutez un disque de rap... très peu ont une instrumentation réellement originale. Et même dans mon genre musical favori. À ce sujet, écoutez l'excellente installation/documentaire « Can I Get An Amen » de Nate Harrison sur l'exploitation d'un sample. 18 minutes très utiles sur la musique et la notion de copyright.
  7. Je citerais cet excellent article de La Libre Belgique : « on voit bien l'inanité de raisonner en termes légaux sur la base de la situation pré-Internet. À cet égard, l'arrière-gardisme n'est pas nouveau : on sait qu'après l'invention de Gutenberg, la République de Venise tenta par décret d'attribuer le monopole de l'impression des livres à l'imprimeur allemand Johannes von Speyer. Autre ironie, Gutenberg mourut ruiné à la suite d'un procès fait par les fabricants de presse à raisin pour le vol de l'idée de vis sans fin. ».
    Contrairement à ce que pourraient croire des Sudistes du Quiévrain allergiques à Linux, la Libre Belgique est un quotidien papier de qualité.

Le logo DRM/DADVSI vient de “Just Say No”. Les avatars de “Spécial dédicace à DADVSI”.