Ceci est le prompt original de la conférence que j'ai tenu à Paris Web Vendredi 11 Octobre à 10h50 au Salon d'honneur du Palais Brongniart.
Vous pouvez jouer la présentation en suivant ce lien. Elle a été réalisée avec Reveal.JS Passez les diapositives avec les touches et . Sachez qu'avec la touche S, vous aurez le mode “prompteur” que j'ai (des)benoîtement regretté de lancer.
La conférence d'Amaelle Guiton la veille était sur des thèmes très similaires, je vous encourage à aller la voir.
Oups ! C'est à moi…

(Laisser le public s'installer, commencer par une blague non sexiste, non raciste, non linuxienne)

Bonjour Je suis Xavier Mouton-Dubosc, je me surnomme DaScritch et je vais raconter par quel raisonnement et comment, alors que j'étais développeur indépendant, je suis passé du conseil client à l'engagement politique

D'abord une rapide introduction de moi-même : Je suis un râleur, un trolleur, un éternel mécontent. Et j'en exige beaucoup de moi et des autres. J'aime que mon boulot soit bien fait, j'aime que mes clients soient satisfait de mon travail.

J'avais pour métier d'imaginer des blagues téléphonées. Si Si, c'est un métier. Suite à un plan social et l'absence de débouchés dans le secteur, j'ai dû vite trouver une nouvelle voie. Comme je faisais du site web en dilettante, je me suis lancé en développeur indépendant. Je voulais bien faire, donc fatalement, je me suis intéressé aux standards et aux bonnes pratiques.

Parce que j'étais de très bon conseil, mes clients en ont profité : je préférais leur installer une solution existante en une demi-journée que leur facturer dix jours d'un développement spécifique. Car oui,…

…nous avons un devoir : celui de conseiller nos clients dans leur intérêt. C'est une obligation légale, même dans le cas d'une prestation de service entre professionnels puisque cela a été conforté par la jurisprudence. Malgré cela, nos clients font des catastrophes, parfois en totale connaissance de cause.

Je suis sûr que vous connaissez des clients qui achètent une liste de 70 millions d'adresses e-mail soit-disant certifiées spam-friendly, qui ont un SEO spécialiste des fermes de liens en blanc sur fond blanc, et qui repompent des photos gratuitement trouvées sur Google Image. Oui, nous devons conseiller nos clients sur la technique, le juridique et les bonnes pratiques sociales d'internet.

Le problème, c'est qu'en tant qu'indépendant, j'étais dans un secteur archi-compétitif. Et je ne vous parle pas des clients qui n'étaient pas des cadeaux…

…comme l'abus de stagiaires par certaines entreprises qui détruisent le marché. Ce qui met à mal celles qui rénumèrent correctement leur travail et les indépendants. J'ai eu plusieurs fois des refus de devis, et les prospects qui me rappelaient pour un bon plan de convention stage. Si après ça, vous n'avez pas la bave au lèvres, je ne sais pas comment vous faites.

Les graphistes ne sont pas gâtés avec les concours de beauté. Chez les institutionnels, on appelle ça des Appels d'Offre. On vous donne un sujet, vous bossez gratos, et on paie que celle qui aura plus, mais vous cédez vos créas refusées. Récemment, le Ministère de la Culture s'est pris un vent de 3 agences sélectionnées par cette "pratique". Des graphistes ont monté une liste noire des appels d'offre.

La valeur travail a été dévalorisé. Mais pire que tout, nous avons vécu pendant 5 années une guerre intensive contre internet. Nicolas Sarkozy l'avait menacé lors de ses vœux au monde de la culture en 2011 : « Nous allons mettre sur la table une question centrale, celle de l'Internet civilisé. Je ne dis pas de l'Internet régulé, je dis de l'Internet civilisé. »
Pour lui, ceux qui construisent internet sont des sauvages.

Évidemment, dans mon esprit tordu, j'avais compris que les sauvages, on les paie en verroterie. Un client ou un fournisseur nous parlerait comme ça, on l'enverrait bouler. Le chef d'état d'un pays étranger nous dit ça, mais c'est LA GUERRE.

C'est là que je me suis posé une question… Pourquoi sommes-nous ici ? Oui, pourquoi sommes-nous à Paris Web ? Pourquoi nous galopons après l'Agile Tour, Sud Web, Kiwi party, les apéro Flupa, les coding dojo ? Je veux dire, à part pour rencontrer les stars de notre profession, voir les gens que l'on suit en rss ou sur twitter, et faire dédicacer quelques bouquins techniques ou un clavier.

Notre motivation fondamentale est que nous voulons nous élever. Face à une concurrence qui casse les prix et la qualité, nous voulons faire progresser notre niveau technique, mais surtout le faire savoir. Et le faire savoir, cela s'appelle une promotion des bonnes pratiques. C'est très important car nos métiers sont jeunes.

Notre secteur a grandi très vite. Le web est passé en moins d'une génération de la curiosité de nerds à 80% de la population utilisatrice. Le boom s'est produit dans les années 2000 avec l'ADSL. En tant que vecteur de communications multiples, internet refaçonne à une vitesse stupéfiante notre société…

L'administration réduit le papier physique, les banques imposent le micropaiement, nous aurons des élections totalement informatisées, et bien évidemment les publicitaires nous connaissent plus intimement que notre médecin.

Et nous, nous maîtrisons la technologie, nous construisons le web, nous voulons aller vers un mieux-disant et si nous sommes ici, c'est que nous avons des valeurs. Le web est notre élément, nous pouvons y faire beaucoup de bruit. Au point de secouer ceux qui écrivent le Code . Le Code Civil.

La moitié des députés qui siègent actuellement au palais Bourbon furent élus la première fois à l'Assemblée Nationale durant les années minitels. Euh pardon, durant le précédent millénaire,…

quand il y avait 6 chaînes de tv. Or la télévision, la radio et la presse sont des médias verticaux, le public reçoit mais le retour est faible. Une situation qui n'aide pas à la contradiction. Ajoutez que certains députés possèdent leur quotidien régional…

N'oubliez pas : un Homme Politique est un séducteur, qui doit avoir un avis sur tous les sujets. La preuve : j'en suis un. Et comme l'Homme politique en sait peu sur tout, il est en général influencé par n'importe qui.

Notre homme politique a soit un toutologue, un conseiller prêt-à-penser comme Jacques Attali, qui écrit aussi des bouquins de science-fiction fictionnels, BHL, spécialiste international du documenteur et de la crème chantilly ou Alain Minc qui se vante d'avoir inventé le mot télématique en oubliant qu'il est démodé.

Soit notre homme politique reçoit des instructions de son parti pondu par un enarque promotion lointaine. Vote comme ci, annone notre doctrine, dit que l'opposition est nulle, blah blah blah. Exactement la même personnalité que la photocopieuse.

Le problème, c'est quand ce modèle ne s'adapte plus à l'époque d'internet. Riez, mais ce genre de ratage arrive plus souvent qu'on ne le croit.

Car à la différence du broadcast, Internet est un mode de communication où nous sommes tous acteurs. Nous avons tous notre chance d'être entendu et nous aurons forcément une contrepartie critique. Aujourd'hui, l'homme politique ne peut plus mentir à la télé, il se fera démentir dans la joie du fact-checking.

Et en plus, il doit être présent sur les réseaux sociaux mais il y craint les réponses. Regardez la page twitter du maire de Toulouse : 18 mois, ne suit que les 3 institutions qu'il dirige, un seul message. Quand un homme politique pense à internet, il a peur. Et quand quelqu'un a peur, il va faire des conneries.

Un exemple que nous voyons tous les jours dans les CGU de sites : « il est interdit de mettre un lien vers notre site sans autorisation ». OK, ça fait rire…

Et si AIPG, le Syndicat de la Grande Presse Généraliste, arrive à passer ça en loi, comme le milite Laurent Joffrin au Nouvel Observateur ? Vous vous rendez compte des risques juridiques pour tout le monde ? On fait quoi, du coup ? Que devient l'essence même du web sans lien hypertexte ?

Rien n'est définitivement acquis : la neutralité des réseaux qui permet à un petit site d'e-commerce d'exister face aux grands noms, la garantie de la sécurité des données personnelles,… Tout est toujours sujet à caution, aucun combat n'est définitivement gagné. Et il ne s'agit pas uniquement de défendre nos activités,…

…mais surtout de garantir le bien commun : nos libertés. Nous devons sauvegarder cette richesse culturelle plus qu'économique qu'internet a amené. Nous devons défendre ce média, défendre cette vision de la démocratie. Le piège c'est que ce combat se limite aux professionnels du web, que l'on ne perçoive que les intérêts d'un syndicat.

Nous le savons tous que la pédophilie, le terrorisme, le chantage ou la dénonciation calomnieuse existaient bien avant le web. Comment la Chine, la Corée du Nord, l'Iran ou l'Arabie Saoudite fliquent leurs citoyens sur internet n'est pas tolérable dans une démocratie. Et pourtant, ici même, on n'en est pas loin.

En Mai, Bruxelles a ouvert des négociations commerciales avec les USA en plein scandale PRISM. Les USA avaient signé dans un précédent accord qu'ils n'espionneraient pas les citoyens et les entreprises Européennes. Cela prouve que nous n'avons pas fait assez de barouf pour sauver et notre vie privée, et nos emplois. Parce que les écoutes de la NSA sur la CE, c'est pas que contre le terrorisme, c'est surtout contre la concurrence.

Ces accords internationaux comme Acta qui sont négociés par des personnes non élues, amènent à des lois qui nous semblent pas morales comme la Hadopi. Nous avons alors une responsabilité en tant que citoyen, celle de demander des comptes à un élu, de tenter de le convaincre. C'est comme ça que fonctionne la démocratie.

Si nous ne nous rendons pas visible, ce vecteur de démocratie qu'est internet peut être définitivement perdu. Nous n'aurons plus qu'une galerie marchande et nulle part pour nous en plaindre. Nous sommes encore maîtres des outils, nous sommes aux premières loges. À vous de décider comment vous allez bouger, que je me sente moins seul.

Vous avez deux manières de faire : convaincre ceux en place ou les attaquer frontalement sur leurs erreurs.

Et trois échelles d'actions :
Vous-même (votre blog, votre téléphone, l'application qui sert à téléphoner, les réseaux sociaux, votre signature)
Les associations (La Quadrature du net, Framasoft, l'April, l'AFUL, FDN French Data Network…)
Les partis (du petit neuf où tout est à construire, du gros vieux séculaire, gauche, droite ou non aligné, vous avez le choix)

Certains me diront qu'un engagement politique peut faire perdre des clients, vous avez raison. Pourtant, quand je me suis présenté suppléant aux élections législatives, des clients sont venus me chercher :

des associations, des entrepreneurs sérieux sont venus me voir en me disant « Vous avez une éthique, et visiblement ce n'est pas qu'un argumentaire commercial puisque vous vous présentez ». Là, j'ai découvert qu'interpeler publiquement un élu vaut bien plus que n'importe quelle tagline. (même celle-ci).

C'est un signe : on compte sur nous. Nous sommes ici à Paris Web, je pense que c'est le bon moment d'en parler et de se motiver. C'est à nous tous de jouer. Je suis Dascritch, n'hésitez pas à m'aborder.

Crédits

Les photos ont été repompées sur Google Image avec notamment un vol manifeste de la propriété intellectuelle de Thomas Berthelon, Brice Favre, Chantal Pisey, André Hadjez et Stanley Kubrick. Bizarrement, il n'a pas été possible de trouver d'images représentatives des trois toutologues sur internet, et faute de scanner, j'ai dû improviser.
Je crois que la prochaine fois, j'apprendrais mieux par cœur mes textes et je m'achèterais une télécommande de conférencier, ça m'évitera les bourdes absolument énormes en live ^^;

Immense merci à l'incroyable équipe de Paris Web qui s'est pliée en 4 pour les orateurs et le public, notamment pour imprimer mes notes, à l'équipe des traducteurs LSF qui font un boulot formidable, à Sébastien Desbenoit qui a prêté son matériel afin qu'on limite les manipulations et échanges d'ordis durant ce tandem de trollférences du vendredÿ. Encore merci à mes amis, aux talents de cosplayeuse de Megami Yume, les bricolos fous du Tetalab et Jérôme Nicolle avec qui ça colle, et à mes amis avocats qui ont relu mes textes.