Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 26 Juin 2010.
Kamimura romance autour d'un des disciples d'Hokusai. Un jeune homme ambitieux, Sutehachi qui a séduit un de ses modèles, femme d'un marchand de légumes, trompant ainsi sa femme mourrante. Hélas pour lui, on est dans une manga de Kamimura, ce qui veut dire que les femmes sont superbes, vénéneuses, ambitieuses, désespérées, folles.
« Lady Snowblood », « Lors nous vivons ensemble », « Le fleuve Shinago »... C'est pas comme si Sutehachi n'était pas prévenu : Il ne faut pas aimer les femmes dans une œuvre signée Kamimura.
Sutehachi est donc le disciple du vénérable Hokusai. Ce dernier a un indéniable succès, mais vit chichement avec sa fille. Il n'a pratiquement que les moyens de se payer papier et encre. Et de même pour Sutehachi qui vit dans un taudis d'une crasse ignoble. Mais Sutehachi s'en fiche : il a un ego monstrueux, vit largement au-dessus de ses moyens, boit l'argent que lui prête ses rares amis, trompe sa femme gravement malade. Bref, c'est un débauché qui a à peine du respect pour son maître. Et il est aussi connu pour ses dessins fripons, faut dire qu'il s'y connaît en sauteries avec la femme du marchand de légumes, ou les prostituées du village de Shinjuku.
Mais nous sommes au début du XIXème siècle. Edo est une grande ville, mais pas encore le Tōkyō moderne. C'est une ville de bois, de papier, qui peut s'embraser à n'importe quel moment, et justement, une vague d'incendies dans les alentours fait penser à une main criminelle. Le voisinage peut devenir soupçonneux sur tout ce qui est trop en marge.
Ivre, débauché, ambitieux, Sutehachi est un aimant à ennuis. Il dessine ses fantasmes, qui sont publiés et donc connus sur la voie publique. Autour de lui, il tisse sa propre comédie humaine.
Pendant ce temps là, le vieux maître reste froid, concentré sur son art. S'il ne l'a pas renié malgré son comportement scandaleux, c'est que peut-être qu'il va en faire un personnage d'un de ses recueils ? Mais tout cela n'est que du papier, et le papier, ça brûle.
L'histoire d'amour se finira forcément mal. Et Kamimura nous estomaquera une fois de plus par son art consommé du dessin. Je ne peux que vous conseiller d'arriver jusqu'au superbe chapitre où il donne une leçon magistrale sur l'art traditionnel de transformer d'un dessin en gravure. À lire dans la foulée du « Hokusai » de Shōtarō Ishinomori.