Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 29 Avril 2006.

C'est une jeune femme vivant dans le dénuement, mais qui se débrouille, qui refuse de se plaindre de son sort, qui a des rêves touchants de simplicité... Dans la marginalité d'un Japon qui fini de panser ses plaies de la guerre avant d'entamer sa fulgurante croissance économique. Hirano vit de petits boulots, de débrouille, préférant marcher pieds-nus pour aller entre son travail et le bidonville où elle vit. Le dessin est jeté, les personnages semblent vivant tellement qu'ils sont gauches, bref, on s'y attache. Et en tournant une page, c'est une claque.

La double page n'a pratiquement aucun dessin. Elle n'est composée que de cases vides, et de textes bouleversants. Comme celui-ci : « 10 ans ont passé, mais ceux qui ont lancé la bombe atomique pensent-ils encore en me voyant “Hourra ! on en a encore tué une” ». L'histoire débute en 1955, et cette jeune femme vit à Hiroshima. La bombe, elle en a vu les horreurs, mais elle n'y pensait plus.

Kana Dargaud a sorti ce livre le mois d'un triste anniversaire : les 20 ans de Tchernobyl.

Dans les deux cas, les civils sont les premières victimes, et ceux qui n'en sont pas mort dans l'immédiat en souffriront horriblement. Et pour Tchernobyl comme pour Hiroshima, le désintéressement des pouvoirs publics ajoutât l'insulte à l'injure. C'est l'histoire d'une famille qui en souffrira discrètement à travers les décennies. Et ces maux, il valait mieux ne pas en parler, sous peine d'être considéré comme pestiféré.

Ce livre fait mal, il est critique à la fois sur les dégâts de la bombe atomique, mais aussi sur la société japonaise qui considère toujours les hibakusha comme des parias. Il en raconte cette exclusion trop discrète avec une finesse toute féminine. C'est ça qui rend cet album touchant, et qui choque d'autant plus.