Il s'agit d'une manga dessinée dans le style du dessinateur Osamu Tezuka (1928-1989), par les auteurs de la “Fondation « Tezuka »”. Cet ouvrage est le quatrième et dernier tome de la série racontant la vie du Dieu de la manga. Après avoir passé en revue son enfance (sa passion pour les insectes, l'astronomie, la nature), ses débuts de mangaka, et son implication dans l'animation, voici venu le temps où Osamu Tezuka réalise des films d'animation expérimentaux, les présente à divers festivals (dont celui d'Annecy), continue de travailler d'arrache-pied sur ses (très nombreuses) séries de bande dessinée en cours, et voit ses nombreuses travaux récompensés.

Cet ultime voyage en compagnie du génial créateur de « Black Jack », « Astro Boy », et « Le Roi Leo » est l'occasion pour le lecteur de véritablement se rendre compte à quel point Tezuka était unanimement reconnu par ses compatriotes, mais aussi par ses confrères du monde entier (Stanley Kubrick et Walt Disney dans les précédents tomes, Moebius dans celui-ci). L'anthologique édition japonaise en 300 volumes (!) de son oeuvre intégrale permet de prendre l'exacte mesure de ce phénomène. Que ce soit dans la fable humaniste, la SF, le récit d'aventure, le drame, le thriller historique, le manga érotique, les histoires pour enfants, pour adultes, les séries d'animation fabriquées avec des moyens limités atteignant une productivité démentielle, ou les oeuvres les plus expérimentales, ce créateur infatigable aura décidément touché à tout.

Sa production énorme est à nouveau au centre de ce tome, Tezuka n'hésitant jamais à sacrifier son sommeil ou ses rares heures de repos pour pondre de nouvelles histoires, motiver ses hordes d'assistants, ou livrer toujours plus de planches aux éditeurs venus presser le maître jusque dans sa propre maison. Cependant, cet acharnement au travail va le pousser vers plusieurs hospitalisations, sur lesquelles la manga ne s'attarde pas.

Le seul point négatif, pour ceux qui ne connaîtraient pas suffisamment l'oeuvre de Tezuka, réside dans le fait que comme les Japonais ont en mémoire l'essentiel de ses travaux, tant ses mangas sont ancrées dans l’inconscient collectif, cette bio ne rappelle pas en quoi les histoires de l'auteur ont marqué les gens, quelles ont été les spécificités de son style, à quel point son découpage cinématographique a constitué sa marque de fabrique. Il est donc recommandé de bien connaître l'oeuvre de Tezuka avant de se plonger dans cette biographie.

Un autre regret persiste : les auteurs de la “Fondation « Tezuka »” se sont trop concentré sur la vie du maître, au détriment de la production artistique de l'époque. Il est dommage qu'il n'ait pas été fait mention de sa position par rapport aux autres créateurs de manga, surtout quand on sait que l'autre grand réalisateur de films d'animation, Hayao Miyasaki, dégainait ses oeuvres du vivant de Tezuka. Il aurait été pertinent de s'intéresser à son avis sur des films qu'il appréciait forcément, qui sortaient en même temps que les siens, et donc avec lesquels il était en concurrence.

Ce n'était certainement pas l'angle d'attaque de cette manga qui s'est avant tout appesanti sur le fait que Tezuka ait su jusqu'au bout conserver sa créativité d'enfant, et être en constante osmose avec son public. Le trait tout en rondeur, respectueux du style du grand dessinateur (qui lui avait d'ailleurs valu le surnom de « Dieu de la manga ») est tiré au cordeau, d'une précision d'horloger. Des photographies d'époque viennent appuyer certaines anecdotes, ainsi que des captures d'écran d'émissions de télévision, ou des reproductions d'affiches originales des films d'animation. Le découpage est très didactique, le texte dit par Monsieur Moustache (un personnage récurrent dans l'oeuvre de Tezuka), ne laissant pas de place aux images pour s'étaler. Une porte très agréable à ouvrir pour pénétrer dans l'oeuvre d'un créateur dont on est encore loin, en France, de mesurer l'ampleur des travaux.