Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 26 Février 2011.
« Orion » est une série relativement à part dans l'immense bibliographie de feu-Jacques Martin. D'abord, c'est une série relativement tardive, ensuite il n'a participé qu'à trois tomes. Et enfin, et ceci même si nous parlons d'une bande-dessinée en costume, c'est à dire se déroulant dans un cadre passé avec parfois en lien des évènements historiques, à la différence d'« Alix » ou de « Jehann », cette série prend de sacrées libertés avec la réalité des évènements. En effet, les pas du grec Orion sont guidés par les Dieux de l'Olympe, et il n'est pas rare qu'il croise sur son chemin (et bien souvent sans s'en douter) des héros, des créatures mythologiques, et autres esprits issus de l'imagination des hommes en faisant son trekking en Attique, au même titre qu'il croise Socrate dans les rues d'Athènes
Orion donc n'est pas un témoin de l'Histoire, mais l'habitant d'une Grèce mythologique, dont les péripéties en rapport avec différentes guerres entre les cités grecques ne sont que prétexte pour lui faire rencontrer les envoyés des Dieux. Procédé déjà utilisé par Homère dans « L'Odyssée » : Le personnage d'Ulysse a historiquement existé, mais ses aventures ne sont que de plates excuses pour expliquer à sa femme Pénélope pourquoi il a mis vingt ans pour revenir d'une expédition punitive à Troie, qui plus est fringué comme un gueux. Du danger des vins et spiritueux grecs, buvez avec modération !
Orion donc est un jeune Athénien, à la fin du Vème siècle avant le prophète monothéiste. La cité est à son fort sur l'expérience démocratique, malgré les incessants complots de la noblesse déchue. Celle-ci va tout faire pour mettre à bas la gestion de Périclès, le « Premier des Athéniens ». Et principalement en s'alliant à la puissante cité de Sparte. Orion, lui, est frappé d'ostracisme pour des raisons politiques. Cela veut dire qu'il est en exil forcé hors d'Athènes, et qu'on a noté son nom sur un tesson d'amphore, un ostrakon, pour se souvenir qu'il est interdit de territoire pour dix ans. Eh oui, la première démocratie du monde avait créé le fichage de ses citoyens afin de réduire leurs libertés.
Ahem.
La puissante armée de Sparte tient en siège Athènes, et celle-ci doit rapidement trouver une solution pour s'en sortir. Périclès, qui n'est que chef d'État après tout, décide d'envoyer sa femme Aspasie consulter un oracle au Nécromantion. Hélas, un serviteur informe le parti de l'ennemi, qui bien évidemment compte profiter de la situation.
C'est donc pour obliger à une stratégie erronée qu'une troupe d'élite de spartiates dirigée par le cruel Brasidias va prendre d'assaut le sanctuaire du Nécromation, se déguiser en prêtres, donnant un oracle erroné... pour que les Athéniens conduisent une sortie suicidaire par superstition.
Mais ce serait compter sans Orion, venu lui aussi consulter un oracle, qui va reconnaitre sous le déguisement Brasidias, et donc éventer la supercherie.
Reste à traverser à pied une partie des montagnes Grecques afin de rallier au plus vite Athènes avant que la tragédie n'aie lieu.
Depuis la disparition du dessinateur, le pari pour Casterman est de sortir quasiment un album par an de chacun des séries. Un vrai travail de Titan (hein, tant qu'on parle de mythologie Grecque, je peux me permettre ?) puisqu'il faut trouver de bon scénaristes (et Jacques Martin était un sacré conteur) mais aussi un dessin d'une très haute qualité. La tâche est quasiment aussi difficile que la reprise de « Blake & Mortimer ».
Dans l'ensemble, « Les oracles » correspond à la facture Martinienne : dessin ligne claire hyper-réaliste, détails didactiques, textes lyriques, voire théâtraux, et enfin intrigue politique soutenue. Sans compter le second rôle, le sidekick (oh, excusez-moi pour ce terme Anglais), le compagnon qu'Orion va rencontrer dans cet album, Panaïotis, forcément un jeune homme de 14 ans. Procédé souvent utilisé par Jacques Martin afin d'aider le jeune lectorat à s'identifier aux héros de ses séries. Je suis sûr que vous pensiez autre chose, bande de pervers.
La particularité de la fantaisie en fait une série certes à part, mais sans défaut. Et il faut reconnaitre une chose, c'est que Marc Jailloux a rendu une copie sérieuse sans aucune rature, bavure, ou erreur flagrante. Bref, le genre de bouquin que vous pouvez offrir à un collégien dans l'espoir qu'il prendra Grec en option langues mortes.