Ce billet fait partie de la série « Dirty Hacky ». Le but de cette série est un objet critique sur les astuces de web-développement, et n'a pas pour vocation d'être une recette définitive, mais d'attirer l'audience par la polémique technique.
BANG! BANG!            BANG!

0. Je parse en HTML .357 S&W
1. Commentaires conditionnels
2. Magouilles dans les CSS
3. Des confettis troués en CSS
4. Liens serrés dans la police
5. Des Bleus et des Boss
6. Exécutions très rapides
7. Le script des bas-fonds
8. Préfixes frelatés

Pour une fois, un hack non-technique

Ce billet s'inscrit de manière impromptue dans la série. Il est en fait dans la suite d'un atelier/élaboratoire improvisée en Avignon lors de Sud Web 2013.

Une des raisons pour lesquelles j'ai dû quitter le statut d'indépendant vient des volontés prédatrices de certains professionnels du secteur internet. En gros, pour eux, les salaires sont toujours trop haut, et il faut casser les prix à tout prix. Or la délocalisation à l'étranger s'est parfois transformée en échec pour eux : difficulté d'échanger, distance, management indirect.

Depuis 2008, le nombre de stagiaires en entreprises s'est multiplié par 6. Ces chiffres deviennent affolants quand on apprend par ailleurs que très probablement 100 000 postes correspondent à des emplois déguisés. Les stages de deux mois et moins n'ont aucune obligation d'être rémunéré, et il est possible pour l'employeur de congédier à tout moment et sans aucun préavis un stagiaire.
Néanmoins, sur les périodes longues, les stagiaires doivent percevoir une rémunération, et celle-ci est bien souvent symbolique. En 2010, la rémunération légale minimale était d'environ 320 €, elle est actuellement de 436 €. Sans aucune charge sociale.

Donc vous voyez le hack

Un salarié fraîchement formé dans un domaine où la technologie change tous les deux ans, payable 5 fois moins qu'au SMIC, et que l'on peut congédier du jour au lendemain. Pour certaines entreprises, c'est du caviar, et ils en bouffent au taquet.

Et attention, on parle de jeunes en formation, encore dans un cursus post-bac, en position de faiblesse, et très nettement sous-payé. Leur promettre un emploi à la sortie est limite mensonger par rapport à d'autres statuts comme les CDD, les intérimaires, les indépendants en régie, les intérimaires et les contrats qualifications. Car le coût pour l'entreprise d'un stagiaire est à des années-lumières d'un salariat au SMIC. Alors imaginez pour un salaire de technicien ou ingénieur parlant courant une langue étrangère, maîtrisant plusieurs technologies de pointes et dont le domaine est vital pour l'entreprise. Du foutage de gueule en très très gros.

Il est très difficile de s'aligner face à des entreprises qui comportent des commerciaux, un chef de projet et une demi-douzaine de stagiaires. Oui, aucun poste technique, pas de dev ou de graphistes permanents, que de la bleusaille. Je ne citerai aucun nom, mais j'ai des témoignages.

Et le terrifiant tumblr Urgent recherche stagiaire n'en recense qu'un nombre limité…

Qui trinque ?

Le client qui succombe à des prix aussi bas ne se rend pas compte de la dette technique qu'il accumule. Le site sera bancal, mal conçu, et il aura une très mauvaise expérience des agences qu'il généralisera, sans jamais remettre en cause le tarif qu'il a payé.

Les étudiants car ils hypothèquent leur propre avenir, n'était pas correctement encadrés. J'ai entendu plusieurs cas où il n'y avait strictement personne au niveau pour lequel ils étaient formés, juste du personnel cadre qui ne connaît qu'imparfaitement la technique. J'ai même entendu ce genre de scénario d'une grosse SSII. Et évidemment, quand ils terminent leurs études…

Les professionnels. J'ai moi-même eu droit à un client qui a refusé mon devis de 2000 € et exigeait de moi que je passe en statut stagiaire. Avec la complicité d'un cadre de Pôle Emploi qui allait me faire obtenir une convention stage de complaisance. Cela a été le pompon : J'étais soit-disant en position de faiblesse, mais ce malotru n'arrêtait pas de me relancer pendant 3 mois. Oui, il connaissait mes compétences, mais il refusait obstinément de les payer à son tarif normal.

Initiative

Voilà pourquoi, lors du dernier Sud Web, et après moult gueulantes dans les réseaux sociaux et sur ce blog, puisque je ne suis arrivé à rien en hurlant, j'ai imaginé un atelier collaboratif où l'on travaillerait sur la sensibilisation des différents acteurs. Qu'il doit être possible de mieux encadrer les stages, d'empêcher les abus, de proposer un cadre mieux défini.

Sous l'énigmatique intitulé Urgent recherche stagiaire, j'avais réservé un créneau lors des élaboratoires. J'ai eu la surprise de voir beaucoup de monde débarquer. Du beau monde. Je pense que le sujet allait de pair après ma prestation de l'an dernier, et que là encore il y a un abcès à faire éclater.

J'ai ouvert un document éditable pour tous, proposé qu'on produise un cv trop beau pour ne pas le garder, et le farcir de liens piégés.
Puis à la fin de la session, j'ai migré tout cela sur un repo GitHub public. L'idée est simple : construire un site ensemble. Pour faire bouger les choses.

Nous allons hacker les offres d'emplois Urgent recherche stagiaire pour assainir le secteur, en mettant hors-jeu les employeurs prédateurs. C'est un hack social, économique, moral, politique, pour contrer un très mauvais hack économique.

Je vous incite à y participer, je ne tiens qu'un rôle de modérateur. Après tout, le Web est notre métier.

J'espère que mon hack social aidera à assainir ces pratiques. On en discutera à Paris Web.

To be continued

Bon alors, la bleusaille et les chefs de service peuvent s'outrer dessous. Promis, on leur donnera de l'expérience. ↓