Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 24 Juin 2006.

La Révolution Culturelle n'est plus aussi taboue en Chine que dans les années 1980s. La jeune génération actuelle se pose des questions sur comment la Chine qui n'était pas dans une période favorable a pu retomber dans une folie pareille qui a manqué de mettre la puissance jaune à genoux. Cette BD, qui est l'adaptation d'un roman de Wang Shuo, le montre. Un film a aussi été tiré de cette histoire : « Des jours éblouissants » de Jiang Wen, mais qui n'a jamais été exploité en France, tout au plus montré en festivals. Il est pourtant considéré comme un film exceptionnel.
C'est l'histoire de Xia Jung, un jeune garçon en 1969, fils d'un commissaire politique. Un père absent, parti en croisade dans les provinces de la Chine Communiste, en bon ayatollah lancé par le Grand Timonier contre les élites, quelles qu'elles soient. Sans l'autorité de son père, il échappe quelque peu à sa mère assez stricte. Il tourne avec un petit clan, il apprend à faire des passe-partout et en profite pour rentrer clandestinement chez les gens en leur absence. C'est justement pendant une de ses errances qu'il va tomber amoureux d'une fille, Mi Lan. En découvrant sa photo dans sa chambre en son absence. Encore une fois. Et c'est la construction de cette relation amoureuse toute platonique que l'on suit. Comment Xia Jung va-t-il faire pour aborder cette fille et lui dire qu'il est amoureux d'elle depuis qu'il est entré par effraction dans son appartement.

Ce n'est pas que cette relation tout à fait fantomatique que suit avec patience le lecteur occidental, c'est aussi la formation de ces bandes qui tiennent plus de la bande de copain plutôt que de la petite délinquance, terrorisés par une autorité complètement débridée... pardon ... je veux dire en fait que l'endoctrinement de masse pendant la Révolution Culturelle est tout à fait palpable dans l'histoire, avec des polices, des patrouilles militaires, de vigilants, et autres patrouilles citoyennes de voisinage. Le simple fait pour une fille d'avoir les lèvres trop rouge fait qu'on la soupçonne d'avoir l'indécence de s'être mis du rouge-à-lèvres et donc de mériter une humiliation publique.
« Le trafiquant de clés » de l'histoire ne fait pas que nous ouvrir des intimités de gens à leur insu, il nous ouvre justement le quotidien d'un vaste pays pendant une décennie particulièrement troublée. Et cela montre bien justement la révolution qu'a dû faire le Parti unique au pouvoir pour passer du Communisme brutal à un capitalisme tout aussi sauvage.