Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 6 Janvier 2007.

En 1671, le Roi Soleil, Louis XIV, ne s'intéresse pas encore suffisamment au rayonnement du Royaume de France hors d'Europe. Pratiquement pas de comptoirs commerçants, peu de colonies, et un roi désintéressé de ces choses laissaient le champ libre aux navres marchants Portugais et Hollandais. Dans l'espoir d'y intéresser le roi, son ministre Colbert, en plus de doper les constructions navales et l'économie, envoie régulièrement des expéditions scientifiques.

C'est dans ce contexte que les protagonistes de l'histoire, le marquis de Dunan et l'apprenti empailleur Jean capturent les grands animaux de l'Afrique Noire. Le marquis a une vision d'un grand zoo exotique qu'il offrirait au Roi pour se faire bien voir, et qui trouverait naturellement sa place dans le grand château de Versailles. Quant à Jean, il a repris les métiers de son père, mort dans l'espoir de percer le secret de Palerme, la recette pour obtenir des animaux “naturalisés” qui tiennent avec le temps. Et s'il a suivi le Marquis en Afrique, c'est pour dessiner les animaux dans leur milieu naturel.
Un superbe duo de Candides qui sillonne les vastes terres tribales, se présentant devant chaque roi d'une tribu comme ambassadeur du Roi de France. Quelque chose d'aussi décalé que de porter une perruque poudrée dans la chaleur et la moiteur des journées africaines. Et des nuits aussi. Parce que figurez-vous que le Marquis a donné beaucoup de plaisir aux dames Soulas, deux dames de très bonne compagnie. Ce qui a eu le don de mettre dans une rage noire et meurtrière le gouverneur de la Colonie. C'est ainsi que le Marquis de Dunan, qui d'habitude met les animaux sauvages sur son tableau de chasse, est poursuivi par une sorte de bête furieuse, prompte à manier le pistolet et le couteau, avec lequel il compte faire des parties du Marquis indélicat, un trophée empaillé à sa convenance. Je cite : «lui arracher la tête, lui couper la queue et les boules avec ». La civilisation a un raffinement que les guerres tribales des nègres n'ont rien à envier.

Jean, lui, narre dans son journal ce drôle de safari, entre deux esquisses. Et ne peux chasser de son esprit cette négresse qu'il a rencontré, Cauris, aux formes généreuses. Une païenne, soit, de couleur d'ébène, mais qui lui a ouvert les portes de son cœur. Et qui connaîtrait le secret du peuple des Endormis.

Servi par des couleurs chaudes, le dessin caricatural de Tronchet arrive a donner une présence étonnante aux steppes de l'Afrique. Le scénario de Frédéric Richaud est un vrai bonheur à lire, divertissant. La supposée naïveté nègre, la cruauté des blancs... On croirait lire du Montaigne.


Oui, dans cette chronique, je me la pète un peu. Mais si une radio pour jeunes d'initiative privée et à but non-lucratif ne le fait pas, il ne faut pas attendre des radios commerciales pour jeunes, ni de la radio public pour jeunes qu'elles profitent d'une chronique de bande-dessinée pour tenter d'élever un peu de débat. On aura tout vu.