Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 20 Mars 2010.
Arrivé en Argentine pour une tournée prestigieuse, Duke Elligton demande à un journaliste « Où est Oscar ? ». On est en 1968 et pour tout le monde, Oscar Alemán est un illustre inconnu, qui vit dans la misère, une petite chambre meublée. Mais quand ce petit homme insignifiant rencontre le prestigieux musicien, le Duke lui montre un profond respect et une vraie amitié. Et l'Argentine redécouvre un génie musical qu'il avait totalement ignoré pendant 30 ans.
Il est né dans la misère, il est mort dans la misère. Pourtant ses admirateurs furent prestigieux : Louis Armstrong aurait improvisé en étant dans le public, Joséphine Baker aurait refusé de le laisser partir en tournée avec Duke Elligton, et Django Reinhardt a appris bien des trucs grâce à lui ...
Oscar Alemán est redevenu inconnu, et pourtant il a littéralement fait exploser le jazz. Son histoire est touchante, et il n'avait aucune raison de sourire tous les jours, mais il tenait tant à vivre que sa musique se devait de transpirer la joie. Maître des guitares à bois, guitares métalliques, de l'ukulele, des percussions, il ajoute en plus à son excellente maitrise technique la joie et le délire d'un vrai showman : capable de jouer de la guitare dans son dos, trente ans avant Jimi Hendrix, de plaisanter indifféremment en Français, Anglais, Espagnol et Portugais, orchestrant des jeux vocaux avec son orchestre, revisitant de manière irrévérencieuse et rafraîchissante des standards comme « Bésame mucho ». Dans les années 1930s, le Tout-Paris se pressait à ses concerts et aucun artiste international ne pouvait y faire escale sans passer le voir. Puis fut l'Occupation, et la Capitale des Lumières devint franchement malsaine pour un Noir Argentin, son exil vers l'Amérique du Sud sera le retour vers l'ombre.
Gani Jakupi nous fait découvrir un très grand du jazz complètement ignoré même des spécialistes du genre. Lui même à la fois auteur de bd et directeur d'une excellente série de disques « Music collection » chez DiscMedi, c'est par ce médium qui a décidé de nous faire redécouvrir ce génie oublié.
C'est un bouquin qui est sorti y'a un an, que j'ai totalement loupé, mais il n'est pas trop tard. À noter que plus récemment, Jakupi a adapté son propre roman « Jour de grâce », avec Marc N'Guessan au dessin chez Dupuis. Donc pour le coup, merci à Solarus qui a tenté l'impensable : m'offrir une bd.