Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 31 Juillet 2010.
Mashiro est un collégien, qui sait d'emblée quelle sera sa place en tant qu'adulte : S'il n'est pas trop mauvais en cours, il pourra entrer dans un lycée public pas trop mal réputé, faire des études courtes en fac, et aura un emploi à vie de salarié écrasé par sa hiérarchie. À 14 ans, c'est peut-être encore un peu tôt pour faire une croix sur tous ses rêves.
Comme par exemple le fait qu'il aie gagné des concours de dessins, qu'il soit secrètement amoureux de la belle et très discrète Azuki. Oui mais voilà, son double secret sera éventé le jour où il oubliera un cahier en classe avec un dessin de sa muse, lequel sera trouvé par Takagi, élève brillant en classe, très bien noté. En fait, lui aussi a un rêve : devenir mangaka. Il sait écrire des histoires, mais il cherchait justement un dessinateur. Takagi est prêt à partager le secret de Mashiro s'il fait équipe avec lui en tant que dessinateur. Le collégien n'est pas très chaud car il connaît les sacrifices imposé par le métier de mangaka : son oncle en était un, publié dans le Shōnen Jump (plus gros tirage pour un magazine bd au monde) et eu même une adaptation en série télévisée. Mashiro n'a d'ailleurs jamais crû à la thèse officielle, que son oncle est mort par karoshi. Pour lui, il s'est suicidé, n'ayant jamais renoué avec le succès depuis la fin de son manga à gags et complètement criblé de dettes.
Takagi va néanmoins motiver Mashiro au point qu'il va lui faire découvrir que le rêve d'Azuki est de devenir doubleuse de dessins-animés. Elle est même régulièrement remarquée dans un casting. Mashiro va déclarer sa flamme à Azuki et ils vont se faire une promesse : ils sortiront ensemble si leurs rêves se réalisent. Avant leur majorité...
Ce sera le début d'un long apprentissage. Mashiro va devoir expliquer le processus créatif, apprendre à maîtriser les plumes techniques et Takagi va devoir à la fois comprendre comment faire un nemu (un script découpé et esquissé) et aussi soutenir scolairement Mashito car si leurs notes sont trop disparates, les deux associés seront dans les lycées différents à la rentrée.
Le pari ? Présenter assez vite une BD, en visant soit le prix Tezuka (qui récompense tous les mois des auteurs prometteurs), soit une prépublication.
Comment deux collégiens vont-il entrer dans ce cercle fermé ? Celui des auteurs de manga qui non seulement arrivent à être publiés dans les revues prestigieuses telles que Shōnen Jump, mais en plus à en vivre. À en bosser jour et nuit, au risque que les notes en pâtissent, de se retrouver dans un mauvais lycée, et donc de flinguer sa vie d'adulte...
Bon, on échappe ni au cliché de la rivalité entre collégiens, celui de l'entraînement, la perte de motivation, du combat et des maîtres. Et surtout, Mashiro et Takagi réaliseront le rêve de n'importe quel lycéen Japonais : avoir son appartement pour soi. Les parents de Mashiro, dégoûtés de n'avoir pu faire vivre leurs propres rêves donneront les clés du studio de dessin de l'oncle disparu.
Mais ces clichés entrent totalement dans la narration, on est happés dans l'intrigue et surtout la découverte intime de ce métier de titan, souvent rabaissé dans la société civile japonaise.
Malgré tout, leur première rencontre avec un très gros éditeur sera l'occasion d'encouragements. D'autant plus surprenant que les deux ados ont finalement commencé à s'exercer que depuis très très peu de temps. Feraient-ils partie des très rares élus hyperdoués ? Et ont-ils la chance d'avoir un bon éditeur en face d'eux ?
Il y a une énorme différence entre la bd franco-belge et la japonaise. Le manga japonais a encore les revues de prépublication particulièrement populaires, les auteurs doivent produire chacun plus d'une dizaine de page par semaine, les lecteurs notent les séries qu'ils aiment, et pour les autres, c'est très vite le chômage. Bref, la compétition y est encore plus intense car le public peut en une semaine assassiner une carrière.
On est d'autant plus surpris par cette série qui concerne le métier de dessinateur qu'elle a été créée par les auteurs de « Death Note ». Série à très gros succès, mais relativement courte.
C'est aussi une bonne initiation à la lecture critique d'une BD : En quoi un texte se justifie-t-il, comment on travaille techniquement avec les différentes plumes pour le N&B, comment choisir un scénario, les protagonistes...
Même pour des spécialistes, il y a nombre d'infos vraiment pas à négliger dans cette série. Par exemple, si on se doutait que certains projets intéressent les éditeurs en fonction de leur ligne éditoriale, on découvre qu'il existe aussi des stratégies pour gagner un lectorat minimal fidèle afin de permettre à la série de perdurer dans le sondage hebdomadaire. Les clichés ne sont pas forcément où nous croyons.
Ça permet aussi de découvrir en Français les fameuses fiches de sondages qu'on trouve dans toutes les grosses revues manga et comment les résultats sont dépouillés.
Si vous aimez le ou la manga, si vous souhaitez découvrir le métier de dessinateur, et même si vous êtes plus comics, plus bd indépendante voir bd Franco-Belge classique, cette série ne va pas vous quitter comme ça.
À noter que Kana ressort « Death Note » dans une « Black edition ». Une couverture noire, et les tranches des pages noires. Joli , de saison, et idéal pour se faire une place dans le métro.
4 réactions
1 De Mitch 74 - 01/09/2010, 22:30
Acheté. Dévoré. Les deux. Si ce n'est pas hyperréaliste (il y a du gros baston bien convenu qui se profile à l'horizon et les personnages comme l'intrigue sont à la limite du vraisemblable), ça fourmille de détails croustillants qui sentent leur vécu.
Deus Ex Machina travaille à plein dans cette série (y'a du relent de Final Fantasy 8 avec l'héritage d'une histoire d'amour, par exemple) et on peut déjà tracer l'histoire des deux prochains tomes tellement c'est entendu, mais ça sent plus le prétexte pour pouvoir exposer la vie d'un mangaka en hyper-accéléré sans prise de raccourci - tout en restant présent dans les sondages - et ça n'est pas sans désavantage: on a dans la mếme série :
- un docu-fiction
- et plusieurs histoires complètes en hyperrésumé ('faut bien que les mangakas en herbe aient de quoi raconter).
Donc, ça se mange. Et c'est bien dessiné, bien raconté, amusant, sérieux, un peu palpitant aussi... Mais complètement différent.
A lire comme le penchant 'pro' de Genshiken, peut-être.
2 De da scritch net works - 24/09/2010, 22:24
« Bakuman #3 »
Suicide pour des mangaka à succès : Tsugumi Ohba et Takeshi Obata donnent des conseils à ceux qui vont les démonter de la tête du top lecteurs... Traduction Francophone chez Kana....
3 De da scritch net works - 07/01/2011, 17:53
« Bakuman #4 »
Écrire un manga mainstream, leçons camouflés en dramatique par Tsuguni Obha et Takeshi Obata. Traduction Francophone chez Kana....
4 De Gaël Poupard - 20/05/2014, 19:08
3 ans après, le tome 18 est sorti en France :)
Une chose à rajouter concernant les mangakas, Death Note n’était pas un coup d’essai. Takeshi Obata avait notamment travaillé sur Hikaru No Go, qui est à mon sens un des meilleurs mangas tout public des deux dernières décennies.
Mais la plupart des lecteurs ont préféré Death Note…