Chaque année fin janvier, c'est le festival de la bande-dessinée à Angoulême. Une foule immense, beaucoup beaucoup de choses à voir, et en tant qu'accrédités, des professionnels à rencontrer : des auteurs, des attachés de presses, des éditeurs, des amateurs éclairés, des libraires, d'autres journalistes, des universitaires, des fanzinistes, des galeristes, des essayistes, des politiques, des organisateurs de salons et de festivals, des muséographes…

Ces gens-là, nous ne les voyons que 4 jours par an, et pour ma part, depuis 16 ans. Le reste du temps, on entend parler d'eux par e-mails, les livres, les communiqués, parfois on se rencontre fortuitement. Mais tous les ans, nous avons vraiment du plaisir à nous rencontrer. On a plaisir à se retrouver, à présenter à d'autres personnes, on prend les nouvelles des absents, on discute de l'actu du secteur qu'elle soit culturelle ou économique. Des discussions qui parfois se terminent fort tard. Thomas a cette expression qui résume cette relation : Ce sont « des amis de 5 minutes [par an] ».

Pour certains, c'est leur travail, et pour d'autres, une passion. Finalement, nous ne connaissons que fort imparfaitement. Et on ignore qu'eux aussi ont une famille, n'ont pas tous les jours des moments faciles…

couverture de l'album C'est le cas d'un de nos amis qui participe à ActuaBD, Nicolas Depraeter.
Fin Novembre dernier, après une longue absence d'une année, il transmet une chronique d'un album, co-signé par Grant Morrison et Sean Murphy, « Joe l’aventure intérieure », publié en France chez Urban Comics. On oublie que si les BD racontent des histoires, si elles ont pour vocation de nous distraire, de nous faire voyager, de nous informer, elles peuvent aussi être le vecteur d'une émotion très forte.

L'article de Nicolas sur cet album est poignant. Ce livre raconte le délire d'un ado, en pleine crise de diabète. Et en le lisant, Nicolas a eu une émotion immense. Dans sa chronique il raconte publiquement, à une immense foule d'inconnus, pourquoi il n'avait rien écrit en un an, pourquoi il n'était pas au dernier rendez-vous des amis de cinq minutes. Et pourquoi ce livre l'a incité à reprendre le clavier :

Son frère Sébastien a été emporté une année auparavant suite à un diabète très important. À l'âge de 25 ans. Et Nicolas, en lisant la description des crises de délire, y revoyait son grand-frère partir.

Chaque année, nous avons un immense plaisir de retrouver nos amis de 5 ans. Cette fois-ci, je ne pourrais « être des vôtres ». Mais si nous avons une passion commune, la bande-dessinée, et cette passion nous fait oublier un destin parfois morose. C'est cette joie de se retrouver qui fait du Festival d'Angoulême un moment qui nous est précieux.