Lu en direct et en public dans l'Hallucinarium FMR du 01/10/2014 à La Serre.
Réalisation : Eugène Lawn et Philippe Pitet.

Ma chronique est à 1h 47mn 39sec

Bonjour, enfant du futur immédiat, toi qui nous écouteras dans 35 secondes, le temps que le pc d'Eugène encode depuis La Serre et que les trames fassent des ricochets jusqu'à notre émetteur FM…

Oui, aujourd'hui, nous sommes en extérieur depuis Le Multiple/La Serre/Artilect, un espace de co-working et fablab que j'affectionne beaucoup. Parce qu'ici, les idées fusent, les projets se griffonnent, les imprimantes prototypent à tour de bras-robot et on a pas peur de casser, de se planter et de recommencer.

Nous y sommes dans le cadre de la journée Citoyen maker et Innovation Sociale & Sociétale. Comme dirait Mulder, I want to believe. Et pour cause.

En France, nous avons un malheur. Les grandes entreprises, les DRH, les banques, et bien d'autres personnes respectables confortablement assises croient dûr comme fer qu'il faille un permis pour innover. Oui, que la bonne idée ne vient pas forcément parce que vous êtes smart mais parce que vous êtes diplômés.

Récemment, j'étais en recherche d'un nouveau poste dans le web, les DRH me méprisaient car je n'avais aucun diplôme concernant internet. Moi qui ai eu mon bac depuis plus de 20 ans… Pour mémoire, 2014 moins 20 égal 1994 soit l'année de sortie de Netscape Navigator, le premier navigateur web facilement installable. Et l'année suivante fut donné le premier cours sur le web par Michel Buffat, que je salue bien bas.
En fait, si je n'ai pas de diplôme, ce n'est pas faute d'avoir suivi des études, mais parce qu'un employeur m'avait remarqué et avait besoin de moi dans l'immédiat pour mes talents et ce que j'étais capable d'assimiler comme compétences au plus vite. Et cette reconnaissance là est bien meilleure qu'un diplôme. Pour la petite histoire, c'est chez cet employeur, Radio <FMR>, que j'ai fait mes premières pages web.

Le plus hallucinant m'est arrivé récemment quand un cabinet DRH Français m'a regardé de très haut en constatant mon absence de diplômes post-bac. Ils m'appelaient pour un poste basé en région Parisienne et après coup me proposèrent un salaire très inférieur à celui que ce que je gagnais ici. Quelques heures plus tard, un autre cabinet de recrutement, londonien celui-là, m'a appelé pour exactement le même poste dans la même entreprise au même endroit, sauf que eux, ils sont venus me chercher pour mes compétences et l'absence de diplômes spécifiques ne les gênaient pas outre-mesure. Même la proposition salariale était mieux valorisée. Cette différence hallucinante de comportement, je l'ai vécue 2 fois cette année. Pas étonnant qu'on trouve plein de compatriotes à Londres ou à San Francisco.

Récemment, des amis ont monté leur structure, leur projet. Ils ont fait le tour des banques qui ont regardé la première page du dossier et ces messieurs de la bancassurance ont dit non. Au moindre doute, c'est un non définitif. Leur malheur était que leur idée était sorti d'un garage et pas d'une très grosse boîte.
Croyant malgré tout avoir une chance, ils sont passés par le crowdfunding. Et là, c'est marrant, mais ils ont rapidement levé les fonds qu'ils avaient besoin pour se lancer, des centaines de gens leur ont dit oui. Or l'an dernier, le crowdfunding était attaqué par le gouvernement, sûrement coupable de pédopornographie jihadiste. Il était hors de question de laisser les particuliers investir comme ça dans des projets novateurs, qu'ils risquent leur épargne, qu'ils prêtent à de belles idées. Bien sûr, puisqu'en France, pour se financer, seuls les banques doivent avoir le pouvoir de dire oui.

Pour en rajouter une couche sur nos élites françaises, je vais aussi vous parler de la toute dernière innovation (kof kof, désolé, cette toux) pondue par un comité auprès du Premier Ministre, à savoir la Commission générale de terminologie et de néologie. Cette grosse commission a l'art de nommer un cheval un âne. Ainsi, ils croient que software se traduit en logiciel. C'est inexact : Un software, en anglais désigne un logiciel informatique, certes. Mais il désigne aussi un roman, une émission radio, une série tv, les trames internet,…
Bref, la traduction française est bien souvent tellement incomplète qu'elle en est très réductrice et qu'elle bride les idées.

Figurez-vous que ces capillotracteurs patentés ont décidé le mois dernier de mettre fin à l'usage imbu du terme backoffice, forcément horrible puisque anglophone. backoffice est élégemment traduit depuis des années en console d'administration ou en interface de gestion. Figurez-vous que ces haut-fonctionnaires xyloglotteurs, faisant fi de l'usage et du bon-sens commun, ont décrété que la traduction officielle sera arrière-guichet.
Dans leur novlangue patenté et d'usage officielle, me voici donc logicien architecte en arrière-guichet. À l'oreille ça fait immédiatement plus poussiéreux, moins innovant,… has-been.

L'allergie de nos grosses têtes à l'Anglais me fait rappeler que nous fûmes l'unique pays au Concours Eurovision de la Chanson à ne pas avoir chanté en Anglais, avec le résultat que l'on sait : nous terminâmes derniers.

Ces hauts-fonctionnaires anglophonophobes perdent leur temps et l'argent public à plomber notre langage au lieu de chercher à résoudre le chômage et à protéger nos libertés. Mais voilà, George Orwell ne pensait pas que son « 1984 » deviendrait un jour un manuel à l'ENA.

Bref, ne faites pas confiance en nos élites Frrrrraaaançaises. Sorties de leurs chers études et des ronds de cuirs sous les Ors de la République, elles ne comprennent rien. À voir où en est la Frrrrrance en 40 ans de leur gestion éclairée, il est peut être temps de se passer de leur avis. Et croyez-moi qu'il m'en coûte de me foutre à poil comme ça et de montrer fièrement mon pubis ultra-libéral, mais je crois en vous !
Alors plutôt que vous morfondre parce que rien ne bouge, venez dans les espaces de co-working, dans les fablab, dans les hackerspaces. Venez rencontrer des gens, venez parler de vos idées, venez apprendre, venez bricoler, venez essayer.

Citoyens audilecteurs, enfants du futur immédiat, imaginez, partagez, créez, innovez, l'intelligence n'a pas besoin de diplômes pour se révéler.