Mise à jour, 2010
Si vous trouvez ce sujet passionnant, je vous recommande de lire aussi ma suite d'articles « La psychanalyse du clavier ».

C'est dans un article pointé par Slashdot, le site le plus connu de la communauté geek. Un article forcément polémique, puisque le but est de déclencher un torrent de réaction dans le forum. Paul Tyma, l'auteur de ce brûlot, est un programmeur qui a l'habitude d'utiliser un vieil éditeur de texte créé dans les années 1970 : Emacs. Un tenant de la bonne vieille école traditionaliste. Moi, c'est plutôt vi, qui est encore plus primitif. Dans les deux cas, la souris est complètement inutile. Alors évidemment, l'article le clame haut et fort, le clavier est largement plus rapide que la souris. Peut-être, mais nous sommes dans l'ère de l'environnement graphique depuis plus de 20 ans, donc cette idée semble archaïque. Ce n'est pas exactement mon opinion : Je pense plutôt que la souris est l'outil central des environnements fenêtrés les plus courants. Une grossière erreur d'interface quand on est dans un environnement de saisie clavier intensive, aussi bien pour le secrétariat, la programmation ou la gestion de données.

Basiquement, la souris est un instrument qui sert à positionner un pointeur à l'écran. C'est comme ça que le Xerox Park l'a conçue dans les années 1970s. Elle n'est pas la seule à assumer cette fonction, mais elle est plus répandue que ses confrères/consœurs : la tablette graphique, le touchpad, l'écran tactile, le joystick (oui, le pink point des portables IBM des années 1990), le trackball.

Hélas, ces instruments sont incroyablement peu précis. Le temps de les saisir, de bouger le curseur pour le repérer, de reprendre une position, d'arriver sur la zone et précisément sur la position souhaitée, le mouvement qui est censé être intuitif a du mal à aller aussi vite que l'œil. Et même que ce bon vieux clavier. Les graphistes vous le diront : en terme de précision, elle aura beau prendre beaucoup de place sur le bureau et être plutôt chère, la tablette graphique bat la souris en précision. Car le problème du rongeur de plastique, c'est sa prise en main et son positionnement relatif. Soit vous l'avez en continu sous la main, soit vous reprenez du temps pour la saisir. Souvent à tâtons, il faut retrouver où est l'engin à côté du clavier. Si vous avez un pavé tactile, c'est carrément un jeu d'arcade. Bref, les instruments de pointage sont dans leur immense majorité grossiers, ne pouvant rivaliser avec le clavier en terme de précision. Quand on passe plus de temps à écrire du texte (ou pisser du code, à votre goût), qu'à arranger votre espace virtuel ou dessiner, on apprend très vite à n'utiliser la souris que pour les actions qui demandent une précision vague.

Or les interfaces graphiques sont rarement pensées pour ça. Exercice simple : essayez de déplacer très vite la fenêtre de votre navigateur. La plupart du temps, vous devez monter la souris sur la barre de titre, la “saisir” entre les icônes, et enfin la glisser.
Sous X Window, je me ne pose pas la question : je me mets sur la fenêtre, n'importe où, j'appuie sur la touche [Alt] en cliquant gauche et je déplace la souris. Un gain énorme de temps en oubliant une quelconque précision pour attraper la fenêtre : n'importe quelle zone de la fenêtre suffit.
C'est pour ça que la molette de défilement a eu tant de succès : L'absence d'un besoin impérieux de précision.

Avec Enlightenment, j'ai aussi la possibilité de redimensionner une fenêtre à la même allure. Sous Microsoft Windows, je dois saisir un bord de la fenêtre, ou son angle inférieur gauche. Dans le réglage par défaut, le bord fait 4 pixels de large. Sous E, c'est [Alt] et clic du milieu, de n'importe où sur la fenêtre. En fait, dans la plupart des gestionnaires de fenêtre en X Window, quand le modifieur est activé, vous redimensionnez par rapport au centre de la fenêtre saisie. C'est incroyablement intuitif et rapide. Ça permet aussi d'agrandir et/ou de déplacer une fenêtre au-delà de l'écran visible. Ceux qui ont goûté une fois aux joies d'un espace plus grand que l'écran affiché en connaissent l'intérêt : ne pas avoir à recalculer une fenêtre pendant le défilement de son contenu. C'est un peu trivial vu la puissance qu'ont désormais les ordinateurs familiaux, mais c'était un plus incroyable.

Pour moi, utiliser Microsoft Windows est une énorme galère car justement, il demande une précision inutile pour des actions triviales, avec un outil de pointage qui justement en manque sérieusement si vous utilisez plus souvent votre clavier. Et la plupart d'actions basiques comme réduire une fenêtre ou la maximiser n'ont pas de raccourci clavier (sinon via la touche de menu contextuelle, ce qui, en soit, est un comble). Oubli supplémentaire dans l'environnement de Microsoft, on ne peut réduire une fenêtre à la barre de titre. Et depuis Microsoft Windows 95, il est impossible de gérer rapidement au clavier l'environnement et donc se passer de souris. La génération d'avant (3.11 compris) au moins, avant cette possibilité.
Il existe un gestionnaire X-Window appelé RatPoison, car il rend inutile la souris. Son astuce étant d'empêcher que les fenêtres puissent se couvrir. Très utile pour créer une borne publique, mais aussi pour certaines applications.

L'autre souci que j'ai avec Microsoft Windows, c'est l'absence d'une interface terminal sérieuse. Sous Linux (et Mac OSX), il est largement plus rapide d'appeler une action via le clavier, plutôt qu'en cherchant son icône ou son sous-menu. Pourquoi ? À cause de l'auto-complétion. Tapez juste les premières touches d'une action, appuyez sur la touche tabulation, puis les premières lettres du fichier affecté, encore Tab,.... La première fois que j'ai eu affaire à ce système avec mon Amiga, j'ai trouvé ça incroyablement pratique. Et on le retrouve ailleurs : La fenêtre de fichier dans l'environnement KDE possède une saisie intuitive largement plus pratique que Microsoft Windows, qui permet d'écrire les premières lettres d'une arborescence de n'importe quel répertoire de départ, quasiment en aveugle. Dans mes Linuces, j'ai toujours une touche “terminal” qui permet ainsi des raccourcis assez agréable, et qui permet de bénéficier d'un très puissant langage de script. Sous Mac OSX, il y a un utilitaire bluffant, Lauchbar, dans la lignée du Google Suggest. Lui aussi démontre que le clavier fera toujours plus rapide que la souris. Microsoft peut se rhabiller avec son minable CMD, et c'est ce qu'ils vont pudiquement faire en mettant un nouveau terminal dans Longhorn (enfin... on sait pas trop ce qu'il restera dans ce système au rabais).

C'est pour ça que j'utilise Enlightenment DR16. Graphiquement, il est superbe, très réactif, dépouillé, conçu par un graphiste habitué aux raccourcis clavier qui n'a pas eu à se soucier du grand public. Il est donc bourré d'astuces du même acabit : [Ctrl]+[Alt]+[R] pour réduire une fenêtre, déplacer une fenêtre de la boite de miniatures vers l'écran courant, e16keyedit,... plus la fluidité que Gnome et KDE ne peuvent avoir à moins d'avoir une machine récente. J'attends avec forte impatience la DR17 qui en plus s'adresse au plus près du matériel pour palier au souci actuel de X-Window, l'accumulation de couches logicielles ralentisssant les environnements. Bon, on l'attend depuis 2000, mais ce que j'ai pu tester laisse rêveur.

Ce problème de gestion ergonomique dépasse du cadre du bureau. Actuellement, sur la plupart des téléphones ayant une “croix de navigation”, quand on navigue sur un site wap ou i-mode, nous avons une navigation verticale. C'est à dire que pour passer d'un lien à un autre, il faut utiliser les touches haut et bas, celles de gauche et de droite étant pour la navigation historique (pages précédentes et suivantes). Ce qui devient un problème, notamment pour certains sites s'obstinant à utiliser de vastes tableaux horizontaux, et pour les téléphones modernes qui sont capables d'afficher un site "web". À moins de mettre un joystick, comme pour le Nec 900iG (c'est un i-mode FoMa. Si vous le trouvez, bonne pioche : il est “international”, fonctionnant en GSM, et une bonne partie des menus en Anglais. En mains, il est excellent), la navigation est souvent galère car il faut appuyer longtemps avant d'atteindre le paragraphe suivant. Mais ça bouge : Le projet Minimo, portant le navigateur Mozilla/Firefox pour les téléphones et les PDA, propose une réelle navigation 2D, les touches gauche et droite permettant aussi de se déplacer dans la page, en cherchant les liens. Cela semble anodin, mais demande un énorme travail pour obtenir ce résultat. J'attends ça avec impatience dans ma poche. Et je suis pas le seul puisque Nokia est sponsort.

En attendant, la technologie moderne a supprimé l'un des facteurs d'imprécision de la souris informatique : Avec l'infrarouge, fini ces p*ns de poussières qui encrassaient les rouleaux.