Les petits bonheurs d'IN`DIGEST

« La Caste des Méta-barons »

#1 : « Othon le Trisaïeul »
#2 : « Honorata la Trisaïeule »
#3 : « Aghnar le Brisaïeul »
#4 : « Oda la Bisaïeule »
#5 : « Tête-d'Acier l'Aïeul »
...

Éditions Humanoïdes Associés

Scénariste Alejandro JODOROWSKY
Si Jodorowsky peut être traité de tous les noms comme scénariste, on ne peut que lui reconnaître la créativité. Entre ses films (« la montagne sacrée », « Santa Sangre ») et ses b.d., règnent un je-ne-sais-quoi d'invention et peut-être de folie. Scénariste du « Lama Blanc », « La cathédrale de l'invisible » (avec Boucq, chez Casterman),... il est surtout connu pour l'oeuvre cultissime « L'incal », dessinée par Moebius. Et comme cette série a eu du succès, il existe plusieurs séries dérivées: « John Difool avant l'Incal », les aventures du privé avant la grande Aventure, dessiné par Janjetov, histoire complète en 6 tomes. « Les Technopères », parlant de ces scientifiques-prètres, sous un angle différent de la série, 1 album actuellement du même Janjetov. et la-dite « Caste... ».

Dessinateur Juan GÍMENEZ
D'origine espagnole, on peut qualifier son dessin de divin, et que son esprit voyage par-delà l'Espace. Son sens du détail nous laisse pantois devant ses planches en couleurs directes. Ses autres oeuvres, toutes aussi galactiquement belles, n'ont qu'une morale: Ne faire confiance ni aux espèces intelligentes (« Mutante », « Le quatrième pouvoir »), ni au grand Tout dans lequel se cache des horreurs sans nom (« Espace »).

Cette série dynastique parle des ancêtres du plus puissant guerrier de la galaxie, y consacrant à chacun un album. De ses rites d'auto-mutilation et de succession mortelle mais aussi d'intenses et tragiques histoires d'amour. Une chanson de geste au puissant souffle épique, souffle coupé d'ailleurs par le dessin du quasi-divin Gímenez.

L'histoire se déroule bien après les évènements de « L'Incal ». Deux serviteurs robotiques de la Méta-nef tuent le temps en l'absence de leur maître. Le Méta-Baron a en effet, disparu depuis qu'une étrange apparition, Animah, lui a demandé d'adopter Solune, un bébé. Dans l'attente de son retour, et la solitude du Méta-Bunker, le robot Tonto, témoin direct, raconte l'origine de la Caste. Et comment cette famille exceptionnelle a pu se perpétuer: par des amours passionnés, des quêtes désespérés et une conception bien particulière de l'éducation. Pour succéder à son père et mériter son titre du plus impitoyable guerrier de l'univers connu, l'aspirant-Méta-baron doit le tuer en duel singulier.

La création de la Caste remonte aux amours de l'ancien pirate intergalactique Othon Von Salza avec Edna, baronne de Castaka. Le secret millénaire de l'épyphite éventé, ils subissent plusieurs assauts où mourra Edna. Avec son fils Bari, il doit quitter leur planète reculée. Négociant leurs droits sur cette huile sacrée, leur fortune est faite. Mais suite à une attaque de pirates, Bari trépassera tandis que son père sera castré.
Othon recevra son titre de Méta-Baron (plus haut titre) lors d'un haut fait d'armes, en sauvant le foetus androgyne impérial. Il retrouvera l'amour avec Honorata, prêtresse Shabda-Oud, qui réussira à lui donner un enfant, malgré la castration, perpétuant la caste des Méta-barons Castakas. Par amour, elle enfantera d'un mâle, Aghnar, alors que sa hiérarchie exigeait un hermaphrodite, afin de s'emparer du trône royal. Sa naissance restera discrète, Othon le renie en plus, car le corps d'Aghnar a été contaminé par l'épiphyte. Il sera élevé rudemment par sa mère, son père le reconnaitra au terme d'une cruelle épreuve où Aghnar perdra ses pieds.
Le jour où Honorata doit livrer Aghnar à l'ordre Shabda-Oud, les Castakas se débarrasseront des envoyés, mais Aghnar se retrouvera seul, ses parents ayant péri. Il se réfugiera avec le Méta-bunker, legs de son père après le combat rituel, sur une obscure planète. Il recrutera des singes volants à sa cause contre les nonnes. Il séduira aussi Oda par son combat.
Ils investiront la planète de l'Ordre religeux qu'il massacrera. Mais l'esprit d'Oda en mourra... Honorata, que tous croyaient morte, sauvera le corps à l'insu d'Aghnar. Apprennant que son fils est un inceste mental, Aghnar le décapitera, mais Honorata le sauvera en lui greffant une tête robotique. Écoeuré, l'"heureux" père se déclare mercenaire... Il se vendra au Pthagures, peuple ayant juré la perte de l'Humanité.
Celui qui face à lui, sera le champion de l'Empire sera Tête d'Acier, coaché par Oda/Honorata. Un duel décidera du titre des Méta-Barons et du sort de la Galaxie. Mais Tête d'Acier, malgré le soutien de sa mère vaincra-t-il son père ? Oui, bien sûr... Mais par traîtrise !

Mais parlons d'un projet avorté de Jodo. Années 1970a.d., le grand mystique qu'est Alexandro Jodorowsky fait la rencontre avec « Dune », l'oeuvre fiction lithurgique de Frank Herbert. Illuminé par cette rencontre (et c'est peu dire!), il se décidé à le porter à l'écran. Mais à ce moment, les Majors Hollywoodiennes étaient convaincues qu'aucun film de S.F. ne pourrait égaler « 2001 » (leur vision de la S.F. était "réaliste" à l'époque, la fantasy pas vraiment de leur goût). Pour produire un film au budget supérieur à 10 millions de dollars (de l'époque!), il fallait un homme qui aie confiance en Jodo. C'était Michel Seydoux, déjà producteur de « la montagne sacrée ». Il fallait aussi une équipe totalement révolutionnaire dans la S.F. Jean « Moebius » Giraud qui dessina le story-board (technique très peu utilisée à l'époque) et en fit un chef d'oeuvre qui mériterait d'être publié ; il faut dire qu'il n'était connu que pour les « BlueBerry ». Christopher Foss, célèbre illustrateur anglais de bouquin de S.F., créa des vaisseaux spatiaux absolument superbes ; par la suite, il marquera incontournablement le genre. Il invita H.G. GIGER, l'illustrateur helvétique spécialiste des ambiances morbides... Mais le film capotera pour diverses raisons, une partie de l'équipe se rattrapera plus tard sur « Alien », tandis qu'Hollywood pillera pas mal d'idées pour « Star Wars »... Pour en savoir plus, il existe un numéro spécial de Métal Hurlant (supplément du nº107) sur un projet éminemment plus intéressant que l'« adaptation » de David Lynch.
Pour les curieux, le casting: Brontès (le fils de Jodo) pour Paul Atréides ; Dalí (oui, oui, le peintre!) pour l'Empereur Padishah ; Amanda LEAR pour sa fille Irulan... Musiques de Pink Floyd ! Le sublime story-board de Moebius est toujours la propriété de Camera One.

Mais que retrouve-t-on dans la « Caste » ? D'abord la dimension épique et la tradition. Une généalogie de guerriers absolus, qui peut être très vite mis en parallèle avec « Dune ». Et ensuite la fameuse théorie du "recyclage" qui veut qu'un scénariste essaie de recaser les mêmes idées.
Si on prend la base que Ragnar le trisaïeul est Paul Atréides, sa conception correspond à la description du story-board : une goutte de sang en guise de gamète fécondant l'ovule dans une explosion de prana baignée de lumière bleue ; une union entre le sang d'un père castré et l'ovule d'une vierge. Leto devient Othon le bisaïeul, Jessica devient Honorata la bisaïeule L'empereur et sa planète d'or manipulant/manipulée par sa cour. Le bene gesserit, ordre religieux ultra-féministe guerrier devient les nonnes Shabda-Oud, toujours à la recherche de l'androgyne parfait (Kiswat Adeat) qui reignera sur l'univers.
L'épice a disparue, mais ce qui procure richesse à la première génération des Métabarons est l'épyphite, une substance à poids négatif, d'un coût vertigineux. La tâche de naissance des Castakas redevient un aigle blanc. Quand à la plus surprenante des métamorphoses, c'est celles des Saudaukars, qui seront des singes flottants.

Bon, je vous laisse à la recherche de menus détails, ce ne devrait pas trop être dur, là !

© Xavier MOUTON-DUBOSC
Merci à Cathy de Bédéciné pour la documentation !

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Loi des séries «IN`DIGEST» #138 XI 1998
Web 25 XI 1998
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