Les éditos d'
Émission nº105, diffusée le Dimanche 16 Février 1998.Sujet: Évolution du marché du manga traduit en français ; politique du prix du Livre en Europe.
© Xavier MOUTON-DUBOSC / <FMR> France - Février 1998.
« Le marché bouge, les tendances changent, les modes passent...
Le manga a particulièrement explosé en France à partir de la publication par Glénat d' "Akira", la série culte d'Otomo. Le même éditeur avait lancé dans la le magazine Kaméha en Juillet 1994 en regroupant plusieurs prépublications. Mais le problème de ce magazine fut de parler et de jeux vidéos et d'imports et de films violents, sans trop savoir à quel tranche d'âge il s'adresse. Dans tous les cas, un lecteur de manga laissait bien souvent son cerveau au vestiaire!
Mais désormais, le consommateur manga en a marre des clichés. Kaméha s'arrête ce mois-ci, après une carrière certes un peu courte mais quand même bien remplie. La raison? Peut être est-elle quelque part dans le numéro 5 (Février) de BoDoï, où est interviewé le porte-parole des éditions Tonkam, Dominique VÉRÊT...
Un très bon entretien que je vous conseille de lire si vous ne comprenez toujours pas la déferlante nipponne. Ainsi Dominique rapporte très justement que les éditeurs se sont fiés à des témoignages d'un lectorat très jeune (6-10 ans), mais qui ne s'avéraient pas être fiable à long terme.
Si effectivement n'ont été importés que peu de séries intéressantes, principalement celles à succès, il reste regrettable qu'il y ai eu des bateaux construits trop vites (comme Samouraï, Kraken), ou des éditeurs peu scrupuleux de la qualité des version françaises. Ainsi fustigeons Média systèmes pour des impressions déplorables, Casterman pour des adaptations souvent blamâbles, Glénat pour des traductions de calamiteuses adaptations américaines, J'ai Lu pour surcharger les cases et Tonkam pour des annonces de sorties beaucoup trop fantaisistes. Si ils ont parfois pris les acheteurs pour des veaux, on ne peut renier ce que chacun nous ont apportés: Vampire Miyu, Gon, City Hunter, Gunnm et Amer Béton. Des séries qui disaient strictement rien au moindre libraire, il n'y a que cinq ans. À cette époque, le manga n'était vu que comme un truc niais, bête et violent ; un lieu commun qui bien évidemment existe toujours, mais plus chez les professionnels : les quelques séries cités ont radicalement modifié la vision de l'orient chez ceux qui y ont jeté un oeil.
Le "Club Dorothée" a disparu, sa vision du manga et de l'animation aussi. Le public restant est plus exigeant, demande la même qualité que pour une b.d. franco-belge.
Mais au grand désespoir des éditeurs, les séries suceptibles de toucher les amoureux du 9º Art ne marchent pas. N'est-ce pas sur cette antenne il y a 10 mois que Guy Delcourt s'était mis à RÉVER de publier "Nausicäa de la vallée du vent" ? Après l'émission, des auditeurs fans de Miyasaki planaient...
(Mauvaise nouvelle d'ailleurs, à propos de Miyasaki: le réalisateur de "Porco Rosso", "Mon voison Totoro", des séries "Heidi", "Sherlock Holmes",... décide de se retirer. "Mononoke Hime" ne sera pas distribué en France d'ici 6 mois. OOOOOOUUUUUUIIIIIIIIIiiiiiiiinnn!)
L'autre info intéressante concerne le prix du livre. Depuis 1982, la fameuse loi Lang oblige à vendre un livre récent au prix éditeur. Tout au plus une réduction de 5% est valable. C'est le fameux "prix vert", les cartes de fidélité, et autres remise à la caisse...
L'intérêt d'un prix unique en France quelque soit le lieu de vente fut d'empêcher la disparition des petits libraires face aux supermarchés et aux grands-magasins soient disant culturels (fnac). Une préoccupation qui semble toucher un peu partout en Europe, donner moins de pouvoir aux pieuvres de la grande distribution. Il est vrai qu'en France les supermarchés sont surpuissantts et que la plupart des gens sont persuadés qu'un livre est moins cher à la fneuk que chez le libraire du coin.
Décembre: Le parlement grec a voté une loi qui oblige la vente des livres dans une fourchette de ± 10% au prix éditeur. Un système de prix unique inspiré de la loi Lang, qui va même plus loin car il s'applique aux CD-roms reprenant des extraits de livres, étant de se fait considérés comme substitution de support. (certaines infos sont tirées du Monde des livres, Vendredi 13 II 1998)
Janvier: les bédé-libraires belges se sont regroupés dans une association à l'image de l'A.L.B.D. française. Le but: décider de ne plus se tirer dans les pattes, c'est à dire ne pas dévaluer le livre, l'ouvrage en appliquant des prix trop bas par rapport au prix éditeur. Et bien évidemment, faire pression sur les politiques pour que cela soit codifié en loi, afin de barrer la route aux grandes surfaces qui dévalorisent la b.d.
29-30 Janvier: à Venise, une conférence européenne organisée par les libraires italiens et la fondation Bertelsmann avec plus de deux cents entreprises du secteur ont fait une déclaration en faveur du prix unique. Umberto Eco (écrivain "Le nom de la Rose", "Le pendule de Foucault", universitaire, critique littéraire à L'Expresso) dénonce dans la liberté de prix les risques de suppressions de points de vente, de monopole et donc l'appauvrissement des choix. Il est vrai que ce n'est pas à la Fnac ou à Carrefour que l'on trouve les indépendants!
Mais la Commission Européenne vient justement de casser un accord de prix unique entre l'Allemagne et l'Autriche pour un prix fixe dans la langue allemande. S'agissant d'un accord inter-état dans l'Europe ne concernant pas toute la communauté, il y a effectivement une sorte de protectionnisme. Mais ce qui motive aussi cette décision est que le prix imposé limiterait les nouveaux canaux de distribution (v.p.c., par Internet).
En est-on bien sûr? Si jamais le prix unique devenait loi européenne, comment réagiraient les pays qui ont supprimé cette obligation comme la Suède, la Belgique, la Finlande et la Grande-Bretagne ? Le service et le choix en souffre-t-il ou gagne-t-il à cette guerre ? Et reste-t-il une place pour les petits éditeurs ?
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