Les éditos d'IN`DIGEST

Émission nº146, diffusée le Mardi 12 Janvier 1999.
Sujet : l'affaire Tintin.

© Xavier MOUTON-DUBOSC / <FMR> France - Janvier 1999.

« De Bernard HEUVELMANS, qui fut le conseiller scientifique pour « Objectif Lune » et réel scénariste à Bob DE MOOR, qui alla jusqu'à dessiner des planches quasi-complètes, il est difficile de nier qu'Hergé n'aura pas eu son succès actuel sans ses assistants. Hors ceux-ci sont trop souvent "oubliés" par les héritiers d'Hergé. Font-ils tâche, comme les tintinologues ?
Pour les 70 ans de Tintin, la fondation Hergé et Casterman ré-éditent la toute première aventure de Tintin, «...au pays des Soviets ». Pourquoi ? pour maintenir « l'esprit Tintin », comme le proclame une campagne de publicité dans Libération... Mais quel « esprit Tintin » ?

Comme la série est morte en même temps que son auteur, Hergé refusant qu'elle continue après sa disparition, elle ne peut vivre que par les ré-éditions, et les produits dérivés. Il y a deux ans, nous eûmes droits à une édition fac-similé de la première version couleur de « l'île noire » (1943). Ré-éditer ce fond a un indéniable intérêt documentaire pour les collectionneurs, mais se trouve vite limité. Les opérations commerciales (du type 2 cartes postales dans chaque album) a aussi ses limites : comment convaincre les bédéphiles de renouveler toute leur collection tous les dix ans ???

Or, il existe tout une gamme de produits dérivés, que la fondation Hergé ne semblait pas apprécier jusqu'à si peu. Les monographies, études sur l'univers hergéen et autres semblent effectivement maudits par les époux RODWELL. Nick RODWELL, qui a épousé Fanny RÉMI, la seconde épouse de Georges RÉMI, et qui est donc son exécutrice testamentaire, est plus un marchand d'art qu'un réel amateur de b.d. D'ailleurs il a connu la b.d. par les mises aux enchères de planches. Sa politique au sein de la Fondation Hergé et de Moulinsart S.A. en est plus que contestable. Obtenir la main-mise sur le moindre produit dérivé, exploiter au maximum l'image (parfois au mépris de l'oeuvre), censurer tout livre ne convenant pas à l'image idyllique...

La Moulinsart S.A. s'est même brouillée avec Ellipse/Canal+ (créateur de la dernière série de dessins animés), ce qui a jeté un froid parmi les autres partenaires. Déjà que la personne de Georges REMI, alias Hergé, fut bien trouble pendant l'Occupation de la Belgique par les nazis ; ce trouble est devenu plus qu'opaque quand sa veuve, remariée entre temps avec Nick RODWELL, remis la main sur tous les droits de son défunt mari. En soi-même, cela n'est pas blâmable, mais l'usage de Tintin plus comme une marque que comme un patrimoine culturel a causé plusieurs incidents. La fronde des tintinologues a notamment culminé par une lettre ouverte, il y a 2 ans, pendant Angoulême, intitulée « Contrôle de l'oeuvre ou abus de pouvoir ? », suivi de diverses conférences médiatisées (Le Monde, Libération, TF1,...). Une publicité un peu génante dans ce cas-là. Comme le disait Nick RODWELL à Angoulême en 1998, lors de l'Assemblée Générale de l'A.L.B.D., « il faut reprendre le contrôle de l'image de Tintin ». Gloups !

Mais leur attitude commence à changer. « Tintin chez Jules Vernes » vient de sortir chez Lefrancq après trois ans d'attente, « Tracé Hergé » toujours chez Lefrancq/Standaart ne passera pas devant les tribunaux et « les aventures d'Hergé en b.d. » sortira sans encombres aux éditions du Reporter, dessiné par Stanislas. Reste les séquelles, « le Dupondt sans peine » (Albin Michel/Canal+) d'Albert ALGOUD est sorti illustré par des pastiches, et des tirades sévères pour Moulinsart S.A. Cet ouvrage n'avait pas été « commandé » par RODWELL... Où allons-nous si un auteur ne peut écrire que sur commande ? L'excellente collection "bibliothèque de Moulinsart" n'aura plus aucune nouveauté, son directeur, Benoît PETEERS, en a été dégoutté par ce que vous vous doutez...

Il connait toutes les polémiques actuelles, il est souvent malmené, Tintin n'est peut-être pas aussi universel et intemporel que l'on a pu le croire... mais il serait strictement injuste de nier son impact sur la b.d. actuelle et notre société. Merci M. Hergé.

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