Ce Mercredi après-midi était morose entre deux licences musicales où je me sentais comme un poisson dans le désert (hip-hop hard core et dance sirupeuse). Et mon portable reçu... un coup de fil de Public Sénat. Non, je ne vais pas faire comme Junior Vasquez (qui aurait remixé un message de Madonna sur son répondeur, « If Madonna calls »). Mais bigre ! Que ça fait chic, alors que mon bureau est jumelé avec celui de la chaîne TchaTche.tv. Pauvre collègue qui n'est toujours pas à Cannes...

Pourtant je n'avais pas été tendre envers cette chaîne. D'ailleurs, je crois me souvenir que j'ai été plus violent à l'antenne qu'à l'écrit. Et d'autres le sont encore moins. Mais c'est un programme élitiste, parfois soporifique, soit, mais qui comporte de belle pépites.

Bon, revenons à Vendredi dernier.
Je profitais du pont pour remettre en ordre divers papiers, scotché sur la chaîne Sénat à cause d'un excellent documentaire. Mais voici que celui-ci se coupe brutalement, pour faire place à ... une émission BD, « Un monde de bulles ». Cela fait près de 20 ans qu'aucune émission n'était conçue sur le hertzien. Sur la TNT, soit... mais... la très agréable surprise par hasard, qui m'a fait appelé immédiatement un vieux comparse d'ActuaBD. Mazette ! Et ça n'est que le deuxième numéro...

Bon alors, qu'est-ce qui m'a valu le coup de fil ? Une réponse au mailing de leur attachée de presse à l'ACBD. Faut dire que j'ai un peu sursauté quand Jean-Philippe Lefèvre (?), parlant d'« Un Américain en balade » de Craig Thompson, s'est hasardé dans un résumé de « Blankets » (Prix de la Critique 2005) que le chroniqueur n'avait manifestement pas lu (je ne me souviens pas qu'il était question de maladie de la compagne). À l'ère de Xanadu dispo dans tout bureau, la couffe ne pardonne pas. Surtout avec ce brigand de Vincent Bernière sur le plateau... qui ne cille même pas.

Étant plus journalistes politiques que bd, il leur manquait un poil de bouteille pour risquer l'impro sous le regard scrutateur des critiques. Et pourtant. Loin d'être un opportuniste qui attend les dossiers de presse (une race que j'exècre), ce duo agit comme moi : aller en librairie, attention pas la Fnac ni Virgin mais dans les petites libraires spécialisées, pour se faire conseiller des nouveautés.

« Eh alors ? Recevoir des bouquins gratos, c'est bonnard... » Pas vraiment. En fait, le problème de recevoir spontanément du service de presse, c'est la crainte d'être débordé. Des journalistes spécialisés BD qui font bien leur travail, il n'y en a pas beaucoup. Il y a eu l'explosion des netzines grâce à internet, mais la majorité du public préfère encore les médias conventionnels. Avec près de 2000 nouveautés par an, certifiés par Gilles Ratier (secrétaire de l'ACBD et peut être seule personne en France à presque tout lire), en recevoir ne serait-ce qu'un dixième pour une émission de 10 minutes hebdo deviendrait cornélien. Qui peut résister au coup de fil d'une attachée de presse : « Mais pourquoi tu ne parles pas du dernier × » ? Recevoir des SP entraîne la quasi obligation d'en parler sur son média (en bien ou en mal, mais vu la quantitié, peut-on laisser la place à ce qui ne vous a pas convaincu ?), du moins, si on est honnête et consciencieux.

J'ai connu cet extrême, je m'imposais de chroniquer toutes les BD qui sortaient en librairie. Toutes. Mes émissions “In'Digest” et “Zérø” devinrent du délire pur, 20h de préparation par heure d'antenne. Parmi les derniers In'Digest que je fis, j'expédiais en 2h d'émissions près de 40 sorties par semaine. Thomas pourra témoigner, j'ai encore mes fiches... J'en ai gardé le rythme de lecture effréné qui me fait acheter 15 albums par mois. Plus les romans, revues, doc techniques en tout genres.

Chroniquer de la BD à la télévision... à la différence du roman ou de l'essai, le Neuvième Art est considéré comme trop mauvais genre, populaire, bas de gamme, carrément vulgaire. Quelle erreur. À mon sens, il y a plus à dire en chroniquant une bd qu'un roman et une peinture réunis. Et d'un dessin-animé que d'un film et un roman-feuilleton. Alors même sur une chaîne confidentielle qui doit coûter cher le télespectateur, censée donner le point de vue d'une assemblée d'édiles élus par des hauts-électeurs (ce qui fait une élite intellectuelle et plus âgée que la moyenne), une émission BD est plus qu'improbable que bienvenue. Surtout que ce secteur littéraire est le deuxième en France, et que malgré leurs péchés de jeunesse, l'équipe promet par sa bonne volonté. Des erreurs, j'ai fait vraiment pire, et je n'était pas payé.

J'espère proposer prochainement une interview des journalistes de cette émission sur ActuaBD. Un échange de bons procédés puisqu'ils parleront de ce site dans un prochain numéro.