Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 6 Mai 2006.
Plusieurs changements pour cette série très attendue : Enki Bilal est passé d'un cycle en trois à quatre tomes. Et il a changé d'éditeur. Fini ses 20 années publiées chez les Humanoïdes Associés. Ce n'est pas ça qui importe, mais la très belle qualité de restitution de l'album, dans la ligné des précédents. La « Tétralogie du Monstre » (nom de ce cycle) est un tournant très important dans le travail d'Enki Bilal : Il a conçu son scénario sur plusieurs tomes (à la différence de la « Trilogie Nikopol » qui en fait est une suite de one-shots qu'il a raccroché au premier album) et aussi la méthode graphique, puisque chaque dessin, chaque vignette est une peinture, faite indépendamment, qu'il a assemblé et mise en maquette sur ordinateur.
Qu'on oublie tous ces détails bassement techniques pour s'intéresser à l'histoire ! Le thème très fort reste l'identité en cours de destruction des trois personnages principaux. Notamment de Nike, orphelin né en 1993 dans un hôpital bombardé de Sarajevo, à deux pas de Sniper Alley. Un personnage exceptionnel douée d'une mémoire totale et qui se souvient même de ses premiers jours, où déjà il avait rencontré à quelques pas de son berceau Amir et Leyla, ses frères et sœurs d'infortune.
Mais en 2026, après « le Sommeil du Monstre », le jour du « Trente Deux Décembre », le dément Optus Warhole dupliquait les hommes et s'en servait comme bombes humaines à la cause de sa secte maudite. Warhole s'est mué en Holewar, artiste contemporain non moins cinglé dont la démarche artistique passe par la destruction abrupte et meurtrière. N'empêche que c'est de l'Art qu'on ne peut juger ça devant un tribunal mais uniquement dans les magazines spécialisés.
Face à cette débauche de massacre, le lecteur poursuit comme il peut les trois personnages principaux Nike, Amir et Leyla qui ont fuit la Sibérie et semblent s'être donné rendez-vous à Paris. Sauf que le problème, c'est qu'on ne sait plus si l'on suit les trois protagonistes du début ou un de leurs multiples clones. Déjà qu'ils étaient fortement affectés par leur séjour du 32 Décembre, au gré des duplications leur identité se dilue...
Non, l'important c'est qu'ils ont rendez-vous à Paris et qu'ils devront tout faire pour ne pas se manquer. Et que le périple des trois passe par Belgrade, capitale d'un état oublié de tous, la Yougloslavie... un état dont on a oublié sur quelle idée de race, de langue ou de religion il a pu être formé. Une utopie quoi... Une identité dissoute dans l'Histoire.