Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 9 Décembre 2006.

Quand nous avions reçus Patrick Abry des éditions Xiao Pan sur cette antenne, il nous avait annoncé hors micro un album de Benjamin très noir qu'il n'a pas pu publier en Chine. Une fois lu l'album très coloré, on est bien content d'avoir passé le cap de l'adolescence pour ne pas être contaminé par la dépression communicative de l'histoire.

Tout commence en haut d'un immeuble, une jeune fille, Orange, se prépare à faire le Grand Saut, avec une lettre d'adieu remplis de regrets futiles d'adolescente. Tout se finit quelques mois plus tard par le même suicide, réussi, de Dashu, un jeune homme auto-destructeur, avec la même lettre en mains. Entre les deux, des êtres seuls, rongés par des questions quasi-futiles, des sensibilités à fleur de peau, une vie d'adulte qui s'annonce comme difficile à assumer dans un immense pays schizophrène, mais à l'histoire riche.

Parler de suicide, de mal-être adolescent, de chagrins d'amours, d'une perdition dans l'alcool, les cigarettes et les jeux vidéos de combats, mais aussi de la destruction des maisons du vieux Pékin, du manque de débouchés dans un avenir professionnel peu enthousiasmant, d'une économie furieusement capitaliste. On comprend que les éditeurs de la Grande Chine Communiste, tous établissements d'État, refusèrent ce livre : Il est trop réel.

Une centaines de pages aux couleurs jetées, spontanées, dans une tragédie de dépit amoureux, au final annoncé. Après la claque de Janvier, Benjamin nous montre une fois de plus un talent naturel pour la BD. Mais c'est un artiste qui mérite plus d'être reconnu chez nous que compris par des éditeurs frileux. Les mêmes qu'il avait fustigé dans son premier livre, « Remember ».