Un film de Mel Gibson, avec Rudy Youngblood.

Les membres d'une tribu paisible sont capturés par une communauté Maya se livrant à des sacrifices au sommet d'une pyramide. L'un des captifs s'enfuit et fait l'objet d'une très longue chasse à l'homme.

On attendait beaucoup de ce nouveau film de Mel Gibson, surtout après « La passion du Christ », et pour diverses raisons n'ayant pas grand chose à voir avec le cinéma. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est bien le même réalisateur : depuis « Braveheart », il est clair que Gibson prend son pied à montrer la souffrance, le sanguinolent, et les tortures sur grand écran. Rien ne nous est épargné : crânes défoncés, empalements, éviscérations et plaies ouvertes diverses et variées. Ne reculant devant rien, et n'ayant surtout aucun complexe à se répéter (la scène de torture de William Wallace étant reprise quasiment au plan près dans « Apocalypto »), le réalisateur est obsédé par l'idée Judéo-Chrétienne qu'il faut souffrir le martyr pour s'élever et accéder à une autre dimension (non, le Danois Lars Von Trier n'est pas loin).

La structure de son nouveau film m'a laissé sur ma faim : ma réaction se résumant à "Tout ça pour ça ?" En effet, le scénario maigrichon relève plus du court-métrage (sa tribu écrasée, destiné au sacrifice, le héros fuit, puis bute ses poursuivants), et l'étirer sur 2h15 attire de ce fait l'attention sur les chutes de rythme. J'ai ainsi eu l'impression que Gibson n'était pas arrivé à choisir entre la fresque épique et le film-concept de genre. Car des films dont le scénario tenait sur une face de silex, il y en a eu, à commencer par les McTiernan ou les John Woo. Ces films en question se résumant à des exercices de style, dilatant l'action autour de quelques scènes fortes et réduites. Ici, il est évident qu'il ne s'agit pas complètement de cela. Certes, Gibson choisit d'accorder une place démesurée à une séquence de genre par excellence (la chasse à l'homme), mais après d'interminables scènes où les hommes capturés sont transportés comme du bétail à travers la jungle et les villages. Cette suite de scènes n'est pas dénuée d'intérêt, la partie de la pyramide, par ses rituels sanglants, lentement orchestrés et aux personnages hauts en couleur, et plus tordus les uns que les autres, réussissant au contraire à fasciner par son décalage barbarie intimiste / rituel pompeux dans le même espace. Mais pour que la grande scène de genre (la chasse à l'homme) fonctionne parfaitement, il aurait fallu que le reste du film amène inexorablement le rythme et la tension générale vers ce climax, en s'effaçant le plus possible. Et à trop vouloir jouer sur tous les tableaux, Gibson donne l'impression de livrer un gros nanar de mauvais goût.

L'autre grande déception du film, à mon sens, réside dans le fait que la caméra HD ultra-légère de Panasonic utilisée pour ce tournage ne donne pas le sentiment d'avoir été exploitée au maximum comme, disons, Michael Mann aurait pu le faire. Le décalage est bien sûr présent, car on a rarement vu une fresque historique tournée en DV. Cela renforce l'aspect dépaysant des décors du film et de l'allure des personnages. Mais la manière de filmer est loin d'être révolutionnaire, et le découpage reste au final assez classique. Tout juste obtient-on quelques plans assez saisissants, au détour d'un cauchemar ou d'un gros plan sur des litres de boue masquant le héros.

Autrement dit, dés que le film rentre dans l'abstrait (les esclaves couverts de blanc au pied de la pyramide, les arbres et les feuilles de la forêt, les plaies ouvertes...) « Apocalypto » fait mouche. Mais un trop grand classicisme dans ce qu'il faut bien appeler du réchauffé (l'éclipse, les enfants qui pleurent, le ralenti de certains combats) finit par lasser. Enfin, une mention spéciale pour la qualité de l'interprétation de l'ensemble des comédiens (amateurs), saisissante, hallucinée, habitée, énorme. Pour ma part, « Apocalypto » manque totalement de finesse, et flirte constamment avec le ridicule. On ne peut définitivement pas lui reprocher de ne pas y aller à fond. Vers où, on ne sait pas. Mais à fond, ça c'est sûr.

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