Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 28 Février 2009.
Dans la campagne Anglaise désertée par ses paysans, la bourgeoisie qui s'y installe. Beth Hardiman vit dans une gentilhommière, une de ces grandes fermes, transformées en confortables demeures où les origines paysannes sont plus des marques d'un certain chic qu'une référence avec le travail de la Terre. Le mari de Beth, Nicholas Hardiman, est un écrivain à succès de romans policiers, maintes fois adaptés à la télévision. Beth a une passion dans sa vie : les gens de lettres, les écrivains à qui elle propose en location un de ses 8 studios aménagés dans sa ferme. Elle les nourrit, refait leur lit et tape leurs manuscrits.
Mais pourtant, dans cette jolie campagne Anglaise aux couleurs acidulées, tout n'est pas si rose : Ça n'est pas la première fois que Beth est trompé par Nick, que celui-ci promet en pleurs que cela n'arrivera plus jamais, et que Beth après avoir menacé de le plaquer se laisse attendrir.
Mais l'arrivée de Tamara dans le voisinage, ex-fille du village, mais surtout éditorialiste star des colonnes people d'un journal branché font craindre à Beth que son veau ne change d'herbage. Le démon de Midi frappe à sa porte. Car Tamara est connue pour être une citadine libérée, libertine et assez ouverte.
Et cette jeune femme qui a “réussi” a droit à l'admiration des ados comme Jody, qui elle aussi aimerait partir de ce village qu'elle trouve sinistre, sans aucune distraction ni aucun avenir. Car ce n'est pas parmi ces garçons lourdaux et crétins que Jody se voit fonder une famille.
Les acteurs posés dans cette peinture cherchent l'amour et ne trouve que déceptions et frustrations. Potentiellement, ils sont tous à deux doigts de passer la ligne jaune. Certains le feront sans aucune classe, d'autres trouveront les moyens d'apaiser la situation. Mais on sent que la marmite bout intérieurement.
On est à dix-milles lieues des plaisanteries de théâtre de boulevard. Les personnages ont un vécu, une épaisseur, des motivations, des désillusions. Ce charmant creuset qu'elle la campagne anglaise mélange intimement des composants détonants.
À tout moment, le lecteur s'attend à ce que cette situation de mœurs, cette comédie humaine, ne vire au malheur, et à ce que débarque l'inspecteur Barnaby, qui va débusquer les secrets de tous ces voisins si tranquilles, que l'on voit tous les samedi pour la partie de criquet.
C'est un bouquin très dense. Ce n'est pas vraiment une bande-dessinée, ce n'est pas non plus vraiment un roman. Mais réellement une graphic-novel à la croisée entre les deux. Les parties narratives sont en faites les citations des journaux intimes des protagonistes.
Après « Gemma Bovery », c'est une autre adaptation littéraire dans ce format si particulier de narration que semble affectionner Posy Simmonds : « Loin de la foule déchaînée », un roman de Thomas Hardy. Et cette dessinatrice anglaise est une star, qui illustre les colonnes du quotidien de qualité The Guardian depuis pratiquement 40 ans. Et sa cible favorite, celle des intellectuels bien pensant de gauche, est aussi la principale victime de ses bd que son propre lectorat.
Qui le lui rendent bien en la lisant. Et Posy Simmonds a aussi eu droit aux honneurs, étant décorée Member of the British Empire, et étant aussi sociétaire de la Royal Society of Literature.
Posy Simmonds a reçu le prix de la Critique 2008 pour « Tamara Drewe » lors du Salon Livre à Paris par l'ACBD (dont j'ai le plaisir d'être membre), qu'elle a déjà rencontré à Angoulême en Janvier dernier.