Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 27 Juin 2009.
Li Kunwu est né d'un père commissaire au peuple et d'une mère paysanne. Il appartient à la génération née après la Seconde Guerre Mondiale, à l'émergence de la Grande Chine Communiste menée par Mao Zedong, celle qui a été les forces vives du Grand Bond en Avant, de la Révolution Culturelle. Une jeunesse rythmée par de grands moment d'exaltations entretenus par un culte quasi divin du Président Mao.
Mais c'est aussi une certaine honte du jeune Li Kunwu, celle de découvrir que les parents de son père commissaire au Peuple étaient des propriétaires terriens, des exploiteurs du peuple qui ne sont qu'une race maudite.
De toutes les catastrophes humaines qu'a connu la Chine entre 1950 et 1975, nous avons finalement assez peu de reportages ou de films qui le racontent de l'intérieur alors que plusieurs centaines de millions d'hommes et de femmes en ont été les acteurs enthousiastes, c'est pour ça que ce témoignage est très intéressant.
Car on vit son exaltation à faire alimenter les hauts-fourneaux populaires en métaux et en charbons histoire de produire plus d'acier que l'Angleterre et les États-Unis Impérialistes réunis, à exterminer les animaux nuisibles pour prouver que l'on est un très bon citoyen sans regarder les conséquences environnementales, à combattre les contres-révolutionnaires, tabassant profs, aînés et détruisant tout ce qui pouvait représentait l'ancienne culture décadente.
Sans jamais se remettre en question, quelles que soient les conséquences et avec une énergie débordante et enthousiaste. Et c'est cette énergie-là, le moteur de la Chine Populaire, qui empli le lecteur.
On comprend un peu mieux à la lecture pourquoi le gouvernement actuel de la Chine Communiste, dont les cadres sont de la même génération que Li Kunwu, ne peuvent complètement remettre en question cette période, mais font tout pour la minimiser.
Li Kunwu, qui est un artiste officiel du Parti Communiste Chinois, s'est appliqué à reproduire le style graphique des bande-dessinées de propagande de l'époque. Ôtié est un ami occidental du dessinateur, vivant depuis une dizaine d'année en Chine et l'a aidé à l'écriture du scénario.
Alors graphiquement, il faut arriver à entrer dans ce style qui est à la fois naïf, dense et exalté. Il faut arriver à passer cette barrière qui est volontaire pour découvrir toute la richesse de ce témoignage, celui de la jeunesse d'une Chine qui est désormais dépassé par la course au profit de la génération suivante, mais aussi d'un oubli savamment dosé par le Parti Communiste.
Mais qu'aussi on ne peut se permettre de juger les acteurs de cette époque si on ne les remet pas dans le contexte.
Un trilogie qui s'annonce indispensable pour mieux comprendre la Chine d'aujourd'hui, celle qui a fait table-rase d'une civilisation multi-millénaire.
Ce bouquin est parmi les 5 livres finalistes du prix Asie ACBD 2009