Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 18 Juillet 2009.

« Omniman » est un personnage de comics, un super-héros aux pouvoir quasi-infinis qui défend le genre humain contre des vilains aux pouvoirs tout aussi terrifiants. Mais OmniMan est une fiction dessinée par Ethan Crane. Une fiction un peu inspirée de Suprême, le vrai super-héros qui a acquis ses pouvoirs en étant frappé par une météorite de Supremium, qui contrecarre les plans démoniaques de Darius Dax. Et dont l'identité secrète est celle du dessinateur Ethan Crane !

Évidemment, si je vous ajoute que Suprême a une petite sœur qui elle aussi a des super-pouvoirs et une longue cape rouge, tout comme son chien, vous allez immédiatement penser à un vulgaire plagiat de « Superman », or rien n'est plus faux. L'hommage est appuyé avec une reprise de la fameuse couverture originelle du Detective Comics où était apparu Superman, mais on ne peut parler de plagiat ou d'hommage laborieux pour l'œuvre du talentueux Alan Moore. Et là, au contraire, il a voulu aller au delà de l'héroïsme, l'esthétisme et surtout la naïveté des comics de super-héros. Il le dit lui-même en introduction : il aurait aimé en écrire les histoire en exploitant plein d'idées qui n'ont été que des occasions manquées à l'époque.

En 1968, Suprême avait quitté la Terre, revenant en 1996, il la trouve bien changée dans ce second tome.
Sa copine de l'époque est morte, un scénariste innocent s'est retrouvé enrôlé dans le groupe de supervilains, Darius Dax n'a pas encore conquis le monde et l'esclavagisme est revenu à la mode.
Et fait, on apprendra plus loin qu'il a plusieurs versions de lui-même en fonction des époques et des modes avec des versions de lui-même, de son entourage et de ses ennemis, par exemple façon blaxploitation dans les années 1970s ou sous antidépresseurs dans les années 1980s.

Graphiquement, plusieurs dessinateurs se partagent l'histoire. Défaut de cohérence ? Pas du tout, expression des différents styles graphiques qu'on trouvait dans les séries principales. On a même un chapitre en traitement side-by-side qui est un véritable plaisir, une invitation à l'analyse critique du dessin par rapport au scénario pour le lecteur.
Car Alan Moore tente justement de surpasser la naïveté du genre en appelant le lecteur à avoir un recul.

L'exercice de la critique de l'œuvre à la radio (ou via un blog) n'est vraiment pas aisée pour la moindre œuvre signée Alan Moore, et « Suprême » n'échappe pas à la règle. Résumer vous fera perdre le plaisir de la découverte, et passera sous silence des détails qui justement demandent un minimum de connaissance pour aider le lecteur à les décoder.
Vouloir lire « Suprême » demande un seul pré-requis minimum : lire les comics de super-héros. Mais toutes les clés n'apparaissent que si vous êtes aussi bien capable de préciser quelles ont été les influences infantilisantes de la Comics Code Authority sur l'Âge d'Argent des comics, ou citer de tête les différentes versions de Hulk d'une autre couleur que verte, en commençant par le tout premier épisode, jusqu'aux moindres citations de Dusport dans cette émission sur les deux derniers mois. Ce qui vous donne déjà un indice : Si vous êtes capable de tenir en entier une chronique de la revue Comic Box sans décrocher un seul instant, sans éprouver un seul soupir de lassitude, sans être complètement largué sur un seul nom, vous serez capable de pouvoir comprendre toutes les multiples couches de « Suprême ».

Le bouquin est particulièrement plaisant à lire. Car les super-héros incarnent une science-fiction débridée, naïve, positive, épique. « Suprême » vous fera passer de très bon moments. Et si vous voulez vous la jouer geek en voulant analyser le pourquoi de chaque case, « Suprême » est une mine d'or sur l'histoire de l'industrie du comics de super-héros.