Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 12 Septembre 2009.
Celui qui a su donner ses lettres de noblesse à la bande-dessinée en costume reprend enfin sa saga après plus de 25 années d'absence. L'histoire est toujours incroyablement détaillée, le dessin d'une précision vertigineuse. Mais comme beaucoup d'années sont passées, nous ne suivons plus Isa sur les traces sordides du Commerce Triangulaire entre l'Afrique et les Antilles alors que la France se prépare à prendre la Bastille. Plus de 80 années plus tard dans l'ancienne Louisiane, alors que les États-Unis sont en train de se déchirer en une guerre civile sous le prétexte officiel de libérer les esclaves pour qu'ils deviennent des ouvriers libres, c'est le destin de Zabo qui est l'axe de ce nouveau cycle.
Zabo, tient de son père les jurons, de sa mère, l'affection d'un esclave affranchit. Oui, elle est fille d'une riche famille de planteurs de la Grande Lousiane, ruinés par les aléas de la guerre. Elle tient de cette fierté de veille famille française, mais aussi de la candeur dans la vie d'une oie blanche qui n'a que rarement quitté la propriété familiale. Alors déambuler dans les états Sécessionnistes en guerre n'est pas franchement une promenade de tout repos. Heureusement, il y a les rencontres fortuites comme le photographe Coustans, et bien plus tard, un des personnages du premier cycle.
L'aventure est hissée, et c'est encore une fois les relations troubles entre les pensées issues des Lumières et la réalité quasi industrielle du commerce triangulaire, de l'esclavagisme qui forment une partie de l'intrigue. Les contradictions d'une civilisation conquérante qui croyait avoir défini l'idéal de l'être humain. L'histoire est parfois crue, les décors absolument splendides et la précision de la documentation de François Bourgeon nous fait découvrir des curiosités étonnantes. Par exemple, dans une bonne moitié du Sud Sécessionniste des États-Unis, la population blanche parlait surtout le Français et l'Espagnol, parfois plus que l'Anglais. Les dialogues se font aussi en créole, et le lecteur a le choix de foncer directement aux traductions, ou à se laisser porter par ces phrases énigmatiques qui ajoutent à la découverte de l'Amérique des 1860s.
La production de François Bourgeon ne s'était pas exclusivement cantonné dans la bande-dessinée improprement dite “historique” (après tout, c'est de la fiction, c'est pour ça que j'ai toujours utilisé le terme “en costume”). Ainsi, sa série de science-fiction « Le Cycle de Cyann » avec Claude Lacroix nous avait tout autant estomaqué. Mais cette série connu les mêmes déboires que les « Passagers du Vent », à savoir un conflit fort contre son éditeur qui a dû se régler devant les tribunaux.
La bonne nouvelle, c'est que maintenant François Bourgeon peu prendre le temps qu'il veut pour peaufiner ses albums. Et que ce nouveau tome accompagne une ressortie de fort belle facture aussi chez 12bis éditions.