Pour présenter les signatures qui sont derrière le site, ActuaBD (site francophone de référence dans l'information sur la BD) a eu une idée excellente, demander à chacun de ses rédacteurs d'écrire un court texte en bilan de 2009. L'occasion était trop belle : J'avais une envie personnelle, celle qu'un geek fasse le sceptique sur la bande-dessinée numérique, joue l'avocat du Diable pour voir si le débat est dépassionné. L'entrée de l'écran à côté du bouquin laisse personne d'indifférent : les libraires sont méfiants et les directeurs de filiales web trop enthousiastes. Des applis de lecture de BD sur iPhone ou en Flash (!), j'en ai vu défiler et bien peu étaient originales.
Évidemment, j'ai été beaucoup trop long. J'ai donc réduit mon texte, parfois au détriment de la compréhension (et je m'en excuse, un gros défaut de relecture de ma part). Mais c'est là qu'est la magie d'internet : On peut mettre des liens dans le texte, et rien ne vous interdit de commenter plus bas... Afin de mieux relancer le débat, je reproduis ici mon texte déjà publié sur l'article collectif :
Depuis une décennie, on parlait de crise de surproduction dans la BD et, malgré tout, le nombre de nouveautés n’a pas cessé d’augmenter. Face à la Crise, la vraie, l’économique, celle qui fait mal à la consommation, le nombre de parutions BD a à peine ralenti sa croissance, chiffres ACBD certifiés par le scrutateur Gilles Ratier faisant foi. Des industries du divertissement, la bonne santé du Neuvième Art est impressionnante. Pourtant nous arrivons à un tournant... technologique.
Et la techno, c’est mon dada (en plus de bidonner mes interviewes). C’est même mon métier puisque j’avais démarché des éditeurs pour faire entrer de la BD dans des téléphones portables en 2003 (à l’époque, j’avais commis le crime de populariser les sonneries fantaisies). Par le prix demandé, ils m’avaient signifié qu’ils n’étaient pas motivés.
2009 : le nombre de blogs adaptés en albums dépassait celui des magazines de prépublication, les écrans couleurs sont à des prix de gros dérisoires, l’autonomie des batteries impressionnante, Amazon a lancé son Kindle, Apple va encore révolutionner le genre en simplifiant le concept avec une boutique liée béton. Et nous sommes justement à une étape charnière : le matériel existe, la distri/vente des contenus solidement maîtrisée par leurs constructeurs, le public s’essaie à payer la taxe DRM sans avoir encore pris conscience de l’obsolescence de ces appareils de lecture.
Mais à mon sens, tous les albums ne se prêtent pas forcément à cette transition : un album grand format sera toujours plus confortable qu’un écran de téléphone mobile, surtout qu’il n’a pas besoin d’être rechargé. À terme, il existera trois types de bande dessinées : celles qui sont restées sur papier, celles qui sont intégralement numériques jouant de leur interactivité, et celles existant entre ces deux dimensions, parfois pré-publiées gratuitement sur un blog puis vendues en album.
Et là, va se poser la question des éditeurs. Vont-ils se laisser dépasser par une génération de dessinateurs qui préfèreront arriver directement sur iTunes plutôt que par leur intermédiaire ? Les grands éditeurs du secteur ont la chance de pouvoir réfléchir à leur pérennité, plutôt que d’ignorer la question comme l’avaient fait, en leur temps, les quatre majors du disque. CwF+RtB , la réponse de Mike Masnick, est heureusement encore plus facilement applicable dans notre cas : un auteur de BD reste largement plus accessible à son public qu’un chanteur de Top 50 ou un acteur de blockbuster.
Suis-je un techno-sceptique refoulé, moi qui présente le magazine des cultures geeks, un des plus vieux podcasts francophones toujours en activité ? Je pense plutôt que 2010 va se révéler passionnante à lire dans ActuaBD, et qu’on a pas fini de lire de la BD, que ce soit sur du bois mort ou sur un écran numérique.
On attendra l'ouverture du Festival d'Angoulême, qui aura lieue le même jour que la prochaine keynote d'Apple (où les iTurfistes parient sur une iTablet) pour voir comment évolueront les conversations des éditeurs. C'est agréable de se savoir lu...
Je remarque qu'une nouvelle rubrique « Tribune libre » a été créé sur ActuaBD, peut être que justement des éditos sont les bienvenus sur un site qui est déjà la source d'information de référence pour les professionnels de la bande-dessinée. Je suis heureux de collaborer à ActuaBD, même si cela n'est que trop rarement...
Néanmoins, notre prochain rendez-vous est fixé au 30 Janvier, à midi pour un Supplément Week-End en direct d'Angoulême avec la rédaction d'ActuaBD, et l'annonce du prix remis par le Conseil Général des Jeunes de la Charente. Les présélections étant faites, faites votre choix !
6 réactions
1 De Bekkan - 19/01/2010, 15:05
C'est clair que le livre électronique est le relais de croissance des éditeurs. Mais c'est tellement compliqué d'imprimer un livre, et surement de faire un livre électronique, que je doute que les dessinateurs passent directement à iTunes comme tu dis. Je pense que le métier d'éditeur va rester très longtemps pertinent, notamment pour la gestion des canaux de distribution et du respect de droit d'auteur (lutte contre le piratage, production de produits dérivés, adaptations,...)
2 De Jeremy - 19/01/2010, 15:47
Qu'est-ce qu'il en a à faire le public de la taxe DRM ? Le plus gros frein à l'achat des BD, c'est la place que ça prend. Un kindle ou un iphone, c'est toujours autant de gagné sans étagères, non ?????
3 De Mitch 74 - 19/01/2010, 16:12
Une BD, ça prend de la place? Peut-être. C'est aussi un support intéressant, dont la résolution (300ppp à l'impression) est largement supérieure à celle de l'iPhone ou du Kindle, dont l'interactivité est inégalée (on peut utiliser tous ses doigts à la fois pour marquer des pages, en tourner plusieurs d'un coup, etc.), l'autonomie surprenante (dix ans avant d'avoir une dégradation empêchant l'utilisation, davantage si elle est bien entretenue), et les lieux d'utilisation variés (on peut l'emmener aux toilettes sans risquer un court-circuit).
4 De Da Scritch - 20/01/2010, 10:22
Et puis personnellement, ça me ferait particulièrement renfrogner rien qu'à l'idée que je ne puisse pas prêter à mes meilleurs amis mes BD favorites (et réciproquement) ou que si je veux relire une BD dans 5 ans, je vais devoir repayer parce que l'engin lecteur a une obsolescence programmée.
Autant passer du CD / DVD au complètement virtuel pourrait se justifier (et encore, je préfère le support CD pour différentes raisons), autant invoquer la place que prend les BD dans les étagères (et j'en parle en connaissance de cause !) comme étant un frein à l'achat me semble totalement délirant. La question du pouvoir d'achat passe avant.
La place des éditeurs se discutent. Moi je vois venir des projets passionnants comme Sandawe (lire l'interview des fondateurs), jouant justement sur l'équation CwF+RtB, cofondé par un ancien rédac-chef de Patrick (meilleurs vœux à lui!). Il permet à la fois de juger de la popularité d'un album, de voir des projets intéressant parfois retoqués par d'autres éditeurs, et de travailler très différemment. Oui Sandawe est un éditeur internet.... mais qui fait avant tout du papier ! Donc on parle encore d'album, de bois mort, mais surtout de respect et conservation de l'œuvre.
5 De Da Scritch - 20/01/2010, 23:01
Ben voilà, l'arrivée d'Apppe fait flipper Amazon http://www.macbidouille.com/news/20... La crainte d'avoir à nouveau un fabricant/storiste en position de monopole fait grincer
6 De Mitch 74 - 01/02/2010, 12:09
Qu'est-ce que je devrais dire, depuis 40 ans qu'on lit des BD chez moi, on en est à un bon demi-millier de volumes (je parle d'albums cartonnés), et c'est vrai que ça représente un volume non négligeable.
Chose qui a été réglée en utilisant les emplacements perdus dans l'appart (genre: recoin de couloir, mur aveugle, derrière une porte qui ne plaque pas au mur en s'ouvrant... Avec un peu de bois et 4 vis, y'a de quoi stocker) avec un énorme avantage, je le répète: y'a pas besoin d'une prise électrique ou d'une connexion réseau pour que ça marche.