Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 16 Janvier 2010.
Fuyant la Guerre de Sécession qui a mis le port de la Nouvelle Orléans à feu et à sang, Zabo, fille de riches planteurs, s'est réfugiée au fin fond des bayous. C'est dans une petite cabane perdue au milieux des marais qu'elle rencontre une vielle femme retirée du monde, qu'elle ne sait pas encore être son aïeule : Isa. La même Isa qui nous racontait l'horreur du commerce triangulaire au moment de la Révolution Française.
Petite déception : L'histoire de Zabo n'ira pas plus loin. Son point de vue était surtout un prétexte (élégant, certes), pour arriver à Isa, devenue centenaire. Bref, la fin de ce cycle est en fait la fin des aventures d'Isabelle et donc des « Passagers du Vent ».
Comment Isa a-t-elle fait pour faire passer sa fille Mary qu'elle a eu d'un nègre (et donc qui aurait potentiellement fait passer Isa pour une fille facile) en enfant d'un tiers dont elle a la garde. Ce qu'est devenue cette Mary et comment on arrive à Zabo... Les rencontres avec les personnages qui naviguent dans les marais, les indiens si discrets et les planteurs et leurs idées parfois difficilement supportables.
« Les Passagers du vent », c'est une bande-dessinée prestigieuse : graphiquement très aboutie, avec des propos particulièrement crus et adultes, il a posé les jalons d'un Neuvième Art adulte, et du genre histoire en costume (dans des décors historiques) en abandonnant la naïveté qui y était lié. Bourgeon montrait les scènes de brutalités entre les tribus africaines, et le cynisme des marchand qui ne considéraient les chefs locaux que comme fournisseurs de matière première. C'est pour ça que l'annonce d'un cycle complémentaire était extrêmement attendu par les amateurs, après plus de 20 ans d'absence. Le fait que les deux tomes soient sortis en moins d'un trimestre était un souhait inespéré.
Je suis encore littéralement sous le charme du graphisme de François Bourgeon, avec un travail sur les ambiances et les couleurs toujours aussi soigné, et une documentation qu'on devine particulièrement fournie. Les décors, la faune respirent littéralement le bayou, et Bourgeon s'offre le luxe de dessiner des planches entières sans bulles, afin de mieux laisser le lecteur entrer dans l'ambiance lascive, aquatique des marais de la Louisiane. On sent que François Bourgeon veut donner un départ sans regret à sa série, contemplative. La conclusion de l'histoire, trente ans après pourrait laisser les lecteurs sur la faim, mais finalement se justifie en beauté.