Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 27 Février 2010.
Le vieux Félix, il vivait reclut dans sa maison sur la place du village. Ne sortait quasiment jamais, personne ne lui connaît de famille, ou même se souvient quel métier il a exercé. En fait, peu de gens l'ont vu dans le village. Et voilà qu'un jour, il sort de chez lui, avec un large pinceau et de la peinture rose.
Devant ses voisins stupéfaits, il peint un grand cercle au croisement des deux grandes rues devant chez lui, et va sortir ses meubles pour les mettre dedans, comme s'il avait construit une nouvelle maison. Quand quelqu'un lui propose de l'aider, il répond agressivement avec son fusil, barre le passage des deux routes, et proclame que désormais il est chez lui dans ce cercle. Il vient de déclarer la guerre à la connerie, et n'accepte personne dans son nouveau chez soi, si ce n'est Jérémie, le brave facteur.
Et là, une équipe de TV arrive...
Nous sommes à la veille d'élections Présidentielles qui promettent une alternance. La majorité au pouvoir n'est pas dans une posture favorable. Le président Blondiau répète dans les meetings sans conviction que son bilan montre que les promesses passées vont s'accomplir lors du deuxième mandat. Les autres candidats s'en donnent à cœur joie sur ce bilan en demie-teinte, surtout Démaret, qui bat la campagne, grappille de précieux pourcentages d'intention de vote pour s'assurer d'être au second tour. La petite crise de Félix va faire du bruit...
Depuis quinze ans, la communication a définitivement pris le pas sur la politique, et le battage médiatique sur l'information. Mais l'arrivée d'internet a bouleversé ce mode de transmission : Ce ne sont plus les médias autorisés qui sortent l'information, mais internet via Youtube. Ce n'est plus l'homme politique qui mobilise et interpelle, mais un retraité en colère.
Tout le monde est pris au dépourvu et se prend au dépourvu : Les politiques récupèrent le coup de gueule de Félix, qu'ils l'ont compris, qu'ils sont du même avis que lui... alors qu'aucune déclaration n'a été faite par le Père Félix. Mais ces effets d'annonces risquent d'amener de sérieux retours.
Christian Durieux tente un pari d'écriture assez osé : le montage documentaire avec interview des protagonistes en plan de coupe. Un tel montage permet de faire avancer l'histoire, et de révéler la situation, les relations entre les personnalités publiques.
En fait, le coup de gueule de Félix me fait penser à un film peu connu « Network » de Sidney Lumet (1976) où un présentateur de journal télévisé pète un câble, envoie tout valdinguer et dit ses 4 vérités « Mad as hell », sa chaîne profite de sa crise pour récupérer son coup d'éclat afin de remonter son audience sur la pente descendante.
Sauf que Félix n'explique pas ce qui l'énerve quand il trace son rond, ne menace pas de suicide ou de meurtre, et finalement privatise un bout de rue.
Reste la question : À quoi bon gueuler ?