Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 13 Février 2010.
Bon allez, je vais être franc, comme chaque année à Angoulême, j'ai pris mon sourire le plus niais, et j'ai fait chauffer ma carte bleue chez un quelconque éditeur de bande-dessinées grivoises. Et j'ai pris ce bouquin en disant « Allez, je vais ⚤ m'instruire ! », le tout bien sûr sur le ton de la rigolade. Donc j'ouvre le livre. Et là... je me suis instruit.
L'avant propos d'Alan Moore est une garantie de sérieux, vous ne pouvez pas imaginer à quel point. Parce que si on met de côté toutes les images frivoles et grivoises qui illustre ce livre, si on se concentre sérieusement sur le texte sans se laisser distraire par ces filles généreusement proportionnées et ces garçons bien membrés, tous dessinés d'une manière peu habillée, ben on en apprend des choses.
D'abord, le travail documentaire et historique de ce livre est incroyablement fourni. On vous a régulièrement parlé dans notre émission de la fameuse loi sur les publications jeunesses de 1949. Aux États-Unis, ce n'est pas une loi, mais un comité inter-éditeurs qui a été constitué pour éviter que le législateur ne vienne censurer les super-héros et autres Archie. Ce deuxième tome commence donc par la naissance du Comics Code Authority et notamment du livre du docteur Wertham « La séduction de l'innocent », sorti en 1954 qui étayait son propos comme quoi les crimes violents dans les comics influençaient les enfants vers la voie de la délinquance. Le premier travail de cet encyclopédie est de remettre le travail de Wertham dans son contexte et joue donc... à décharge.
C'est une première surprise : ce livre travaille en dehors des parti pris, et explique mieux pourquoi donc les propos de ce psychiatre qui a témoigné devant une commission du Congrès ont été déformés. Le parallèle avec d'autre média plus récents nous saute aux yeux.
L'instauration du Comics Code Authority, c'est la chute de la maison E.C. Comics, l'arrivée de l'underground qui met en place une nouvelle manière de distribuer de la BD aux États-Unis, la naissance de la revue satyrique National Lampoon, qui reprendra la formule de Métal Hurlant pour éditer Heavy Metal. Plus l'abandon du cachet du Comics Code.
Car dans les années 1990s arriveront les propos sérieux comme Charles Burns (« Black Hole »), Craig Thompson (« Blankets »), Howard Cruse, et surtout la constitution du Comics Book Legal Defense Fund.
Une bien plus grande part du livre est bien évidemment consacrée au monde en dehors des États-Unis comme l'explosion de la manga sexuelle au Japon malgré les règles de censure et ses particularismes comme le Lolicon (lolita complex ⚘), le porno tentaculaire (une femme, un poulpe, ⚵ possibilités) et le Yaoi (mettant en scènes des homos ⚣ masculines à destination d'un lectorat féminin). Et bien évidemment à l'Europe, notamment les réactions sur la proposition 28 de Margaret Thatcher qui interdit l'éducation, le débat et la promotion de l'homosexualité ⚢⚣. Oui, le Royaume-Uni est revenue en arrière dans les années 1980s, et c'est là que l'on voit quel combat on mené des auteurs prestigieux. Il y a aussi d'excellentes pages sur les éditeurs et dessinateurs Italiens comme Manara et Serpieri. La naissance de Métal Hurlant et en quoi elle a influencé la BD mondiale, la libération de la BD espagnole dans les années 1980s et l'incroyable saga judiciaire du procès des éditeurs de Nasty Tales.
Certaines anecdotes sont encore plus hallucinantes que les images d'illustrations. C'est un travail documentaire riche, une somme historique pour le Neuvième Art.
Achetez-le, mais pas uniquement pour les dessins, surtout pour son texte, très bien traduit. C'est instructif mais bien évidemment à ne pas laisser entre les mains des mineurs.