Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 6 Mars 2010.
Je ne sais pas si vous vous souvenez de Bienvenu Mbutu Mondondo... ?
C'est ce Congolais qui a porté plainte en Belgique pour racisme contre l'album « Tintin au Congo ». (pour info, la plainte a été jugée recevable en décembre dernier, et est toujours suivie par ActuaBD).
C'est une affaire qui à première vue peut paraître dérisoire, et qui fait même sourire, car tout le monde est d'accord pour reconnaître qu'Hergé à l'époque (en 1930) n'avait fait que reproduire la vision communément “admise” par l'Europe sur ses colonies et ses bons sauvages dont il faut apporter les “bienfaits” de la “civilisation”. L'auteur de Tintin avait d'ailleurs édulcoré son album dans la version couleur en 1946, remplaçant la fameuse leçon de Tintin aux Noirs sur la Belgique par une leçon de Mathématiques, mais Hergé n'avait pas supprimé les répliques sur la paresse supposée des Congolais.
Mais revenons à la fiction. Paul Delisle est un jeune homme au destin marqué. Lui et sa mère ont été abandonnés par leur père, parti chercher fortune et un nouveau foyer dans le vaste Congo. Rien à faire des convenances de la bourgeoisie Belge et de la morale chrétienne. Marqué par cette histoire, le jeune Paul est entré dans les ordres. Et alors qu'il est encore séminariste, part lui aussi au Congo. On est en 1913, Léopold II est mort depuis 4 ans, la croissance du petit état Belge est dûe à une colonie 80 fois plus grande qu'elle... et Paul n'a jamais eu qu'une seule et unique lettre de son père.
Sa mission au Congo Belge est donc plus motivée par la volonté de le retrouver malgré sa famille et ses supérieurs que par les besoins en éducation et en religion qui permettront aux Africains noirs de profiter de la civilisation Chrétienne. Sur place, il découvrira que son père a une importante plantation, qu'il a d'autres enfants, mais aussi une réputation exécrable de violence et d'ivrognerie.
Mais des illusions de Paul, celles qui vont en prendre un sacré coup, ce sont celles concernant le sort des populations indigènes. Le rêve Africain y tourne au cauchemar. L'Europe ne devrait pas tant se vanter de son “œuvre” colonisatrice : exactions, mutilations et massacres des autochtones sont monnaie courante.
L'ombre du roi n'est pas que celle du père qui a abandonné son fils, et dont ce dernier n'avait aucune nouvelle, c'est aussi celle de Léopold II, et d'une ombre qu'il a laissé sur sa propriété personnelle (le Congo Belge) et son royaume (la Belgique). C'est aussi l'ombre de l'explorateur Stanley (celui qui pas loin des des sources du Nil avait dit « Doctor Livingstone, I presume »), qui a acheté une part du continent noir sur commission de Léopold II, comme une vulgaire propriété agricole où d'ailleurs ledit Léopold II n'y a jamais mis les pieds. Une histoire qui empoisonne encore les relations entre la Belgique et son ancienne colonie, devenue indépendante il y a exactement 50 ans.
Le dessin en couleurs directes de Frédéric Bihel est à tomber. Il nous avait séduit dans les années 1980s avec la série « Les héritiers du soleil » oùil contait une intrigue politique l'Égypte au temps de Moïse, ou avec les mêmes scénariste, « L'Afghan », une biographie du commandant Massoud. Le scénario des époux Charles est captivant, mais on a l'impression d'une lourdeur avec les changements incessants d'époques ou de personnages. C'est à se demander s'il n'aurait pas gagné si les scènes avaient été agencées différemment.
Ne loupez pas la première édition, qui offre à la fin un carnet de croquis avec quelques lignes de textes très intéressantes.