Attention : la lecture de ce billet est probablement plus aisée sur sa page originale.

Quel meilleur moyen de montrer la stupidité de lois sur la surprotection “intellectuelle” qu'en en démontrant qu'elle bride l'innovation ?

Kirby Ferguson proposait depuis quelques mois des épisodes d'un documentaire scientifique passionnant montrant par le remix en quoi le remix est essentiel. « Remix is everything » est tellement bien que j'avais dans l'idée de proposer une traduction. Et tout à l'heure, @remixeverything a mis en ligne l'épisode 3 sur une plateforme spécialement prévue pour le sous-titrage collaboratif. Quelque chose qui nous a cruellement manqué pour une leçon magistrale de 2.0.

C'est le principe de l'open-source : Si tu aimes bien, mais que tu veux améliorer, tu le peux à ta mesure.
J'ai donc passé ma pause pour y adapter sa prose.

Je vous invite à voir les brillants précédents épisodes même si celui-ci se suffit à lui-même. Méfiez-vous : Le générique est au milieu de chaque épisode.

Remix is everything, acte III en Français dans le texte

Vidéo originelle avec la piste sous-titrée en Français

Notes personnelles

À propos de la tumultueuse histoire de la première machine à écrire, relisez ce chapitre de ma psychanalyse du clavier.

La « Mother of All Demos » menée par Douglas Engelbart en 1968 où il démontre devant 2000 personnes l'usage de la souris et de l'outil collaboratif reste toujours stupéfiante et sur le site de son auteur.

Quand à celle du cut-up, le « Can I have an amen » de Nate Harrison est une introduction à tout un pan musical.

Vous ne devriez pas voir ceci mais la vidéo en allant sur mon site

L'acte de la création est noyée dans une nuée de mythes...

Des mythes comme « la créativité vient par l'inspiration »

Que les créations originales cassent le moule,

qu'elles sont le fruit de génies,

et arrivent telles l'électricité qui chauffe brusquement un filament.

Mais la créativité n'a rien de magique.

Elle arrive en utilisant des outils ordinaires de la pensée sur des matériaux existants.

Et le sol sur lequel nous faisons germer nos créations est quelque chose que nous méprenons et mécomprenons.

même si nous lui devons beaucoup, en la copiant.

Copier est la manière fondamentale pour apprendre.

Nous ne pouvons innover sans maîtriser la langue de notre domaine, ce que nous faisons par émulation.

Par exemple, tous les artistes passent leurs années d'apprentissage à produire des œuvres dérivées.

Le premier album de Bob Dylan contient 11 reprises.

Richard Pryor a commencé sa carrière d'humoriste avec une imitation pas vraiment réussie de Bill Cosby.

Et Hunter S. Thompson a re-tapé « Gatsby le Magnifique », juste pour ressentir la sensation d'écrire un grand roman.

Personne ne commence en étant original.

Nous avons besoin de copier pour construire les bases de la connaissance et de la compréhension.

Et après ça… les choses deviennent intéressantes.

Après que nous ayons assimilé les bases par la copie,

il est alors possible de créer quelque chose de neuf par la transformation.

Prendre une idée, créer des variations.

Cela demande beaucoup de temps, mais peut éventuellement mener à une innovation.

James Watt a créé une avancée majeure à la machine à vapeur

en devant réparer une machine à vapeur de Thomas Newcomen.

Il passa alors 12 ans à améliorer cette version.

Christopher Latham Sholes conçu sa machine à écrire d'après un piano.

Conception qui évoluera pendant 5 ans jusqu'à la disposition que nous utilisons encore aujourd'hui.

Et Thomas Edison n'a pas inventé l'ampoule électrique,

son premier brevet fut une « amélioration dans les ampoules électriques »

mais il produisit la première ampoule d'éclairage viable commercialement

après avoir testé comme filament 6 000 matériaux.

Ce sont toutes des avancées majeures

mais elles ne sont pas des idées complètement originales

sinon dans une suite continue d'inventions par différentes personnes.

Les avancées les plus spectaculaires peuvent subvenir quand des idées sont combinées.

En liant entre elles des concepts, des sauts créatifs peuvent subvenir

produisant quelques-unes des avancées les plus spectaculaires de l'Histoire.

La presse à imprimer de Johannes Gutenberg fut inventée vers 1440,

mais chacun de ses éléments existaient depuis des siècles.

La société Ford Motor n'a pas inventé la chaîne de montage,

les pièces détachées ou l'automobile elle-même.

Mais tous ces éléments furent combinés en 1908

pour construire la première voiture en quantité industrielle, la Model T.

Et Internet a lentement grandi durant les décennies

alors que les réseaux et les protocoles fusionnèrent.

Il atteignit sa masse critique en 1991 quand Tim Berners-Lee ajouta le World Wide Web.

Ce sont les briques de base de la créativité :

copier, transformer et assembler.

Et la plus parfaite illustration de celles-ci à l'œuvre

est l'origine des outils que nous utilisons aujourd'hui.

Alors revenons à l'aube de la révolution de l'informatique personnelle

et regardons l'entreprise où tout a commencé :

Xerox inventa l'ordinateur personnel moderne au début des années 1970.

l'Alto fut un système géré à la souris avec une interface graphique.

Gardez à l'esprit que les ordinateurs personnels de cette époque étaient commandés par interrupteurs !

et si vous les basculiez dans le bon ordre

vous pouviez voir des diodes clignoter.

L'Alto était bien en avance sur son temps.

Apple doit beaucoup à l'Alto

et sorti plus tard non pas un mais 2 ordinateurs avec une interface graphique :

Le Lisa et son successeur qui eu un destin meilleur, le Macintosh.

L'Alto ne fut jamais prévu pour être commercialisé

mais Xerox sorti un système d'exploitation basé dessus en 1981 :

le Star 8010, 2 ans avant la sortie du Lisa,

3 ans avant celle du Mac.

Le Star et l'Alto servirent de référence pour le Macintosh.

Le Xerox Star utilisait une métaphore du bureau avec des icônes pour les documents et des dossiers.

Il avait un pointeur, des barres de défilement et des menus contextuels.

Des innovations énormes, et le Mac en copia chacune d'elles.

Mais ce fut la combinaison de celles-ci qui pava le chemin du Mac de son succès toujours actuel.

L'idée d'Apple était de fusionner l'ordinateur avec l'appareil du quotidien.

Le Mac devait être simple comme la TV ou une chaîne HiFi.

À la différence du Star, prévu pour un usage professionnel,

et loin des systèmes à commandes en lignes obscures qui dominaient à cette époque.

Le Mac était pour la maison, ce qui fit jaillir une cascade d'innovations.

D'abord, Apple retira l'un des boutons de la souris, pour rendre ce nouvel outil moins confus.

Puis ils créèrent le double-clic pour ouvrir les documents.

Le Star utilisait une touche spéciale pour cette action.

Le Mac vous permettait aussi de déplacer les icônes, de déplacer et retailler les fenêtres.

Le Star n'avait pas de drag'n'drop :

vous déplaciez et copiez un document en cliquant sur une icône,

appuyant une touche, puis cliquant sur une zone.

Et vous redimensionnez une fenêtre par un menu.

Le Star et l'Alto proposaient aussi les menus contextuels.

Mais parce que leurs positions bougeaient,

l'utilisateur devait continuellement se ré-orienter à l'écran.

Le Mac amena la barre des menus

toujours à la même place, quoique vous fassiez.

Le Mac introduisit la poubelle pour rendre intuitif la suppression de documents.

Et enfin, alliant les compromis et une conception intelligente,

Apple fit en sorte que son Mac soit vendu 2 500 $.

Assez cher encore de nos jours, mais largement moins que le Lisa à 10 000 $ ou le Star à 17 000 $.

Mais l'idée brillante fut l'interface graphique,

fusionnant l'idée d'un ordinateur en tant qu'appareil ménager.

Le Mac est une démonstration d'une combinaison potentiellement explosive d'idées.

D'un autre côté, le Star et l'Alto

furent les produits d'années de recherches élitistes.

Et sont le testament d'une transformation longue.

Bien sûr, ils reprenaient des travaux de tiers.

L'Alto et le Star furent des branches de l'Évolution, remontant au système NLS,

lequel créa le concept de fenêtres et de souris,

à Sketchpad, la première application de dessin interactive,

et même au Memex,

un concept ressemblant à nos PC actuels des décennies avant que cela ne fut possible.

L'interdépendance de notre créativité a été obscurcie par de lourds à-priori culturels

mais la technologie démontre cette inter-connectivité.

Nous luttons juridiquement,

moralement et artistiquement pour utiliser ces principes.

C'est notre dernier acte.

4ème partie.

Et si Xerox avait abandonné la voie de l'interface graphique ?

Ou que Thomas Edison avait changé de métier ?

Et si Tim Berners-Lee n'eut jamais les moyens de développer le World Wide Web ?

Notre monde aurait-il été différent ?

Serions-nous moins avancés ?

L'Histoire semble nous montrer que les choses ne seraient pas si différentes.

Qu'importe si une avancée majeure a lieue,

en général d'autres personnes sont sur la même voie.

Peut-être un poil derrière,

peut-être pas si loin que ça.

Isaac Newton et Gottfried Liebniz inventèrent ensemble le calcul vers 1684.

Bien sûr, Charles Darwin proposa la Théorie de l'Évolution par la sélection naturelle,

mais Alfred Russel Wallace eut pratiquement la même idée en même temps.

Alexandre Graham Bell et Elisha Gray rendirent les demandes de brevets pour le téléphone le même jour.

Cela s'appelle une découverte multiple,

le fait qu'une même innovation naisse de lieux distincts.

L'histoire des sciences et des innovations en est rempli d'exemples,

et dans les Arts, on y trouve des situations similaires.

Dans le cinéma, par exemple, 3 films sur Coco Chanel sortirent en moins de 9 mois.

En 1999, nous eûmes un quatuor de films de SF sur des réalités artificielles.

Même le très original film de Charlie Kaufman

« Synecdoche, New-York »

porte une incroyable ressemblance avec le roman « Remainder » de Tom McCarthy :

Les deux racontent une histoire d'hommes devenant subitement riches

qui recréent des moment de leurs vies passées,

allant jusqu'à reconstituer les petits plaisirs.

Et ceci,

la vidéo que vous regardez maintenant,

fut écrit juste avant que le New Yorker publie un article que Malcolm Gladwell

sur Apple, Xerox et la nature de l'innovation.

Nous construisons toujours avec les mêmes matériaux.

Et parfois, par coïncidence, nous avons des résultats très très proches.

D'autres fois, les innovations paraissent juste inévitables.

Bonjour à tous, je suis Kirby.

Je suis le créateur de « Everything is a remix »

et encore une fois, merci d'avoir regardé.

Je souhaite prendre un court instant pour remercier tous ceux qui ont contribué par leurs travaux à cet épisode

comme ceux qui me suivent sur Twitter, qui m'ont soutenu dans le travail documentaire.

Pour la dernière fois, les dons financiers sont très appréciés

car ils m'aident vraiment pour cette œuvre,

alors si vous pouvez donner,

merci d'aller sur la page "soutenir" du site,

et contribuer à la hauteur à laquelle vous estimez cette série.

N'hésitez pas à consulter les sources, références du site

et acheter les livres, disques et films qui y sont cités,

c'est sur ce travail que je construis cette série documentaire.

Ces gens méritent aussi votre soutient.

Pour terminer, venez me voir sur scène, les dates sont disponibles en détail sur le site.

Si vous souhaitez organiser ma venue pour une conférence

écrivez-moi à talks@everythingisaremix.info

C'est tout pour aujourd'hui. Revenez pour la conclusion passionnante d' « Everything is a remix »

et aussi une annonce excitante.

Prenez soin de vous, bye bye !