Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 9 Juillet 2011.
Il faut reconnaître une chose des éditions Paquet, c'est une certaine nostalgie de la BD Franco-Belge associée à une certaine histoire technique, on en avait parlé avec « Mauro Caldi ». Là, c'est en France, en 1961 que se déroulent ces aventures, celles de Margot Palissandre, journaliste à l'Auto Revue et aussi pilote de course.
Comme Margot est un beau petit lot, elle a été approchée par Citroën et par le couturier Théophile Saint-Cardon pour être l'égérie d'une série archi-limitée de 2CV, la Margot.
Mais à partir du moment où elle amène son beau petit minois sur les défilés, une suite d'incidents mystérieux se produisent : dégradations, vandalisme, sabotages, agressions, vols,… Quelqu'un en veut vraiment à cette série limité au point de tout faire pour en faire échouer la campagne publicitaire. Qui est derrière toute cette machination, contre qui et dans quels intérêts ? Margot, en plus d'être fort jolie, n'oubliera pas son instinct de journaliste risque tout et d'As du volant...
Les auteurs ont une réelle passion pour la BD, puisqu'on voit en caméo Fantasio, Vic et Pol (sans Yoko Tsuno, restons raccord avec l'époque), le “Colonel” Olrik, Nestor,... Mais hélas, cette BD est réalisée informatiquement avec un logiciel de dessin vectoriel. Et cela se sent.
Les auteurs maîtrisent le dessin, puisque les personnages sont expressifs, correctement dessinés, cohérents, techniquement sans un pet. Mais la perfection du trait avec un dessin vectoriel, cela donne un dessin un peu froid. La barbe de Molette par exemple, où chaque poil est placé sur un quadrillage... ça fait raide.
L'autre problème, c'est que les véhicules et une bonne partie des décors n'ont pas été dessinés, mais sont des modèles 3D mis en scène. Et là, cela donne immédiatement des soucis de perspective, car du coup, ces objets en 3D ont une perspective archi-précise, qui évidemment jurent avec l'interprétation de l'ensemble du décor par le dessinateur. En effet, un dessinateur trichera toujours un peu avec la perspective pour mieux ajuster sa scène. Et malheureusement, c'est impossible à faire avec les objets plaqués dessus.
L'usage d'un logiciel comme Adobe Illustrator ou (plus spécialisé comme) Manga Studio pour produire une BD Franco-Belge est à chaque fois un piège : la spontanéité d'un trait se perd. Ce que l'on gagne en précision, on le perd immédiatement en ambiance : Chaque bâtiment est impeccable, chaque véhicule est sorti d'usine, rutilant de n'avoir jamais roulé ailleurs que dans un hall d'exposition ou une brochure technique. Les affiches publicitaires sont plaquées comme des textures, les papiers-peints nous font toujours face, et quand on réutilise un élément de dessin dans une autre case, un peu modifié soit, mais qu'on en change la dimension, ben le trait du dessin change aussi en épaisseur selon les éléments du décor.
C'est toute la lutte du dessinateur : il produit un dessin parfait. Trop parfait, et qu'il n'a plus d'âme. Or si la Ligne Claire, c'est une épure, une précision technique, c'est aussi l'âme et l'interprétation qu'on retrouve soit au Rotring, soit au pinceau, soit au feutre.
Et si les amateurs de voitures anciennes seront ravis de la précision des reconstitutions de voitures, ce dessin figé pourrait aussi les empêcher de plonger dans l'intrigue. Dommage pour une BD.
5 réactions
1 De Mitch 74 - 06/08/2011, 02:56
Niark niark niark... T'en as manqué!
- Yoko est présente! Page 33, case 2.
- on voit Spirou au volant de la Turbotraction 2, page 32 première case. D'ailleurs, on voit aussi beaucoup Seccotine, telle qu'elle était au début du Nid des Marsupilamis (sauf le foulard). Longtarin est vu, et carrément nommé (c'est le seul).
- Dick Hérisson et son copain Doutendieu, page 9 case 7. Ils sont moins connus, ceux-là, donc je les cite pour les profanes.
Après, je suis d'accord avec toi: les dessins des deux albums précédents ("le mystère de la traction 22" et "les déesses de la route") était plus juste, avec des perspectives moins foirées et un trait plus régulier. Les hommages étaient aussi plus discrets (pour info, c'est la 2e apparition de Spirou dans la minisérie, par exemple).
2 De Da Scritch - 06/08/2011, 09:08
D'un autre côté, pour une émission radio, j'allais pas faire une liste exhaustive ^^; et je reconnais quà moins de deux heures de l'émission, fallait que j'écrive vite.
Ceci dit, bravo, tu assures !
3 De Mitch 74 - 06/08/2011, 10:54
Et encore, s'il fallait ajouter ceux dont je ne suis pas sûr... Juste après Vic et Pol, les deux officiers de l'Armée de l'Air, un brun sérieux et un blond hilare, ça fait assez Tanguy et Laverdure (là, c'est en plein dans l'époque, surtout avec les Dassault Mystères IV A de la première image). Je ne sais pas s'il faut compter la vraie reproduction de publicité 'Tintin Orange' avec Tintin et Milou (page31 case 8)... Mais la raison de la perte de vie est, à mon avis, le fait que Van Der Zuiden (qui avait participé aux deux premiers) est ici absent du staff, laissant Marin au dessin des véhicules et personnages, et Callixte, auparavant coloriste, en charge du reste du boulot. Or, comme la minisérie était prépubliée dans un journal, on peut imaginer plusieurs conséquences:
- Callixte ne pouvait plus se concentrer sur la couleur: celles de la Traction 22, avec ses dégradés délicats et transitions travaillées par exemple, tranche fortement avec les à-plats de cet album - ah, la terreur du bouclage!
- Marin doit assurer davantage dans les décors, qui sont en plus très fouillés car très urbains (une faiblesse moins remarquable dans les précédents albums car rares en plans larges et jamais avec de tels angles, souvent difficiles au demeurant), et ne passe pas autant de temps au placement des véhicules - l'utilisation de modèles 3D n'y change rien, quand on n'a pas l'habitude de faire une perspective, on se plante - d'autres plus expérimentés et / ou plus traditionalistes s'y sont cassés les dents. Surtout avec l'absence d'ombres portées, qui fait 'flotter' la plupart des véhicules et rend souvent l'action peu lisible.
- moins de temps passé au crayonné, et donc un recours à davantage de vectorisation - il y a notamment moins de noir et de traits de texture par rapport aux autres albums, et ils ont tous une épaisseur régulière. Les Déesses de la Route, pourtant déjà vectorisé en intégralité, avait plus de variation au niveau des traits.
On en revient à ce que disait Franquin à Jannin pour Ernest Ringard et la taupe Augraphie: "il faut plus de noir, fais gaffe à tes angles de vue, détaille davantage tes arrières plans et règle la profondeur avec l'épaisseur du trait". Même Bob de Moore, pourtant un as de la ligne claire, y allait franco avec l'encre de Chine.
Mais bon, on s'improvise pas auteur de BD comme ça, et ce qui vaut pour les mangas (cf. Bakuman) vaut aussi pour la BD européenne. Dommage, parce qu'entre l'enquête (réellement policière cette fois) que mène Margot, les scènes d'action très bien rendues la bonne maîtrise technique de l'expression humaine des personnages (que tu as relevée) et le contenu caché dans chaque image, davantage de maestria technique au niveau des décors et de l'encrage en aurait fait un album réellement excellent.
4 De callixte - 09/08/2011, 17:57
Plusieurs précisions :
Comme nous intervenons à deux sur le dessin des pages, tout le trait a été réalisé à la palette graphique sur Photoshop (comme c'était déjà la cas sur les deux précédents albums). Mais nous n'avons utilisé ni outils vectoriels ni modèles 3d... Les perspectives ont été construites manuellement en fonction des nécessités de cadrages sur la base de la documentation photo d'époque (toujours utile pour une bd historique), exactement comme sur les tomes précédents aussi ! La seule différence, c'est que nous sommes passé d'un trait bitmap 1200 dpi à un trait niveaux de gris 600 dpi pour des questions de poids d'image et de confort de travail (puisqu'on est sur un forum de geek, je donne la version technique ^^), ce qui joue un peu sur la finesse et l'aspect du trait...
Concernant la répartition du boulot, j'ai assuré toute la mise en page et la construction des images ainsi que le dessin des persos (à la place d'Emilio) et la couleur (comme auparavant). Olivier s'est chargé du scénario ainsi que du dessin définitif des décors et des voitures (bref, rien de nouveau pour lui). C'est dit sur la page de titre ^^
Mais bon, nous prenons bonne note de cette avalanche de critiques en espérant pouvoir faire mieux sur le prochain tome...
Voilou.
5 De Da Scritch - 09/08/2011, 19:39
Je ne peux que féliciter Callixte d'avoir répondu en tout franchise, qui plus est avec respect et honnêteté après ma critique qui n'était pas forcément positive.
Au moins, je peux manger mon texte pour m'être avancé un peu rapidement sur la méthode d'exécution du dessin.