Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 15 Octobre 2011.

Paris swingue dans le rockabilly au début des années 1960s, et la plupart des groupes dans le vent font des reprises, des traductions des rockeurs Américains. C'est le cas de Vincent et de son groupe les Gold Star qui se préparent pour participer au tremplin du Golf Douot. Qui peut dire s'il ne vont pas finir par monter sur la scène de l'Olympia, et y faire hurler les filles dans le public ?

Vincent s'appelle en fait Mohand. Cela ne se voit pas vraiment sur son visage, mais il est arabe, et vit avec sa famille à Saint-Denis, dans le bidonville. Son père lui passe un savon car il est rentré à minuit. Pas vraiment pour une histoire de convenances, mais plutôt parce que les Arabes n'ont pas le droit de sortir. La France est en pleine guerre dans sa colonie Algérienne, et le préfet de Police de Paris, Maurice Papon a été nommer pour lutter à tout prix contre le FLN. Il a instauré un couvre-feu entre 21h et 5h, appliqué exclusivement envers les arabes. Qui plus est, depuis quelques semaines, des cadavres sont repêchés dans la Seine, et leur couleur ne fait aucun doute.

Une inégalité, une vexation, un racisme à peine voilé et intolérable au pays des Droits de l'Homme. Fort logiquement, la population Algérienne à Paris se concerte pour manifester son malaise. Le FLN fait passer le mot d'ordre que la manifestation doit être pacifique et sans aucune arme.

Le père de Mohand/Vincent insiste pour qu'il vienne à cette protestation, alors que c'est justement le soir du tremplin au Golf Drouot. Mohand faussera compagnie aux siens et ira jouer sur scène.

Cette petite protestation se déroule il y a exactement 50 ans. Entre 20 et 30 000 Algériens et sympathisants répondent à l'appel. La manifestation du FLN dans Paris sera réprimée par le préfet Papon dans le sang. On estime que le nombre de protestataires tués par la police est entre 100 et 200. Le massacre du Métro Charonne est terrible, la police ayant utilisé des mitrailleuses pour repousser, disperser voire assassiner dans le tas. Des dizaines de personnes seront basculées par dessus les ponts dans la Seine, et accueillies sur les berges par les bâtons des CRS.

La tragique nuit du 17 Octobre 1961 reste une des heures terriblement noires de la Vème République, derniers soubresauts d'une époque colonialiste révolue, ou les citoyens étaient classés entre blancs et indigènes. Une tâche noire qui envenime encore les esprits : Aucun responsable politique Français n'a réellement été inquiété. Maurice Papon, instigateur de ce massacre, restera à son poste jusqu'en 1967.

Cette BD est une œuvre de mémoire, par Daeninckx qui petit a vu ces exactions et l'on profondément marqué son premier roman sera « Meurtres pour mémoire », car les victimes de cette sanglante répression furent oubliés à la fois par les autorités et leurs propres familles. Choc de l'horreur. Cette BD est préfacée par Benjamin Stora, historien spécialiste de l'histoire de l'Algérie Française et le scénario a été co-écrit par l'historien Jean-Luc Einaudi qui vient de sortir une nouvelle édition de son ouvrage de référence « La Bataille de Paris ».

À noter, si vous êtes sur Paris le 27 Octobre, un débat avec les auteurs, des historiens et des politiques sur la mémoire et le déni lié à cet histoire.