Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 21 Janvier 2012.

Basile Far est dans un train, en train de maugréer sur la qualité de restitution de son baladeur MP3... on tourne la page et nous nous retrouvons dans un noir et blanc avec un tramage grossier, comme une BD publiée dans feu France Soir. Basile Far descend dans un village pas très loin de Carcassonne. Il prend une chambre dans un hôtel, et en tant que seul client de l'établissement, la question lui est posée par celle qui gère l'établissement ; il dit qu'il est venu pour faire une enquête. Faute de service de location de voiture dans le secteur, Basile en emprunte une au médecin du village.

Le voilà qui inspecte, qui regarde les lieux, les passages, les rues, les chemins qui longent le Canal, mais pratiquement pas de questions à poser dans l'immédiat.
C'est clair qu'il cherche quelque chose, mais que cette enquête est tellement importante qu'il se garde de toute impatience. Les questions viendront toujours bien assez tôt.

Un livre revient tout le temps, « l'Affaire Saint-Fiacre » de Georges Simenon, une enquête du Commissaire Maigret où il revient dans le village de son enfance, et c'est exactement ce que nous comprenons : si l'enquête de Basile Far ne nous est pas dévoilée, le lecteur en comprend vite sa difficulté car le détective est de retour dans un village qu'il connaît très bien, mais où quasiment personne ne le reconnaît.

La narration est présente pour rappeler l'ambiance du roman noir. Et pourrait vous faire échapper à la lecture des constructions méticuleuses, de mises en scènes travaillées sur les éclairages et les cadrages. Une fois de plus, Frédéric Bézian sait faire monter une ambiance dans une planche, on sent l'influence des films des années 1950s, mais aussi des Expressionnistes Allemands, de belles leçons de BD se découvrent en avançant dans l'histoire.

Au bout d'un moment, le lecteur se pose la question de la réelle finalité de cette enquête, et c'est là que l’intention de l'auteur se dévoile.
Bézian nous renvoie à nous même, nous questionne sur nos racines, notre enfance perdue, nos émotions passées. La vie tourne au polar lors du premier souvenir venu et pose la question des petits riens qui font ce que nous sommes. Réellement.
Vous connaîtrez le fin mot de l'enquête, mais ce n'est pas l'élément le plus important de l'histoire.

L'inconvénient de la radio, c'est qu'on nous écoute

Y'a plein de choses que j'ai manqué dans cette chronique. À la lecture de son interview sur ActuaBD (publié après la lecture de ma chronique à l'antenne), j'apprends l'importance de son travail de cadrage dans cet album, dans l'idée de donner les perspectives d'un enfant. Alors que je l'avais déjà noté ailleurs.

À Angoulême, je croise Frédéric Bézian. Cet homme à la carrure impressionnante, ce performer capable de vous scier les jambes en improvisant au piano une bande-son pour « le Cabinet du Docteur Caligari », cet auteur complet et entier, bref, Frédéric est un ami. Et quand il se pense sur vous avec sa puissante voix grave, sa présence vous coupe du brouhaha ambiant.

« J'ai écouté ton émission, c'est très bien ce que tu dis. Sauf que je ne faisais par référence au livre : Je parlais du film ! »
Et voilà, ça m'apprendra à rédiger mes chroniques un samedi matin, dans le rush de la préparation de l'émission radio.

Merci Frédéric.
Merci de nous dire que oui, on est écoutés et que mon travail n'est pas vain,
merci de nous rappeler que le travail de critique souffre aussi des imperfections.