La Grèce paie très cher, très très cher des années de tricherie financière pour intégrer l'Europe, pour organiser les Jeux Olympiques, pour dissimuler la même dette toxique. Et à l'heure où le FMI avoue plus ou moins que oui, ils se plantent sur la résolution de la crise économique, la troïka des financiers était à Athènes et n'acceptait d'ouvrir une ligne budgétaire à l'état Hellénique que s'il licenciait immédiatement un certain “volume” de fonctionnaires .

Ne pouvant virer comme cela des fonctionnaires, Athènes a fermé la boîte à saltimbanques. Hier à 17h, le Gouvernement annonce l'arrêt immédiat des radios et télévisions publiques pour des raisons financières.

Comme ça, couic

À minuit heure locale, les émetteurs sont coupés par la Police, les salariés virés, la boîte gelée.

Outre que vous trouverez ici un excellent papier qui en explique les raisons non-avouées, je ne sais pas si vous vous rendez compte de l'importance de cette décision pour une petite démocratie.

Car la Grèce est un de ces pays où l'Exception Culturelle n'est pas un vain mot : Le bassin linguistique de sa langue ne dépasse pratiquement pas ses frontières, contrairement au Français, à l'Anglais et à l'Allemand. L'audiovisuel public, c'est donc le moyen de faire vivre sa langue nationale par la production de documentaires et de dramas. Deux missions qui ne sont pas vraiment dans les obligations du secteur privé.

Là, il faut se poser la question d'une mission régalienne

L'État doit protection, justice, soutient et éducation à ses citoyens. C'est dans ce cadre qu'une démocratie gère un service audiovisuel. Mais ce n'est pas une obligation. Par exemple, et à l'exception d'un service extérieur, il n'y a pas de secteur public aux États-Unis, PBS est une fondation privée et la chaîne parlementaire C-SPAN, une entreprise privée.

En Europe, co-existent 3 domaines dans la radio, la télévision et l'internet :

  • Le secteur public, souvent le premier apparu, ancien monopole, financé en partie par une redevance
  • le secteur privé, souvent adossé à de grands groupes industriels, financé par la publicité et les produits dérivés
  • et le secteur associatif, aux modestes moyens et financé par souscriptions et subventions publiques (full disclosure : et auquel je participe)

Or le problème du secteur public, c'est qu'il est bien souvent trop sous le contrôle du pouvoir exécutif. C'est encore une très grande question en France qu'on tente de résoudre. C'est actuellement l'objet d'un Nième projet de loi comme le fait remarquer Marc Rees ce matin.
Est-ce que le fait de payer la redevance audiovisuelle nous dispense d'en faire un contre-pouvoir politique ? Réellement indépendant ? Et de sanctionner les abus et dérapages par nous-mêmes ?

Je crois en la puissance éducative des médias publics. Quand dans les années 1970s, la télévision publique Portugaise a décidé de ne diffuser les productions étrangères qu'en VOST, l'analphabétisme s'est résorbée en dix ans. Je crois dans la nécessité de reverser au public. La télévision Danoise a libéré les logiciels qu'elle développe, la BBC participe au développement web. La télévision Norvégienne a libéré 7 heures de vidéo HD prise dans un train, voyage brut qui a eu un énorme succès à l'antenne. En face, pour accélérer sa popularité, la télé publique Qatari Al-Jazeera produit ses reportages en Creative Commons.

Il est peut-être temps de revoir ça à échelle Européenne

On a des services publics très forts en Europe. Et surtout très indépendants. Des émissions comme Cash Investigation d'hier sur l'évasion fiscale qui n'hésite pas à bousculer des hommes politiques peut importe leur bord, c'est loin d'être l'exception au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Europe Du Nord.

Parce que dans ces pays, les directeurs de ces institutions ne sont pas nommés par le pouvoir. Ils ne sont donc pas entravés, à craindre les remontrances d'un quelconque Ministère de la Culture et de l'Information. Leur budget n'est pas dans le budget de l'État, mais via une taxe parafiscale et des produits dérivés. L'équilibre du temps de parole et surtout la neutralité de l'information est garantie, via une tutelle totalement indépendante du pouvoir. Et surtout, les téléspectateurs sont parties prenantes dans le conseil d'administration. La BBC Trust a accès aux subsides publiques dans le cadre d'une Charte Royale.

En contrepartie, le secteur privé est tiré vers le haut, et leurs productions montent elles aussi en gamme et en indépendance. C'est une course au mieux-disant.

Dans d'autres pays Européens, dont… la France… la direction publique change au gré des changements de Majorité Camériste. De même que pour l'autorité de contrôle audiovisuelle. L'information est dictée par le pouvoir en place, de même que les animateurs des émissions de divertissement. Et pour ajouter à la confusion, elle tire une part non-substantielle de son budget par la publicité et le parrainage.

Rouge antenne

Est-ce normal qu'en Europe, ces médias publics soient teintés politiquement ? Est-il normal dans notre pays qu'on sabre son budget parce que le patron a été nommé par le précédent locataire de l'Élysée ? Est-il normal que le moindre animateur d'un quelconque jeu jette une suspicion par la manière dont il est revenu à l'écran ou qu'un journaliste se retrouve placardisé ? Est-il normal qu'on vire un chroniqueur car il dit la vérité sur une industrie ?
Il est temps d'en finir avec ces méthodes des années 1970s, et de tirer vers le haut les critères démocratiques.

Je crois qu'il est temps que l'Europe convienne d'un standard audiovisuel. Non pas technique, mais moral. Pour que la question du financement d'un organe audiovisuel public ou de sa gestion administrative ne posent plus des questions malsaines de jeux de pouvoir.

Et tant qu'on y est, revoir les licences d'utilisation, de ré-utilisation, garantir un minimum de contenu que le grand public puisse y puiser.