Dans les négociations entre l'EU et les États-Unis, il est question de Neutralité d'Internet. Or, celle-ci semble directement torpillée par Neelie Kroes, la commissaire européenne chargée de la société numérique sous les conseils trop bien avisés des opérateurs télécoms. Vendredi dernier, l'excellent Pierre Beyssac a rappelé en quoi le Minitel est l'exemple frappant qu'on en a besoin.
Ce billet a été motivé par une drôle de réaction, celle de Stéphane Soumier. Ce journaliste que j'estime et adule, présente la matinale de BFM Business. Il s'intéresse beaucoup au domaine des start-ups, de nouveaux acteurs économiques qu'il aime mettre en avant, comme exemple qu'en France, on peut créer de nouvelles industries.
Mais là, j'ai été surpris par cette tirade, alors qu'il était en vacances.
Car la fin de cette foutaise de neutralité du net sera bien le 1er acte de renaissance d'une puissance numerique/telecom en Europe
— Stephane Soumier (@ssoumier) July 20, 2013
Comme ça, pof, un Samedi matin, alors que je suis censé préparer mon talk-show.
S'ensuivent des échanges plus ou moins enflammés, ce qui se montre dangereux en cette période caniculaire… Je vous conseille de lire l'ensemble des réponses, et y'en a eu encore d'autres après.
Je crois qu'il y a une incompréhension de la Neutralité du Net. Alors tentons une analogie.
Je déteste les analogies car se sont des simplifications, et bien souvent, on tente de comparer l'incomparable. Donc pardonnez les inexactitudes, ça fait partie de l'exercice.
Disons qu'une trame TCP/IP = 1 Euro. Ça vous va ?
Disons qu'Internet, ce sont les flux financiers, et les paquets de données, l'argent.
À la base, l'argent est neutre. Il s'échange entre acteurs avec plus ou moins d'équilibre. Quant aux mouvements financiers, ils peuvent tout aussi bien financer la drogue, des guerres, des pédonazis et le piratage musical, que construire des industries, soutenir des associations, faire émerger de nouveaux succès, soigner des maladies, apaiser la faim dans le monde, etc…
Pour recevoir ou envoyer de l'argent, vous êtes obligés de passer par des FAI, qu'on appelle des banques. Il y a des banques Grand-Public (Orange, SFR, Bouygues, Free), des banques privées (OVH, Nerim), des banques associatives (Tetaneutral) et des banques d'affaires (Level3, Cogent). À la différence des Grandes-Publiques, les autres ne s'occupent que des entreprises ou qui ne font que de l'internet, pas d'offre triple play.
Car pour proposer leur service à un prix aussi bas, les banques grand-publics packagent leurs offres dans une box, dite triple-play qui fait à la fois compte de dépôt, assurance (sur les opérations bancaires) et crédit revolving. Elles ont aussi d'autres services annexes, des contrats d'assurance dans l'immobilier ou la santé, des offres de téléphonie mobile, des services d'abonnements à des journaux, de livraisons de fleurs et pizzas, des filiales construisant des lotissements, etc…
Leur business model est simple : Augmenter le panier mensuel du client par leurs services, donc faire monter l'ARPU et donc atteindre une marge plus importante.
Prise d'otage
Seulement, le problème, c'est que le client se tournera vers un service parce qu'il correspond à son attente et pas parce qu'un kiosquier lui offre sa version à sa marque quand on est venu pour tout autre chose. Donc les clients rapportent moins aux banques grand-public qui avaient un concept de guichet à tout-faire (vous vous souvenez des "portails" d'il y a dix ans ?). Les clients restent chez eux car l'offre de base n'est pas chère, mais du coup, pour ces banques, entretenir leur infrastructure est bien moins intéressante puisque les mouvements financiers bénéficient à d'autres opérateurs qu'elles.
Pourquoi prendre une assurance santé chez son banquier ? Ou un forfait mobile ?
Devant la situation pas aussi profitable, voyant les flux de paiement leur échapper pour des services concurrents, les banques demandent donc à supprimer la neutralité de l'argent. Cela veut dire qu'elles pourront intercepter une demande de crédit prévu pour acheter une maison individuelle et le bloquer, si cet achat n'est pas fait chez leur filiale lotissière.
Et donc passer du rôle de facilitateur de flux à censeur-péagiste.
Aux mauvais maux, les mauvais remèdes
C'est donc pour soi-disant combattre Google, Netflix, Apple, Microsoft, name-every-evil-successful-and-american-internet-service que les opérateurs européens souhaitent la fin de la neutralité d'internet. Parce que tout simplement, ils seraient incapable de négocier correctement des accords de peering ou de remonter la note aux utilisateurs finaux. Ben voyons. Si Dailymotion pourtant apparu avant Youtube n'a pas réussi à percer, on va dire aussi que cé-la-faut'-au-neutre ?
Si le problème est de combattre les positions monopolistiques de certaines entreprises, casser la neutralité du net ne résoudra en rien la situation. Elle empêchera tout nouvel entrant de se faire une place, puisque les banques en face auront leur service concurrent. Le problème est que les offres périphériques qu'elles proposent ne marchent pas.
Voila de Orange ou (défunt) Dir.com de Free n'ont jamais percé car le produit était très mauvais, même face à Lycos. C'est dire. L'offre séries-tv en rattrapage ou en paiement à la demande proposée via les box des opérateurs est tellement indigente qu'évidemment les FAI pleurent de voir arriver Netflix en France. Mais cette situation n'existe que parce que les offres qu'ils proposent via leurs box sont pauvres.
Alors évidemment que les méchantes grosses boîtes américaines percent en France, si localement les gouvernements ont passé plus de temps à combattre l'innovation et le financement plutôt qu'à la libérer. Et ce n'est pas en créant un nouveau cadenas stupide qu'on résoudra la situation.
Bien au contraire, on arrivera à une forme de censure économique non-dite, qui cassera des initiatives privées, voire amènera à une réelle censure politique. Et ça, c'est inacceptable.
La neutralité de l'argent est une idée à défendre absolument, tout comme la neutralité d'internet.
12 réactions
1 De Migroogle - 22/07/2013, 13:50
Parfait, rien d'autre à ajouter, ça résume exactement la situation.
2 De soumier - 22/07/2013, 20:01
Bon alors 1/ faudra une petite révison de Bâle 3 sur les nouveaux modèles bancaires ! Justement aujourd’hui, le client particulier est à nouveau roi. Pas l’entreprise, c’est bien le pb, mais ce n’est pas ce qui nous occupe
Donc 2/ ce qui nous occupe, c’est le réseau. Et (et c’est étonnant que vous n’en parliez pas, les 10 aines, 100 aines, milliards à l’échelle du continent) les investissements indispensables à la déferlante de l’internet mobile.
Qui doit payer ? Les opérateurs évidemment. Comment rentabiliser les investissements ? Par des péages, comme pour les autoroutes les plus efficaces, les ouvrages d’art etc… Or, que voit-on, OMG ! Un camion ne paye pas le même prix qu’une voiture. Atteinte intolérable à la neutralité des déplacements ? Ben non, logique économique des plus basique. Il est quand même incroyable que vous pensiez qu’une start-up devrait être traité comme Youtube ! Orange ne le pense pas. Elle aimerait bien pouvoir d’une manière ou d’une autre subventionner son éco-système, faire croitre de futurs clients, de futurs service, et reporter une partie de la facture sur les gros donneurs d’ordre. Impossible. Neutralité du net oblige.
L’hiver dernier, quand j’avais regardé les choses de très près, les relations Youtube/opérateurs français étaient très tendues. Et d’ailleurs je crois (pas d’info là-dessus, juste conviction) qu’il faut lire entre les lignes le rapport de l’ARCEP sur les relations avec Free. Perso j’aime bien Silicani. Il sait que son secteur marche sur un fil, je crois qu’il joue un peu avec la règle et l’esprit de la neutralité du net justement.
Parce qu’avouez que c’est un truc de dingue qui n’a d’équivalent nulle part. Vous construisez des routes et vous êtes ensuite dans l’obligation de les mettre de manière égale à la disposition de tous. Pas rentable ? Augmentez donc les prix, pour tout le monde. WTF ?? A l’arrivée, après 20 ans de neutralité, c’est la phrase de Lombard : « nous construisons des autoroutes sur lesquelles ne roulent que des voitures américaines ». (mais pas question de « guerre » ! Les réseaux ont trop besoin de Youtube, faut juste qu’on ait les moyens de les faire payer à la mesure de la place qu’il occupent)
Ce truc est tellement simple. Je me suis donc demandé pourquoi vous ne compreniez pas. Je crois avoir trouvé. L’histoire. Vous restez sans doute avec l’image d’une DGT administrative et omnipotente jamais à l’abris d’une connerie. Pas faux. Je crois quand même que les opérateurs télécoms ont changé, et que surtout, une très forte régulation concurrentielle les empêchera de recommencer leurs conneries
Vous le savez, je ne suis pas vraiment journaliste. Plus observateur/animateur. Grace à ce statut hybride, je peux approcher de très près l’intérieur de certaines entreprises. J’ai pu le faire avec Orange. Leur situation est la suivante : le poids de la régulation tous azimuts est tel aujourd’hui, qu’il n’ont en fait plus aucune marge de manœuvre. C’est très grave pour une entreprise que de n’avoir aucun moyen de se garantir une voie de croissance. Parce que toutes leurs innovations/inventions devront être « partagées » d’une manière ou d’une autre.
Il faut en sortir. C’est franchement notre avenir économique qui se joue là
3 De Migroogle - 22/07/2013, 20:49
Puisqu'on utilise des métaphores ici, ce que veulent certains opérateurs, c'est regarder les paquets dans le camion, regarder d'ou il vient et en fonction établir un prix et faire payer le fabricant du paquet. Personne n'accepterait ça sur une autoroute
4 De JM Planche - 22/07/2013, 21:38
Je crois vraiment que vous avez raté quelques épisodes sur l'Internet et que votre raisonnement s'explique par cela car franchement, ce que je lis n'a ni queue, ni tête.
La conclusion est d'une rapidité lapidaire qui ne s'étaye absolument pas sur le propos tenu qui lui même est assez surprenant, tant pour un observateur avisé, que pour ceux qui ont participé et participent au dispositif.
A ce stade, il faudrait vraiment une grande discussion pour vous amener à comprendre que l'Internet ne procède pas de la logique économique que vous comprenez et peut se rentabiliser quant on en est l'un des opérateurs sans viser l'herbe que l'on pense plus verte ailleurs.
Le comprendre et le mettre en pratique permettrait de développer un écosystème serein et oui ... une partie de l'avenir économique de nombreuses personnes s'y joue. Le problème n'est pas de sortir d'une pseudo neutralité, mais d'y rentrer vraiment de facon à ne pas tout mélanger et que chacun fasse correctement son métier sans espérer que ses pertes soient compensées en faisant mal celui des autres.
5 De Da Scritch - 23/07/2013, 11:40
JMP s'exprimait vis-à-vis de la réponse de SS si vous aviez un peu lu en diagonale.
Une autre analogie, à base de concessionnaires autoroutiers : https://n.survol.fr/n/differencier-...
6 De JM Planche - 23/07/2013, 15:05
>Laissons les opérateurs d’autoroute créer de la valeur.
Effectivement, tout est dit ... laissons une catégorie des quelques uns comme je les appelle, s'arroger de la ressource publique et du bien commun pour faire ch* tout le monde au mépris des règles élémentaires de sécurité.
Vivement les autoroutes réservées aux vacanciers entre 2h et 3h du matin, sur la voie de droite, alors que ceux qui payeront pourront ENFIN rouler 24hx24 et occuper tout l'espace.
Pendant que nous y sommes, j'attends aussi le droit de pouvoir ENFIN circuler à plus de 300 km/h sur certaines parties d'autoroute, grâce à un permis spécial (qui s'achèterait, bien sûr et dont le prétexte serait un passage d'aptitude) et qui me permettrait, en payant la réservation de qualité de service de contenir les camions aux files du milieu et de me réserver celle de gauche. Ca c'est de la création de valeur !
Définitivement, l'analogie entre l'Internet et les réseaux routiers est tombée depuis Gérard Théry et sa resucée des "autoroutes de l'information".
L'Internet est d'une autre essence, bien plus que cela et bien moins à la fois, puisque ce n'est qu'un moyen de mettre en "liaison" des machines.
Si on veut rester dans les analogies, je vous conseille plutôt de regarder du coté de l'introduction de "une brève histoire de l'avenir" d'Attali. Son explication de la tripartition du monde est très intéressante et permet de remettre un peu d'humilité aux partisans de l'ordre marchand à l'extrême ... quand on sait que la plupart des civilisations (toutes ?) ont "collapsées" à la fin de l'ordre marchand ... ca calme.
7 De Eric D. - 23/07/2013, 17:15
> Or, que voit-on, OMG ! Un camion ne paye pas le même prix qu’une voiture. Atteinte intolérable à la neutralité des déplacements ? Ben non, logique économique des plus basique.
J'adore parce que c'est justement l'objet de mon billet avant même que je lise votre commentaire : https://n.survol.fr/n/differencier-...
Dans votre exemple Orange ne dit pas "lire une vidéo coûtera plus cher que lire un mail" (ce qui serait logique, la vidéo occupe plus le réseau que le mail, de la même façon que le camion occupe plus le réseau que la moto). Orange dit "si ça vient de chez Google ça coûte plus cher", ce qui est très différent (et qui revient à dire "Mercedez faisant pas mal de camions, je fais payer les Mercedez, y compris les voitures et motos de la marque, mais pas les camions Fiat"). C'est très différent.
Très bonne illustration du problème sur le réseau 3G (qui est un des seuls où la notion de saturation peut rendre pertinent l'application de règles fortes) : Vidéo, cloud et streaming musique sont les activités qui encombrent le plus le réseau data 3G. Si c'est TV Orange, cloud Orange ou Deezer c'est illimité, sinon c'est soumis au quota / fair use. On voit bien que c'est une arme économique plus qu'une question d'occupation du réseau.
> Elle aimerait bien pouvoir d’une manière ou d’une autre subventionner son éco-système, faire croitre de futurs clients, de futurs service, et reporter une partie de la facture sur les gros donneurs d’ordre.
Damned, subventionner son propre écosystème ? fausser la concurrence ?
Quant au gros donneur d'ordre, sur une vidéo Youtube, celui qui donne l'ordre c'est l'usager, pas Google. C'est vrai autant au niveau fonctionnel qu'au niveau technique. Pire, en allant plus loin et en se concentrant uniquement sur les relations Orange-Youtube et en ignorant l'usager : C'est Orange qui demande du trafic à Youtube, et ce dernier qui obéit. Techniquement s'il y en a un qui devrait payer l'autre pour l'usage généré…
> Augmentez donc les prix, pour tout le monde. WTF ??
> « nous construisons des autoroutes sur lesquelles ne roulent que des voitures américaines ». (mais pas question de « guerre » ! Les réseaux ont trop besoin de Youtube, faut juste qu’on ait les moyens de les faire payer à la mesure de la place qu’il occupent)
Vous vous contredisez vous-même. Le problème est-il une question de volume et d'occupation ou une question de pays d'origine ?
Accepteriez-vous que les US fassent payer Dailymotion sous prétexte qu'il est français ? Je doute que l'économie française sorte gagnante à ce petit jeu, nous serions incapables de monter un business international sans payer des frais que les autres n'ont pas.
À l'inverse, si vous voulez faire payer tout le monde en fonction de l'usage réel du réseau, vous trouverez bien moins d'opposants. Mais dans ce cas arrêtons avec cette démagogie du "youtube n'est pas français". Le protectionnisme a bon dos mais là même économiquement ça n'a aucun sens.
> Ce truc est tellement simple. Je me suis donc demandé pourquoi vous ne compreniez pas.
> Vous le savez, je ne suis pas vraiment journaliste. Plus observateur/animateur.
Je n'aime pas jouer de l'argument d'autorité mais puisque vous le faites : Nous ne sommes pas des animateurs. Pour partie nous sommes des experts techniques. J'ai la chance d'être à la fois expert technique du web et de monter une startup pour un service web. Peut-être faut-il aussi écouter ceux qui sont réellement dedans
> C’est très grave pour une entreprise que de n’avoir aucun moyen de se garantir une voie de croissance.
Certes. Mais si l'entreprise se rend incapable de facturer les services à ceux qui l'utilisent (ici ce n'est pas Youtube, mais bien l'usager) et se sentent obliger d'imaginer taxer les autres acteurs du milieu qui eux arrivent à être rentable, moi je dis que c'est surtout là qu'il y a un grave danger.
8 De Pierre Beyssac - 23/07/2013, 18:54
En réponse à S. Soumier :
1) non, ce n'est pas la peur du fantôme de la DGT. C'est bien la méfiance vis à vis de la mentalité telco (cf mon billet lié par Dascritch, que je remercie) qui n'a pas bougé d'un millimètre depusi 30 ans.
2) la création de valeur : très bien, pourquoi pas. Mais la différenciation de trafic pour en extraire le maximum tarifaire, ce n'est en rien de la création de valeur, c'est l'entretien d'une pénurie pour faire augmenter les prix. Autrement dit de la spéculation par abus de position de force (voire dominante). Aucun réel service nouveau pour le client ni pour la société. Tout ce qu'on peut reprocher à des boites à courte vue et absence de vision.
3) Internet semble être reconnu comme un élément vital et essentiel du développement de nos sociétés modernes. Si c'est le cas, il doit être traité comme une commodité, un bien de première nécessité, c'est à dire le contraire d'une vache à lait. C'est la moindre des choses si on veut vraiment préserver l'intérêt général.
4) la politique industrielle d'État, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit... n'a abouti qu'à de belles et chères casseroles ces dernières années. Excusez donc mon scepticisme mais il est motivé par l'observation de la réalité.
5) pourquoi faut-il que la France (et ici l'Europe, c'est plus rare) regarde perpétuellement dans le rétroviseur pour chercher quels bâtons à mettre dans quelles roues dans une logique étriquée et mesquine, plutôt que chercher de nouvelles voies... ça en dit long sur le manque d'imagination de certains "décideurs" et technocrates.
6) "C’est très grave pour une entreprise que de n’avoir aucun moyen de se garantir une voie de croissance". "se garantir" ! Pardon ? Mais la voie de croissance n'est jamais garantie, et a fortiori quand on est une entreprise mûre de la taille d'un telco même nationale ; même en économie administrée cela ne marche pas. En tout état de cause, ce n'est pas au législateur de l'imposer au détriment de l'intérêt général.
9 De soumier - 24/07/2013, 00:58
Bon alors , commençons par [ « L'Internet est d'une autre essence, bien plus que cela et bien moins à la fois » ], celle là je vais me l’encadrer. Donc faut le comprendre comme une transcendance, c’est ça ? L’internet immanent « au dessus de toute chose et toute chose en dessous » (désolé, celle là elle ne sort pas des tontons flingueurs. Ben oui, c’est le débat moderne, sur twitter et sur le forum, faut suivre). Donc c’est la permanence quasi divine du gb/seconde. Formid ! Effectivement pourquoi on s’emmerde avec des réseaux puisque l’internet EST.
La fin est plus intéressante :[ « un peu d'humilité aux partisans de l'ordre marchand à l'extrême ... quand on sait que la plupart des civilisations (toutes ?) ont "collapsé" à la fin de l'ordre marchand ... ca calme. »]
En fait je ne comprends pas bien ce que ça veut dire (si les civilisations ont « collapsé » à la fin de l’ordre marchand, faut le maintenir à tout prix, non ? ), mais plane là dedans un truc qui va vous faire hurler, je le sais déjà : un peu comme le mythe de l’obsolescence programmée, cette affaire de neutralité du net est un des nouveaux habits de l’anti-capitalisme. ATTENDEZ… commencez pas à hurler… je ne dis pas que c’est systématiquement de l’anti capitalisme, je dis que parfois c’est un angle d’attaque. Voilà pourquoi d’ailleurs ça m’intéresse tant.
Ensuite : j’en redemande moi des avis d’ingénieurs, allez y les mecs, j’accepte parfaitement l’argument d’autorité.
Mais ce qui me surprend c’est que justement vous ne parlez pas de vitesse de débit, quand les opérateurs me disent que c’est la clé. Vous ne parlez pas du seul défit important, celui de l’internet mobile, quand les opérateurs me disent que c’est là qu’ils ont un problème. Pas sur le fixe. Jamais sur le fixe. [« Internet semble être reconnu comme un élément vital et essentiel du développement de nos sociétés modernes. Si c'est le cas, il doit être traité comme une commodité, »] , mais tout le monde est d’accord là-dessus, la question c’est : à quelle vitesse ? sur quels device ?
Un mot sur Merco et les autoroutes. Oh, là c’est moi qui vais faire un argument d’autorité : c’est pas Merco qui fait dur CA sur autoroute, c’est Dentressangle. Et pour le coup quand Mercedes vend un camion en France, on peut y mettre de la TVA et de l’IS. Google, visiblement, c’est plus compliqué. Et puis, encore une fois, mais je vais arrêter parce que vous ne voulez pas l’entendre, rien, dans aucun secteur, n’est comparable à l’importance de Google aujourd’hui sur le trafic internet (et donc, je suis d’accord, chercher un point de comparaison dans un autre secteur est absurde)
Enfin, [ "se garantir" ! Pardon ? Mais la voie de croissance n'est jamais garantie »] oui, vous avez raison, j’ai écrit trop vite, de même que vous m’avez convaincu de ce que les opérateurs essaient de régler d’autres problèmes et leur manque de vision stratégique sur le dos de la neutralité du net.
10 De Eric D. - 24/07/2013, 11:36
> Mais ce qui me surprend c’est que justement vous ne parlez pas de vitesse de débit, quand les opérateurs me disent que c’est la clé.
Parce que le débit est une question neutre justement. Le débit se moque de savoir si la vidéo vient de Youtube ou de Dailymotion.
La neutralité ne contredit pas la possibilité de facturer au volume ou à l'usage, ça contredit l'idée de facturer suivant l'origine ou la nature des paquets.
> Vous ne parlez pas du seul défi important, celui de l’internet mobile, quand les opérateurs me disent que c’est là qu’ils ont un problème. Pas sur le fixe. Jamais sur le fixe.
Là il y a une discussion intéressante.
Nous savons tous que le problème n'est pas sur le fixe. Pourtant c'est aussi là qu'est le premier risque. C'est bien aussi sur le fixe qu'on voit venir des choses dangereuses.
Ceci dit, parlons de mobile, disons 3G. Les fréquences étant limitée, on peut discuter d'un problème potentiel. Je dis potentiel parce qu'on nous parle de pénurie depuis longtemps, justifiant les quota de fair use. Pourtant quand Free arrive avec des gros consommateurs et des quotas triplés, c'est magiquement rentré dans le réseau 3G d'Orange sans ralentissement des usagers existants (exclus deux couacs techniques isolés). C'est bien que de pénurie il n'y avait pas encore. L'arrivée de la 4G devrait reculer l'éventuelle pénurie d'encore plusieurs années si les opérateurs font les investissements nécessaires.
Ensuite si vraiment il y avait pénurie au niveau de la 3G on chercherait à limiter fortement les usages. Étonnamment Orange propose une TV, un cloud et Deezer en illimité, hors des quota de fair use. Ça ne cadre pas vraiment avec un problème de pénurie, mais plus avec une vision commerciale.
Tout le monde n'a pas le débit maximum aux heures de pointes, mais dans l'ensemble la pénurie (mobile ou non) est surtout une excuse qui permet de justifier une vision marketing.
Il faut bien voir que la France n'est pas magiquement différente du reste du monde, et il y a de la 3G aussi dans le reste du monde. Nous sommes un des seuls à chercher à faire financer nos réseaux opérateurs par Youtube. D'autres ont même commencé un travail législatif sur la neutralité et l'économie n'est pas tombée, les opérateurs ne sont pas morts.
Pour être même plus complet, la neutralité est au contraire importante pour que nos opérateurs se défendent contre Google ou Facebook. Parce que quand Google proposera son propre FAI en France (il le fait aux US), et que la "neutralité" sera complètement cassée, ce dernier aura le droit de proposer ses services à fort débit sur son réseau et ralentit sur le réseau des autres. Je suis certain que Orange criera à l'inacceptable alors que c'est exactement ce qu'il cherche à faire actuellement.
> on peut y mettre de la TVA et de l’IS. Google
Ah mais là je pense aussi qu'on se rejoint presque tous : Nous avons un problème fiscal du fait du montage de pas mal de multinationales.
Par contre quand je vois la France se taire sur son rattrapage d'impôts en échange d'une subvention de Google à la presse, ou qu'on tente d'autoriser des opérateurs à faire de la segmentation au détriment de l'intérêt général sous prétexte qu'on n'arrive pas à faire payer des multinationales étrangères, je me dis qu'on tape à côté. Tout ça n'est encore une fois du prétexte malheureusement.
***
Sinon pour parler technique. Il y a le débit (vitesse instantanée) et le volume (quantité de données sur une période donnée assez large).
Les problèmes d'encombrement sont essentiellement des problèmes de débit. Comprendre : Ça bloque à certains moments de la journée parce que tout le monde tente d'accéder au même moment, mais en moyenne c'est assez large. Je sais que les analogies sont toutes mauvaises mais c'est encore une fois assez proche de l'autoroute vide la nuit mais qui fait des bouchons le week-end du premier août.
Premier effet : Mettre un quota (ou un fair use) sur le volume mensuel comme on le fait en 3G est une solution qui tape à côté. Ça fonctionne parce que ça assure qu'il y a moins de trafic au total sur le réseau et parce que ça incite à ne pas consommer de vidéo, mais ça ne résoud pas le problème premier. Un peu comme si on limite le nombre de km annuel sur autoroute, ça n'empêchera pas le bouchon du premier août. Par contre c'est très efficace pour commencer à segmenter les offres et faire payer certains plus chers.
Une solution serait de dire "pendant les périodes de pointe, on limite le débit pour que tout le monde passe". Sauf que pas besoin de le faire, c'est justement ce qui se fait naturellement sur un réseau. Le problème de l'opérateur c'est que l'usager saurait que sa lenteur vient du réseau. Il est commercialement plus pertinent de désigner une tête de turc ailleurs pour reporter la faute.
La segmentation de trafic c'est désigner arbitrairement un coupable afin de le faire payer. Google - entre les questions fiscales, de vie privée, de "grosse entreprise" et de position dominante - fait un très bon coupable en ce moment. C'est pour ça qu'on se met à mélanger les questions de neutralité du net et d'impôts/taxes payés par Google alors que les deux n'ont aucune relation.
11 De Soumier - 24/07/2013, 16:15
Ça me parait très clair. Thanks ! (Bon, Google opérateur en Europe c' est pas pour demain, mais le truc est intelligent, effectivement, quand on commence à jouer aux cons, y a toujours un risque de gagner)
12 De JM Planche - 26/07/2013, 12:36
>Bon alors , commençons par [ « L'Internet est d'une autre essence, bien plus que cela et bien moins à la fois » ], celle >là je vais me l’encadrer.
Cela peut être utile pour comprendre ce dont il s'agit.
>Donc faut le comprendre comme une transcendance, c’est ça ?
Pas du tout ... juste une simple technologie pour relier des MACHINES, ayant des caractéristiques diamétralement opposées aux réseaux de télécommunications / diffusion précédents. Il faut juste parvenir à comprendre la réponse "user centric" à ce qui était précédement "network centric".
>Formid ! Effectivement pourquoi on s’emmerde avec des réseaux puisque l’internet EST.
Je crois que vous contusionnez magistralement, comme la plupart, entre l'Internet (notez la majuscule) et l'expression commerciale (capitalistique / hégémonique) de quelques uns sur le port 80.
>comme le mythe de l’obsolescence programmée, cette affaire de neutralité du net est un des nouveaux habits de >l’anti-capitalisme.
;-) ... vous pouvez opposer cet argument simpliste à mes copains dans un garage (les 4) ... mais plus difficilement à moi. Nous sommes ici dans une caricature assez amusante d'une situation ... caricaturale, il est vrai.
>Mais ce qui me surprend c’est que justement vous ne parlez pas de vitesse de débit, quand les opérateurs me
>disent que c’est la clé.
La clé de quoi ? confusion classique entre cause et conséquence, entre but et moyen.
Vous voulez comprendre ? la clé n'est pas la vitesse mais justement cette notion de neutralité. Le réseau va t'il rester "ouvert" ou non. Tous pourront ils accéder à ses bénéfices liés à son ADN ou seulement quelques uns ?
Rappelez vous : "If it's not open, it's not the Internet".
Ramener le sujet à la vitesse est faire trop vite un raccourci sur une gestion de pénurie forcée et la nécessité d'investissement qui va profiter à d'autres. On est là dans la garcimodare absolue. (du nom du célèbre magicien dont le métier est de vous occuper les yeux avec sa main droite pendant que la main gauche agit)
> Vous ne parlez pas du seul défit important, celui de l’internet mobile, quand les opérateurs me disent que c’est là >qu’ils ont un problème.
ce n'est pas le défi le plus important ... loin de là. Les solutions existent ... avec du bon sens. Nos équipementiers ont beaucoup de talent pour nous apporter des solutions à de vrais ou à de faux problèmes.
>monde est d’accord là-dessus, la question c’est : à quelle vitesse ? sur quels device ?
la question est plutôt : Open / non open ? Pour tous ? pas pour tous ? Consommateurs ? Créateurs ?
>Et puis, encore une fois, mais je vais arrêter parce que vous ne voulez pas l’entendre, rien, dans aucun secteur, >n’est comparable à l’importance de Google aujourd’hui sur le trafic internet (et donc, je suis d’accord, chercher un >point de comparaison dans un autre secteur est absurde)
Là encore, le point n'est pas la consommation de ressource que fait Google mais sa position absolument effrayante qu'il est en train d'avoir sur notre économie numérique et surtout ... réelle ... sans véritablement, depuis 15 ans qu'on alerte, une réaction à la hauteur de ... l'économie réelle.
Je vous invite à lire ceci pour vous donner quelques éléments de langages ou briques de construction de réflexion :
http://www.internetactu.net/2013/06...
>Enfin, [ "se garantir" ! Pardon ? Mais la voie de croissance n'est jamais garantie »] oui, vous avez raison, j’ai écrit
>trop vite, de même que vous m’avez convaincu de ce que les opérateurs essaient de régler d’autres problèmes et
>leur manque de vision stratégique sur le dos de la neutralité du net.
les opérateurs ne sont pas seuls dans ce cas ... regardez un peu plus loin, la force des lobbys de toute sorte, la "Culture", les Ayant-Droits ... tout ceux qui ont appris depuis des années à commercialiser leur hégémonie / leur rente / leur exclusivité. Tous ces gens qui n'ont pas travaillé sur le bien et le service mais plutôt sur l'accès au marché. Et c'est là aussi où l'Internet bouleverse tout ... mais le balancier revient vite à sa place. D'autres remplaceront ces anciens, pour le meilleur bénéfice de nous tous ... pas sûr ...