Supplément Week-End, le magazine des cultures geeks Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-End » du Samedi 7 Septembre 2013.

Ok, le prix peut sembler important, néanmoins il est dans la gamme habituelle pour une revue d'art. On aura la surprise de se retrouver avec un bel album cartonné qui ira parfaitement dans votre bibliothèque. À l'intérieur, des auteurs qui connaissent très bien leur sujet, des articles qui éclaireront le lecteur, et on a même de sacrées surprises.

Ainsi, à la lecture de ce numéro, j'ai découvert que Rob Vel travaillait “à l'américaine”, c'est à dire qu'en tant qu'illustrateur, il bossait en atelier. Le peintre qui donne vie à Spirou dans la première planche est ni plus ni moins que son assistant Luc Fafnet. C'est une information qui n'était pas très connue.
Autre chose, Rob Vel justement a choisi un groom en rouge. Il se trouve qu'une dizaine d'année avant, il a bossé comme steward et illustrateur de programmes pour un paquebot de croisières, l'Île de France, en 1930. Et c'était justement la livrée de tous les garçons de service. Et à l'époque, on y employait des ados et des jeunes adultes, avec toute l'énergie et l'espièglerie qui allait avec. C'était évident que cela collait au cahier des charges fourni par Jean Dupuis.
On en apprend aussi beaucoup plus sur les années d'occupation et comment elles furent vécues par le Journal de Spirou, comme il a pu échapper provisoirement à la censure, et comment l'éditeur et les auteurs ont travaillé pour que le personnage y "survive" les mains propres.

Ce que je trouve dommage, c'est que pratiquement tout est axé sur la période Franquin, donc les années 1950s/1960s, 20 années sur les 75 du héros. Eh oui, c'était mieux avant. Mais cela permet par exemple de faire une excellente rétrospective sur les inspirations de Franquin : les véhicules, l'ameublement et même les lampes. Les indications sont précises, claires et relatent combien la BD est alors profondément ancrée dans la pop-culture.
Cela permet aussi de mettre en perspective Franquin et Hergé qui s'estimaient mutuellement Alors que des amateurs opposaient gros-nez à la ligne claire, ce dossier rappelle combien les deux auteurs s'appréciaient, Franquin jalousait la mise en scène concise d'Hergé, lequel trouvait le sens du mouvement de Franquin incroyable.

Autre chose aussi, on esquisse les orages des transitions. Que cela soient celles de Nic et Cauvin vers Tome et Janry, ou le départ explosif de Morvan et Muñuera. Il faut dire que Thomas et moi avons été un témoin privilégié de ce moment, où d'un coup, même la renommée et la réussite d'auteurs ne vaut rien face au contrôle moral du personnage par l'éditeur. Car Spirou est devenu très vite, par la force des choses, une franchise qui appartient à son éditeur, chose qui était exceptionnelle en Europe à cette époque.

On en apprend beaucoup. En fait, il y a énormément de livres d'analyse autour de Tintin, alors que Moulinsart veut en garder un contrôle absolu, mais bizarrement très peu sur Spirou, alors que Dupuis ne demande que ça. Je vous recommande donc cet achat, qui vous fera redécouvrir la BD.