À toi qui découvre Toulouse, un détail doit te frapper. Les murs sont roses fluo, orange flashy. Ce ne sont pas des couleurs naturelles des matériaux vénérables qui composent le centre-ville : Si tu t'approches un peu, tu verras que les briques en terre cuite et le mortier sont recouvertes de la même couleur, même les grands blocs calcaires ne sont plus blancs.

Ces couleurs qui n'ont rien de naturel ni d'historique nous ont été imposées. Validées par les Monuments Historiques et badigeonnées de partout par oukaze municipal. Pourtant, ces teintes parfaitement pantone™s et modernes n'eurent d'existence dans notre ville que par un nuancier et une décision technocratique de faire du centre ville un village de carte postale. Au final, il y a cet aspect uniforme des murs, qui du coup n'ont plus leur histoire mais une patine de carton-pâte, digne d'un parc d'attraction.

Pire que tout, ami murophile, sache que tu arrives 6 années trop tard.

Sous cette couleur tartignole

Ça me fait mal de le dire, mais la mairie actuelle, d'obédience socialiste/radicale, a joué les Atila dans notre ville, et ça me fait mal au cœur.

Un mural De Mademoiselle Kat, rue de la Pomme, photo de 2006. Source : Wikipedia, creative commons..

Nous avions de magnifiques muraux signés Fafi, Kat, Miss Van et plein d'autres. Certains de ces muraux (rue des Arts, rue Baour-Lormian, rue de la Pomme, quai de Tounis, rue du Coq d'Inde) étaient réalisés en accord avec les propriétaires et régulièrement entretenus par leurs artistes respectifs.
Du jour au lendemain, Pierre “Atila” Cohen les a fait effacer, sans en aviser aux artistes, et malgré les protestations des propriétaires des murs.

Nous avions une scène artistique, une patte graphique qui était reconnue dans le monde entier, qui permettait à ces artistes d'être invitées dans des galeries d'art à New York, à Londres, à Aukland.
Nous aurions pu capitaliser dessus pour le tourisme, la culture et la médiation entre les différentes populations de notre ville.

Pierre Cohen a kärcherisé tout ça. Les murs roses fuchsia sont moches et ont fait disparaître cette vie, cette histoire moderne sur nos murs vénérables.
Cet autodafé a déchiré mon âme.

Parce ce j'aimais ces crépis décorés au pinceaux de filles qui n'étaient pas maigres comme des mannequins photoshopées. J'adorais ce mix de genre qui mélangeait street-wear, inspiration de comics ou de manga. Et surtout j'appréciais de faire des promenades, de revoir pour la n-ième fois le même mural, mais avec de nouveaux détails, d'être dans une galerie à ciel ouvert où je pouvais passer des heures à voyager sans bouger de la terrasse d'un café.

In bed with Hanky Panky Girls

Pour la peine, pour partager ma peine, j'ai ressorti une interview des Hanky Panky Girls : Kat et Fafi. À vous, les filles, votre art me manque, vos couleurs enluminaient notre ville, nous avons perdu le plaisir de l'art impromptu. On est samedi 24 avril 1999, et à l'époque, les journalistes artistiques de passage à Toulouse me demandaient de leur faire faire un tour des murs peints par les filles. L'interview complète dure 1h25, je ne vous propose que la première partie. L'intégralité sera diffusée prochainement.

Un mural de Fafi à Miami, pour le festival Art Basel de 2013. Source : TheSnobette.com (D.R.).

Ça fait 15 ans, et c'est définitivement terminé.