Ceci est une partie du script de la release Ex0022 du programme CPU, diffusé Jeudi 10/03 à 11h. Plus d'infos sur le site de l'émission. logo de l'émission CPU

Bonjour à toi, enfant du futur immédiat, toi qui sait que rien ne vaut l'amour d'une maman pour porter un projet en développement à terme.

DaScritch m'a cédé le micro pour toute l'émission. Il faut dire que les femmes ne s'y expriment hélas que trop rarement. Et hélas, encore ! DaScritch m'a refilé son texte d'intro. Ce n'est pas moi, de par ma féminité, ma sensibilité, mon indépendance, mon libre arbitre qui m'exprime !
Non ! Pour ce rustre, la Journée des Droits de la Femme n'est que l'occasion de faire dire son texte par une speakerine d'occasion.
Quel tyran ! Quel misogyne ! Quel mufle ! Quel frustré !

Malheureusement, l'ensemble de la high-tech est frappée des mêmes maux. À tel point qu'il n'y a actuellement que 15% des développeurs qui sont des femmes. Situation triste, quand on sait qu'en 1945, aux tout débuts de l'informatique, les 6 premières développeuses qu'on appelaient computer et opéraient sur l'ordinateur ENIAC n'avaient pas de confrères masculin à ce même poste.. Ou encore quand on se souvient que le premier rapport d'erreur de l'histoire de l'informatique fut rédigé par Grace Hopper, encore une femme pionnière.

Un jour de 1965, un appareil photo s'était baladé dans les mythiques services informatiques des Bell Labs ; dans lesdites photos, on note principalement des femmes, qui manipulent des bandes mémoires, annotent des sorties imprimantes et opèrent sur des terminaux. Ce n'était pas une mise en scène, mais un vrai cliché de cet environnement d'où 5 ans plus tard furent créés le langage C et le système Unix, certes créés par deux mecs. En 1967, la revue Cosmopolitan fit un reportage sur ces computer girls qui touchaient un vrai salaire d'ingénieur, ce qui était encore exceptionnel pour les femmes à l'époque, mais montrait combien le milieu de l'informatique était avant-gardiste.

Et même au-delà de nos rêves, les ordinateurs des capsules lunaires du programme Apollo furent entièrement programmés par Margaret Hamilton, une femme qui théorisera le concept même de logiciel, de conception en contrainte pour une informatique embarquée et de qualité logicielle.
Peut-être parce que la programmation informatique n'était pas considérée comme suffisamment... manuelle pour les hommes. Et pourtant, sans Margaret, ces merveilleux fous volants n'auraient probablement jamais décroché la Lune, en tout cas, ils n'en seraient pas revenus vivants.

Enfant du futur immédiat, à un moment, quelque chose s'est brisé

La tendance s'est brusquement renversée dans les années 1970s, quand une génération de développeurs sont arrivés via les hobbyistes électroniciens puis avec la micro-informatique familiale dans les années 1980s. L'informatique était devenu le truc de bricoleur, donc des garçons ; alors que les filles coiffaient leurs Petits Poneys™ ou qu'elles aidaient Maman à faire des gâteaux. On en était pas encore à vendre des jouets qu'en rose ou en bleu, mais à cette époque, une étude marketing montrait très clairement que les familles achetaient des ordinateurs familiaux principalement pour les garçons.
1984, l'année du boom de ces ordinateurs qu'on branchait sur la télé familiale (Commodore 64, puis Amstrad, Atari ST et Amiga), marque aussi le début de la courbe descendante du ratio hommes/femmes dans les écoles d'ingénierie informatique.

Et depuis, on a chuté. Nous sommes passés de 25% des ingénieurs développeurs femmes dans les années 1980s à 15% actuellement.

Ouvrons les yeux et les narines : de nos jours, ça pue la sueur masculine dans les open-spaces. Les classes de techniciens informatiques ont cette répugnante odeur de vestiaire de salle de gym, faute de filles dans les effectifs pour que les garçons songent à se doucher plus d'une fois par semaine.
Je veux parler de vraies filles, en 3d, en chair et en os, pas celles en fond d'écran, souvent des fantasmes issues de dessins-animés ou de jeux vidéos dont la garde-robe est aussi légère que le nombre de répliques intelligentes que ces mecs pourraient aligner pour faire chavirer un cœur.

Oui, le code est devenu un club men only. Au point d'arriver à en dégoûter même les développeuses les plus motivées. Ainsi Sarah Sharp qui fut une contributrice assez importante du kernel de Linux pendant 7 ans a jeté l'éponge, annonçant publiquement qu'elle était lasse de la manière assez brutale qu'ont les membres de cette communauté pour discuter. Sous-entendu, des remarques sexistes assez brutales qui passaient parfois dans certains messages de développeurs dont les commit étaient refusés.

Alors certes, ces développeurs veulent tous rencontrer la #!/usr/bin/girl (prononcer user bin girl, je t'expliquerai hors-antenne), connaître une fille qui soit aussi forte en requête SQL que drôle dans ses blagues en octal. Mais... comment te dire... le comportement de certains déteint sur la majorité, et ce n'est pas la lamentable affaire gamer's gate qu'a subit Zoë Quinn qui fera rentrer plus de filles dans l'open-space.

Enfants du futur immédiat, je m'adresse à vous au pluriel car il faut de tout pour faire un hello, world :
Vous les mecs, vous avez l'impétuosité, l'audace, l'impatience, l'acharnement, ce qui motive à intégrer de nouvelles technologies, à concevoir via des chemins qui sont moins évidents, ou qui n'auraient jamais été explorés. Mais si l'industrie, les formations , les communautés de développeurs ne se préoccupent pas plus d'offrir un meilleur accueil aux femmes, il leur manquera une richesse importante que nous leur avons toujours amené : la prudence, la qualité, la médiation et le respect.