Bonjour à toi, Enfant du Futur Immédiat, toi qui a bidouillé une mécanique de jeu qui te fait trop kiffer et que tu as trop hâte de la montrer à tes petits camarades de classe, fier comme un paon avant de te faire confisquer ton smartphone par ton professeur.
Ben oui, mais pas en classe…
Il fut un temps où créer un jeu qui se vende en des milliers, des millions d'exemplaires à travers le monde... était une activité solitaire. Oui, point de studio avec une débauche de moyens techniques et humains en ces temps héroïques ! Une personne programmait quasi toute seule, et s'occupait du graphisme, la musique dans la foulée… et ensuite contactait un éditeur qui se chargeait du boitier, de la duplication et des circuits de commercialisation.
Le premier « Prince of Persia » par exemple a été entière codé par Jordan Mechner (sur Apple II), et il a même rotoscopé des vidéos pour dessiner les sprites. Oui, je peux même te révéler que le Prince Perse du titre était son jeune frère sautant dangereusement au dessus du trottoir.
Comme le disait tout récemment sur cette antenne René Speranza de Silicium :
C'était l'Ère de l'Amateur Éclairé.
Exactement : foin de grands studios, d'IDE ou de SDK élaborés, les outils de développement étaient faméliques, ceux de composition musicale ou de création graphique devaient être aussi construits maison (comme Ikéa, mais sans le manuel). Et il fallait une patience infinie pour dépasser les limites matérielles de la bécane 8 bits, trouver ce petit hack obscur pour réussir l'infaisable scrolling omnidirectionnel dont tu avais besoin ; une juste gloire nocturne dans ce monde où tout n'était pas bien documenté. Et où t'avais ni Slackoverflow, ni Google, ni Internet.
Moi même, entre autres Crimes contre l'Humanité, je dois confesser que je suis coupable d'avoir brouillonné des jeux, des fois esquissant un graphisme moche aux couleurs à faire vomir un daltonien, tentant de numériser un son via le port parallèle avec une carte mal soudée, et surtout, peinant et suant à tenter d'optimiser les routines d'affichages car bien souvent, je codais en Basic puis en Pascal et pas assez en assembleur. De nos jours, trop peu de personnes se soucient d'optimiser les cycles machines, même à 40°.
Il est vrai que les mécaniques des casses briques, des shoot'em up, de Tetris ou de Puzzle bobble sont désarmantes de simplicité. Le talent n'était pas dans le fait de les recréer, mais d'innover avec.
Mais foin du pixel art ou de la musique chiptune : on t'en parlera plus en détails dans d'autres émissions. En fait, comme je te l'ai dis en intro, c'est bien souvent trouver la mécanique de jeu qui est trippante. Tant pis pour le graphisme blocky ou l'absence de bruit, c'est cette mécanique qui va te rendre addict, qui va te faire tripper, la juste récompense du drogué du code. D'un code qui est parfois d'une simplicité désarmante, avant d'être étoffée par toutes les évolutions que tu voudras y mettre.
Et de nos jours ? On a encore ce plaisir de retrouver cette atmosphère de création rapide et d'un rendu rétro. Des gens qui codent sur des consoles ou des ordis sasfépu, ou encore des consoles fantaisies avec des limitations arbitraires et ridicules comme la pico8.
Enfant du Futur Immédiat, si le code doit être un jeu, il faut aussi que le résultat soit jouable.