Notes de direct pour l'émission « Supplément Week-end » du 10 septembre 2005

Un film de Mabrouk El Mechri. Avec Jalil Lespert, Léa Drucker, Jean-Pierre Cassel, Philippe Nahon.

Virgil, vendeur de sandwitches grecs, rend visite à son père au parloir de la prison pour lui baratiner qu'il remporte ses matches de boxe les uns après les autres. Un hic : on lui a confisqué sa licence il y a trois ans pour avoir balancé un uppercut sur un arbitre. Tout près, au parloir, un autre père se fait visiter, par sa fille Margaud, une blonde pas commode. Virgil est amoureux d'elle, mais il préfèrera crever ses pneus pour la ramener chez elle que l'inviter à prendre un verre. Soigner les formes et se livrer, c'est pas son truc.

L'autre hic, c'est que le père de Virgil va bientôt sortir de prison et découvrir la supercherie.

Ce premier film surprenant est bourré (qui a dit bourru ?) de qualités. Dans l'ensemble assez inhabituelles pour un film français contemporain, d'ailleurs. Son casting très pertinent tout d'abord, dont un Jalil Lespert épatant, aussi crédible dans le restaurant grec que sur le ring (le barraqué bourrin timide avec les filles, à mille lieux du stagiaire de « Ressources humaines »), et une Léa Drucker campant une fille rustre, caractérielle, et à la fragilité apparente aussi prononcée que celle d'un Steven Seagal découvrant les subtilités du jeu d'acteur !

L'autre duo de choc est bien sûr celui formé par le tandem Jean-Pierre Cassel / Philippe Nahon : l'un volubile, l'autre muet, captant les ombres du parloir et du mitard de façon quasi hypnotique, leur présence dans « Virgil » confirme un certain retour, surtout chez la jeune génération de cinéastes cocorico (Gans, Babluani, Kounen), aux "tronches" cabossées, bref, des effets visuels à eux tous seuls.

Mais aussi et surtout, ce qui frappe, ce qui étonne (pauvres de nous, le cinéma Français ne nous y avait plus habitués), ce qui scotche, c'est la mise en scène d'El Mechri. Pas de frime ! Pas de clin d'oeil envers un ciné mal digéré ! Pas de prétention branchouille ! Mabrouk nous envoie de la référence et du plan sur-cadré à foison, mais, au contraire des productions « Europa », pas d'effet gratuit, et toujours une intention derrière (un gros plan d'une roue du fourgon crade du héros, des flashbacks décalés sur une musique funk des années 70). Le plaisir évident qu'a ressenti le réalisateur en jouant avec les codes des films seventies, allant même jusqu'à utiliser une voix off, on se le prend dans la poire. Jubilatoire !

Au final, on est donc très loin de la comédie romantique fraiche. « Virgil » est fait de sueur, de punch, ça transpire, ça pue le direct dans le foie. Et, malgré une affiche hideuse qui, à défaut de souligner les ambitions artistiques du film, montre bien que ses anti-héros se draguent par des gnons interposés, nous sommes cloués sur notre siège, assommés par les dégâts collatéraux !